Que ce soit dans son rôle de mère, d’avocate, de militante écologiste ou de citoyenne, Elysia Petrone-Reitberger (B.A. 2007, Équipe d'aviron féminin des Gee-Gees 2004-2007) accorde une extrême importance à sa relation avec la nature et le territoire. Celle qui est à la fois d’origine italienne, allemande et anishinaabe de la Première Nation de Fort William – qui est située sur les rives nord-ouest de Gitchi Gami (le lac Supérieur), près de Thunder Bay – est née et a grandi dans le Nord-Ouest de l’Ontario.
Elle garde en mémoire les récits qu’on lui a racontés de sa grand-mère italienne qui cultivait son potager et faisait ses conserves, et ceux aussi de ses grands-parents autochtones qui récoltaient l’eau d’érable, chaque printemps, sur leur territoire. Elysia Petrone-Reitberger se décrit comme une écologiste de très longue date, au parcours façonné par ces liens familiaux et par le temps passé en plein air, à faire de la randonnée, à naviguer et à nager.
Au secondaire, elle s’inscrit à un cours d’un mois sur la gestion des ressources naturelles dans la forêt tropicale du Costa Rica. « Ce cours a vraiment éveillé mon intérêt pour la protection de l’environnement et les changements climatiques », explique-t-elle, ajoutant du même coup que ces sujets n’occupaient pas une grande place à l’école ou dans les conversations avec ses pairs.
Pour en apprendre davantage sur ces enjeux, elle s’inscrit par la suite au programme bilingue d’études de l’environnement de l’Université d’Ottawa. Comme sa mère Celina Reitberger y avait fait ses études en droit, dans les années 1970, elle voit dans cet établissement un symbole de tradition familiale.
Son passage à l’Université d’Ottawa nourrit ses préoccupations écologiques et renforce sa volonté de prendre soin de l’environnement. L’étudiante rédige des dissertations sur les changements climatiques, se joint à des clubs de développement durable et visionne des films sur la lutte environnementale et celle des communautés autochtones dans le cadre du projet Cinéma Politica, organisé par la Faculté des arts.
Pendant sa deuxième année d’étude, elle suit un cours en études des femmes autochtones, donné par la militante et Aînée algonquine Claudette Commanda, première femme autochtone nommée à la chancellerie de l’Université d’Ottawa, une fonction qu’elle assume actuellement. Le cours traite de la violence de l’État, du colonialisme et du racisme systémique. L’intersectionnalité des questions abordées trouve écho chez elle : « Je crois qu’il y a un parallèle à faire entre la façon dont on traite les femmes et la manière dont les gens traitent mère Nature ».
Pendant sa quatrième année d’études, elle participe à une excursion éducative au dépotoir de Kingston, près de la rivière Cataraqui, en compagnie des gens de son cours en gestion des ressources et de son professeur, Roger Needham. Toute la classe a alors la chance de discuter avec des militantes et militants communautaires, des élues et élus municipaux, des gardiennes des eaux, une personne spécialisée en droit de l’environnement et d’autres intervenants qui participent alors à la lutte contre la pollution de la rivière causée par les déchets. Cette expérience et d’autres qu’elle vit à l’Université d’Ottawa jettent les bases d’un nouveau chapitre dans sa vie de militante écologiste.
Concilier objectifs professionnels et buts personnels
Quand Elysia Petrone-Reitberger obtient son diplôme, le militantisme pour l’environnement devient un thème récurrent dans sa vie.
Elle fait une maîtrise en études de l’environnement à l’Université Lakehead, à Thunder Bay, œuvre auprès d’organisations non gouvernementales à vocation environnementale à Hamilton et travaille en agriculture en Ontario et au Manitoba. Aux côtés d’autres militantes et militants, elle mène plusieurs campagnes fructueuses, qui ont notamment pour but de manifester contre le projet de construction de l’oléoduc Énergie Est le long de la rivière Nipigon, dans le Nord-Ouest de l’Ontario et de demander aux universités Lakehead et McMaster de retirer leurs investissements dans les énergies fossiles.
En 2013, la militante retourne à Thunder Bay pour se joindre à la première cohorte en droit de l’Université Lakehead. La nouvelle faculté de droit se spécialise dans les lois autochtones et veut servir les petites communautés.
Une voie parfaite pour elle. « J’ai toujours voulu défendre les droits de la personne et les droits environnementaux, et je continue de vouloir travailler avec les communautés des Premières Nations pour les aider quand il m’est possible de le faire », souligne celle dont les projets professionnels portent sur la gouvernance autochtone. Elle appuie, par exemple, la Première Nation de Kitchenuhmaykoosib Inninuwug, qui fait partie du Traité nº 9, dans la création de son propre droit de la famille et collabore avec la Première Nation de Rainy River à la création et à la mise en application des nouvelles lois qui encadrent l’appartenance à une bande.
Aujourd’hui, Elysia Petrone-Reitberger rejette l’étiquette d’avocate spécialisée en droit de l’environnement et se décrit plutôt comme une « avocate qui se soucie de l’environnement ». Si elle accepte de donner des conseils juridiques pro bono à des groupes environnementaux, elle se consacre d’abord et avant tout, depuis 2019, à son mari George Lone Elk et à leurs deux enfants, Jackson et Rosalie.
L’été, tout ce beau monde en profite pour nager, cueillir des petits fruits et danser à des pow-wows. En avril, comme des générations et des générations l’ont fait avant elle, la famille récolte l’eau d’érable qui coule des arbres d’Anemki Wajiw (Mount McKay), sur le territoire de la Première Nation de Fort William, où elle s’est établie.
« C’est incroyable de penser que nous faisons la même chose que mes grands-parents faisaient avec ces arbres, au même endroit, au même moment de l’année », s’émerveille la diplômée. « Nous nous rendons sur place chaque jour pour recueillir la sève. C’est beaucoup de travail, mais j’aime ça! Et quand vient le temps de faire bouillir l’eau, la communauté se rassemble; c’est un bon moment pour parler avec les gens. »
Pour l’instant, l’équilibre qu’elle a trouvé entre ses obligations professionnelles et familiales lui convient. Elle refuse catégoriquement de faire partie de cette culture du rythme de vie effréné souvent associée à la pratique privée dans la profession juridique.
Elle préfère s’imprégner de sa propre culture et inculquer à ses enfants son attachement à la nature : « Je veux éduquer la prochaine génération de bons êtres humains qui sont reconnaissants de l’eau, du soleil, de la lune et de la terre. Des enfants qui savent ce que sont les changements climatiques et qui protègent l’eau. Je n’ai pas grandi enracinée dans ma culture, mais je veux que Jackson et Rosalie la découvrent et apprennent la langue. »