Invitée dans le cadre de la série de conférences Alex-Trebek 2023, Mme LaFlamme s’est entretenue – dans un échange convivial empreint de sa cordialité et de sa sagesse habituelles – avec Elizabeth Dubois, professeure en communications de l’Université d’Ottawa. Elle a émis des réflexions au caractère tantôt drôle et léger, tantôt mobilisateur, incitant le public à défendre le quatrième pouvoir.
Il s’agissait d’un retour au bercail pour Mme LaFlamme, qui a obtenu un baccalauréat à l’Université d’Ottawa en 1988, avant d’y recevoir un doctorat honorifique en 2014. Elle a aussi récolté la plus haute distinction offerte par l’Association des diplômés, soit le Prix Meritas-Tabaret pour diplômée ou diplômé exemplaire.
Parmi les invités spéciaux de cette édition, on comptait Jean et Matthew Trebek, respectivement veuve et fils d’Alex Trebek. Au micro, Mme Trebek a raconté que son mari avait été « sincèrement reconnaissant de la panoplie d’expériences » qu’il avait pu vivre à l’Université d’Ottawa.
Elle a aussi rappelé combien la diffusion des connaissances comptait aux yeux d’Alex Trebek. « Lorsqu’on entend la perspective d’une autre personne, on se rappelle que l’on doit garder une ouverture, et être disposé à remettre en question nos préjugés et à accueillir de nouvelles idées », a-t-elle déclaré.
Le monde dans nos salons
Les observations de Mme Trebek étaient en phase avec le thème de la soirée et les propos de la conférencière invitée. En effet, au cours de plus de 40 ans de carrière, Lisa LaFlamme s’est consacrée à ouvrir les horizons de la population canadienne avec des reportages sur les enjeux qui ont marqué notre génération.
On pourrait même dire que sa carrière a débuté bien avant son premier poste dans une salle de presse. « J’ai toujours rêvé d’être correspondante à l’étranger », a confié la journaliste, en racontant combien son enfance a été meublée par les histoires et l’écriture.
Elle s’est remémoré son premier reportage – un topo sur une foire consacrée à la voyance pour la chaîne de nouvelles locale de Kitchener, sa ville natale : « Je me suis fait tirer aux cartes et, croyez-le ou non, la personne a vu des drapeaux du monde dans mon avenir. Comme jeune journaliste de 24 ans, je n’aurais jamais pu imaginer comment ma carrière prendrait forme. Ça me touche quand j’y repense, en fait, étant donné le réel privilège que ce fut de couvrir l’information du monde entier. »
Qu’il s’agisse des attentats du 11 septembre ou de la guerre en Iraq qui s’ensuivit, des ravages de l’ouragan Katrina, de l’élection du pape François ou encore du conflit en Ukraine, Lisa LaFlamme est reconnue pour sa rigueur journalistique et son don de mettre de l’avant l’aspect humain des événements.
« Pour moi, les gens ont toujours été au cœur du récit, a-t-elle observé en parlant de son style journalistique. Lorsqu’on arrive quelque part, c’est le pire moment de leur vie. [...] Et chaque fois, j’ai constaté que c’est lors de ces épisodes difficiles que se déploie la force de l’âme humaine. »
La conférencière a poursuivi en abordant une cause qui lui tient à cœur : la défense des droits des femmes en Afghanistan. Elle a réalisé nombre de reportages sur la mission canadienne au pays et sur les conditions de vie pénibles des femmes et des filles sous le régime taliban.
Depuis, avec son conjoint, elle s’est grandement impliquée pour que Roya Shams, une jeune femme de Kandahar (aujourd’hui diplômée de l’Université d’Ottawa, B.Sc.Soc. 2019), puisse se réfugier au Canada, en compagnie de plus de 35 membres de sa famille.
Que ce soit en Afghanistan ou ailleurs, Lisa LaFlamme reste activiste. Elle a notamment collaboré avec Journalistes pour les droits de la personne lors d’un voyage au Kenya et en Tunisie pour produire une minisérie documentaire sur le travail social transformateur des journalistes de la région.
Journalisme et préservation de la démocratie
Mme LaFlamme s’est aussi penchée sur l’avenir du journalisme, et son rôle dans la préservation de la démocratie.
Elizabeth Dubois était la personne idéale pour générer, par ses questions, des observations lucides de la part de la reporter : dans ses recherches, la professeure analyse les aspects politiques des médias numériques, notamment l’intelligence artificielle, les influenceuses et influenceurs politiques sur les réseaux sociaux, et le harcèlement en ligne des personnalités publiques. Elle a demandé à la conférencière invitée ce qui avait, à son avis, le plus de répercussions sur le secteur journalistique.
« Les médias sociaux, sans conteste, et la montée de la mésinformation et de la désinformation, a répondu Lisa LaFlamme. C’est selon moi de là que vient la perte de confiance en nos institutions publiques, et aussi la polarisation qu’on voit dans de nombreux pays, dont le Canada. Les femmes journalistes sont aussi touchées par la misogynie et les comportements toxiques de façon disproportionnée, et c’est encore pire pour mes amies et collègues racisées. »
Selon Mme LaFlamme, la population et les autorités doivent comprendre la nature cruciale de la contribution des journalistes dûment formés – et la rémunérer. « Le journalisme est l’huile de coude de la démocratie, a-t-elle expliqué. On apprend comment distinguer les faits des fabulations, à les rassembler, à les contextualiser et à les communiquer. On ne peut pas simplement s’improviser journaliste. »
La conférence comportait cette année une séance de questions du public. L’une d’elles venait de Michelle Hennessey, titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en communications de l’Université d’Ottawa, et actuellement étudiante à la Section de common law de notre établissement.
Elle a demandé à Lisa LaFlamme ses conseils pour aider les femmes à surmonter les commentaires haineux et le harcèlement en ligne, et d’autres obstacles qu’elles peuvent rencontrer au cours de leur carrière.
« Il faut vous faire une carapace, puis faire une carapace à votre carapace, a répondu Mme LaFlamme. Les règles sont bel et bien différentes pour les femmes. Si vous vivez du harcèlement, du racisme, du sexisme, de l’âgisme, dénoncez-le. Rien ne changera si on ne dit rien, mais il y a des conséquences. »
L’Université d’Ottawa, une assise pour réussir
En terminant, Elizabeth Dubois a demandé à Lisa LaFlamme d’expliquer comment son diplôme de l’Université d’Ottawa l’avait préparée pour sa carrière. De la proximité de l’établissement avec le centre névralgique de la politique canadienne à sa dimension bilingue, la journaliste a attribué à l’Université d’Ottawa les bases professionnelles qu’elle a pu acquérir.
Ses années à l’Université lui ont aussi permis de développer une compétence particulièrement cruciale en cette ère des algorithmes et des fausses nouvelles : « Ce que j’ai appris de plus important dans ma carrière, honnêtement, ce sont les outils de pensée critique que j’ai pu acquérir au Département de communications. »