Gwen Madiba : Aujourd’hui, on reçoit Phil De Luna, un scientifique et investisseur en recherche diplômé de l’Université d’Ottawa qui veut développer des technologies pour contrer les changements climatiques. Il travaille en ce moment comme expert en développement durable chez McKinsey & Company; auparavant, il était directeur de programme au Conseil national de recherches du Canada – le plus jeune de tous les temps. C’est également un entrepreneur et un innovateur. Il a recueilli 20 millions de dollars en tant que finaliste du prix Carbon XPRIZE et est aussi professeur auxiliaire à l’Université de Toronto, où ses recherches sur les technologies du climat lui ont valu d’être dans les 0,01 % des chercheurs les plus cités dans le monde.
En 2021, il s’est présenté comme candidat pour le Parti vert du Canada aux élections fédérales, se classant dans les cinq percentiles supérieurs de tous les candidats du parti au pays. Phil a obtenu une maîtrise en sciences et en chimie de l’Université d’Ottawa, avant de réaliser son doctorat en sciences et génie des matériaux à l’Université de Toronto. Bonjour Phil, merci de vous joindre à nous depuis Toronto.
Phil De Luna : Merci beaucoup de me recevoir. C’est un plaisir d’être avec vous.
Gwen : On vient de présenter votre parcours, qui est tout à fait épatant. Il y a plusieurs raisons de vous applaudir, mais j’aimerais commencer de façon plus personnelle en vous félicitant pour vos fiançailles avec une diplômée de l’Université d’Ottawa.
Phil : Ah oui, merci beaucoup. Ma fiancée, Danielle, était au baccalauréat en sciences infirmières à l’Université d’Ottawa pendant que je faisais ma maîtrise. Nos fiançailles auront duré trois ans quand nous allons nous marier, étant donné la pandémie. Je l’ai demandée en mariage à l’automne 2020, et lorsque nous étions rendus à trouver une salle, il y avait beaucoup d’attente, et nous voulions fêter en grand. Alors de longues fiançailles, mais ça aura valu la peine d’attendre.
Gwen : C’est super. Félicitations encore. En fait, vous êtes notre deuxième invité cette saison à avoir rencontré sa douce moitié à l’Université d’Ottawa. Pour notre lancement en octobre, nous avons reçu Harley Finkelstein et Lindsay Taub, un couple de diplômés qui s’était rencontré dans un événement de rencontres express à l’Université.
Phil : Très chouette. C’est drôle, parce que quand j’étais à l’Université d’Ottawa, j’ai rencontré ma fiancée grâce à un de mes meilleurs amis. Il y avait rencontré sa conjointe, et elles étaient meilleures amies. Notre témoin et notre dame d’honneur sont encore ensemble aussi, et ils sont aussi diplômés d’ici. Ils sont toujours à Ottawa; nous, nous sommes à Toronto maintenant. L’Université d’Ottawa a un petit quelque chose de romantique, on dirait! [rires]
Gwen : Il y a absolument quelque chose dans l’air ici. [rires] Pour lancer notre conversation, j’aimerais commencer avec une question que nous posons à tous nos invités et invitées cette saison. Qu’est-ce que la curiosité pour vous?
Phil : C’est très intéressant comme question. La curiosité, pour moi, ça fait partie intégrante de qui je suis; comme scientifique, c’est une portion essentielle de mon identité. Un scientifique se doit d’être curieux et de réfléchir au fonctionnement de ce qui nous entoure, de faire des expériences et des tests, et de comprendre les conséquences de nos gestes. J’ai toujours été curieux, même petit, et c’est drôle, je pense que les enfants sont nés avec un esprit scientifique. Quand ils posent des questions comme « Pourquoi le ciel est bleu? Pourquoi les abeilles volent comme ça? », ils alimentent leur curiosité. C’est exactement ce que font les scientifiques dans leur travail. Je pense que la curiosité, c’est une manière d’aborder le monde qui nous entoure.
C’est aussi un aspect essentiel de ma personnalité et je ne pense pas que je me serais rendu jusqu’ici si je n’étais pas curieux. Je suis aussi curieux aujourd’hui que je l’étais petit.
Gwen : Phil, depuis vos études ici, vous avez eu un parcours incroyable. Vous avez obtenu un doctorat, bâti puis dirigé un programme de 57 millions de dollars en recherche et développement de technologies canadiennes innovantes pour le climat, vous avez réussi comme entrepreneur, et maintenant, dans votre poste comme expert en développement durable chez McKinsey & Company; pas étonnant que vous ayez été nommé parmi les 30 personnes de moins de 30 ans à surveiller par Forbes et les 50 acteurs du changement du Globe and Mail, entre autres. Je serais curieuse de savoir comment toutes ces différentes expériences ont contribué à façonner qui vous êtes.
Phil : Quand j’étais plus jeune, je voyais ma vie comme un enchaînement de chapitres. Je travaillerais 10 ans dans le milieu universitaire, 10 ans au gouvernement, 10 ans en philanthropie, 10 ans en affaires, puis je prendrais ma retraite bien tranquille quelque part. Mais en arrivant sur le marché du travail, j’ai mieux compris le monde professionnel d’aujourd’hui : on n’a pas à segmenter. On ne devrait pas le faire, et en fait, c’est impossible. On peut tout faire à la fois, en même temps, en passant par plusieurs chemins.
J’ai pris grand soin de me bâtir une carrière où je peux changer les choses au point de convergence de trois piliers. Ce qui va le plus faire avancer la lutte contre les changements climatiques, selon moi, c’est la technologie, l’instauration de politiques et l’économie. Côté technologique, j’ai mon travail universitaire. Mes accomplissements comme scientifique, mes recherches, la jeune entreprise que j’ai fondée. Du côté économique, j’ai mon travail chez McKinsey, le mentorat que j’offre à des entreprises en démarrage via différents accélérateurs. Et pour les politiques, je pense à ce que j’ai fait au Conseil national de recherches du Canada.
Je pense aussi à mon travail avec l’OCDE et la Commission canadienne pour l’UNESCO, et même à quand j’ai été candidat pour le Parti vert aux dernières élections. Ce qui m’interpelle tant dans l’idée de contribuer à tous ces piliers dans différents secteurs en même temps, de les relier, c’est que c’est là où l’on peut le plus changer les choses, selon moi : on peut se servir des apprentissages faits dans un secteur, puis les transposer et les faire connaître dans un autre.
Aujourd’hui, on travaille souvent en parallèle. On ne parle pas la même langue. Mais quand on arrive au point où on sait communiquer avec différents publics pour les rassembler, on peut avoir un rôle décisif, et selon moi c’est ce qui est nécessaire pour contrer les changements climatiques. On ne pourra pas s’y attaquer en fonctionnant en vases clos, et plus on a de personnes de différents milieux qui peuvent apporter leur point de vue et leur expérience, et collaborer, plus on se donne la chance de régler le problème.
Gwen : Et au fil de ces expériences, de toutes les compétences et les connaissances que vous avez tiré de votre maîtrise en sciences à l’Université d’Ottawa, de quoi vous êtes-vous le plus servi?
Phil : Trois choses, selon moi. Premièrement, ma maîtrise m’a vraiment montré à faire des recherches scientifiques de qualité, comme un professionnel. C’était l’une des premières fois où j’étais responsable de A à Z d’un rapport de recherche, de la rédaction, des expériences à réaliser, où je passais au travers du processus d’évaluation et où je devais faire mes preuves dans le milieu scientifique. Deuxièmement, j’ai appris l’importance du mentorat, de la relation à entretenir avec son superviseur, son patron ou son mentor – les gens qui vont être là pour nous, et ce qui peut arriver si ce n’est pas le cas. C’est souvent la personnalité et le style de travail qui déterminent la force des liens, et pas tant le talent ou les compétences.
Enfin, j’ai appris qu’il est essentiel d’avoir un bon réseau et des personnes qui vont nous soutenir tout au long de notre carrière et de notre parcours professionnel. C’est l’endroit où j’ai rencontré ma fiancée, et je ne serais pas où je suis aujourd’hui sans son soutien et son affection. J’y ai rencontré certains de mes amis les plus proches, qui sont toujours dans ma vie aujourd’hui. J’ai compris que l’équilibre travail-vie personnelle ne passe pas nécessairement par le temps consacré à chaque sphère, mais par le degré d’effort qu’on y fournit, et je pense que chaque sphère nourrit l’autre.
Donc si j’avais à le résumer, je dirais que mon passage à l’Université d’Ottawa m’a montré comment être un scientifique et l’importance du mentorat, et m’a permis d’apprendre à garder un bon équilibre travail-vie personnelle et à valoriser mon réseau.
Gwen : Oui, le mentorat est en effet très important et j’ai moi aussi eu la chance d’être accompagnée par d’excellentes personnes quand j’étais aux études ici. Merci de nous avoir parlé de tout ça, Phil. Votre travail en développement durable, en technologie et en changements climatiques va influencer l’avenir de la population canadienne et de la planète. Le développement durable est l’un des quatre piliers essentiels de notre plan stratégique, Transformation 2030, selon le principe qu’il est vital de construire notre avenir technologique et d’instaurer des pratiques durables. Quel sens tirez-vous de votre travail dans le domaine, et avez-vous des conseils pour les membres de l’auditoire qui voudraient contribuer à leur manière, que ce soit dans leur vie professionnelle ou personnelle?
Phil : Je vais aborder la question en commençant par faire un portrait de l’ampleur du problème. Pour beaucoup, les énergies ou les technologies propres, ça évoque des panneaux solaires et des éoliennes, des énergies renouvelables, c’est logique. La production d’électricité ne représente qu’environ le tiers de nos émissions à l’échelle de la planète. Le reste vient de ce qui assure notre qualité de vie, la transformation industrielle, le transport, l’alimentation, l’agriculture, le cadre bâti... tout ce dont on a besoin, tous les matériaux qui servent à construire nos logements, à alimenter nos appareils électriques, à produire nos appareils électroniques, comme l’écran par lequel je vous parle.
Autrefois, ces matériaux étaient enfouis, et il nous fallait dépenser de l’énergie pour les extraire, les raffiner et produire quelque chose. L’énergie dépensée génère des émissions de CO2. L’ampleur du problème des changements climatiques, c’est que l’électrification de tout ne suffit pas, même si c’est un bon début. Au fond, il nous faut transformer notre manière d’aborder la fabrication, le travail, les déplacements et nos systèmes économiques. Dans les 10 prochaines années, nous devrons réaffecter le capital à une échelle sans précédent. Selon bien des experts, nous avons jusqu’à 2030 pour réduire massivement les émissions si nous voulons atteindre la carboneutralité, que nous visons pour 2050.
Nous avons beaucoup de technologies qui peuvent nous aider à y arriver, mais environ la moitié ne sont pas encore commercialisées. Elles existent seulement dans un laboratoire, sur papier, en prototype ou en démonstration. La moitié; je dis bien la moitié. Ça représente plein de belles occasions pour les gens qui travaillent dans le domaine, pour les développer, mais il faut aussi injecter beaucoup d’argent pour atteindre notre but. On ne conçoit pas les technologies du climat comme celles des milieux informatiques ou financiers, par exemple, ou que les technologies traditionnelles. Ça se passe différemment.
Pour inventer le prochain Facebook, Shopify ou Stripe, on a seulement besoin d’un ordinateur portable, d’une personne très intelligente, de temps et d’argent; ensuite ça peut croître de façon exponentielle parce qu’il y a peu de ressources physiques à construire. Pour inventer une nouvelle façon de faire de l’acier, ou un nouveau véhicule électrique, ou une nouvelle manière de produire de l’engrais qui ne génère pas d’émissions de CO2, ça prend des poches profondes. C’est cher de bâtir, c’est cher de travailler l’acier. On ne peut pas aussi facilement transposer ces travaux à grande échelle; c’est pour ça que c’est long. Le conseil que j’adresserais aux gens qui veulent s’impliquer dans le domaine, c’est d’abord d’essayer de saisir l’ampleur de notre problème.
Ensuite, mettez-vous au travail pour comprendre l’un des morceaux du casse-tête de fond en comble et allez chercher les compétences nécessaires pour créer ou développer une technologie, ou pour mettre en place les politiques qui lui donneront naissance. Ciblez votre créneau et réglez un problème spécifique. Et finalement, faites preuve de patience, parce que c’est long avant de mettre une technologie sur le marché, d’avoir un impact. Je suis quelqu’un d’impatient. Si vous regardez mon parcours professionnel, vous remarquerez que j’ai changé de voie chaque deux ans, parce que j’essaie constamment de comprendre et d’essayer de nouvelles approches. Changer les choses, ça prend un certain temps. Malheureusement, on n’en a pas beaucoup. On doit trouver le moyen de passer à la vitesse supérieure.
Gwen : En cette époque d’écoanxiété où toute nouvelle sur les changements climatiques semble catastrophique, comment arrivez-vous à garder un bon état d’esprit, sachant ce que vous savez sur les défis qui nous attendent?
Phil : Excellente question. Je suis un optimiste et un technologue. Je suis absolument convaincu qu’en tant que société, en tant qu’espèce humaine, nous arriverons à régler ce problème avant qu’il ne soit trop tard. Pourquoi suis-je aussi confiant? Pour plusieurs raisons, mais surtout car les changements climatiques sont essentiellement un problème d’équilibre énergétique. On extrait des combustibles fossiles du sol et les brûle pour en soutirer de l’énergie, libérant ainsi du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. On parle de molécules et d’électrons, et on sait comment manipuler les molécules et les électrons. Nous sommes à la hauteur du défi; ça, j’en suis sûr.
Ce qui m’inquiète, c’est notre manque d’empressement et le fait que nous n’activons pas les leviers politiques et économiques nécessaires pour faire des changements climatiques une priorité. Mais je suis certain que nous finirons par trouver une solution à cet enjeu, car nous avons réussi à le faire pour un autre problème d’envergure mondiale : la pandémie de COVID-19. Il s’agit de deux problèmes similaires à plusieurs égards. Par exemple, ils utilisent tous deux des indicateurs retardés : le nombre de décès pour la COVID-19 et l’augmentation des températures pour les émissions de carbone et les changements climatiques. La seule différence, c’est que l’un se mesure sur quelques semaines et l’autre, sur des années, voire des décennies.
En huit mois, nous avons créé puis déployé partout dans le monde un vaccin à ARNm contre la COVID-19, un type de vaccin qui n’avait jamais été fabriqué à cette échelle, issu d’une toute nouvelle plateforme technologique. Nous y sommes arrivés car le monde entier a reconnu qu’il y avait un problème. Nous avons donc pu collaborer pour le régler. Nous pouvons faire pareil avec les changements climatiques. Ma plus grosse inquiétude, je le répète, c’est notre lenteur d’action. Mais je reste optimiste, premièrement car le secteur privé se réveille.
Les entreprises se rendent compte que le développement durable est extrêmement important non seulement pour leur portefeuille, mais aussi pour leur existence même. On en voit de plus en plus qui embauchent des chefs de la durabilité, car elles comprennent que c’est devenu un élément essentiel, un peu comme la transformation numérique l’a été il n’y a pas si longtemps.
Deuxièmement, la cause des changements climatiques est défendue avec de plus en plus de vigueur, et ce sont surtout les jeunes qui l’ont à cœur et portent le flambeau. Au bout du compte, c’est ma génération, mais surtout celles qui la succèdent qui subiront le plus les conséquences du réchauffement planétaire. Oui, la jeunesse est anxieuse, mais en contrepartie, elle est aussi parfaitement consciente qu’il y a urgence d’agir, et ça me remplit d’espoir.
Alors, pourquoi je reste positif? D’abord parce que je reste déterminé à tenter de trouver des solutions au problème. Ensuite, car je me concentre sur les éléments scientifiques, politiques et économiques nécessaires pour y arriver. Enfin, parce que je tâche de ne pas oublier qu’il s’agit au final d’un problème scientifique que nous pouvons régler.
Gwen : Vous avez indiqué que vous vous êtes présenté aux élections fédérales de 2021 pour le Parti vert du Canada. J’aimerais qu’on parle de cette expérience. Pendant votre campagne, vous avez réussi à mobiliser 120 bénévoles, ce qui vous place dans les cinq percentiles supérieurs des candidats de votre parti. En regardant l’une de vos vidéos, plusieurs choses m’ont frappée. Vous parliez de voter pour la science, du fait que vous étiez un jeune Canadien qui parlait aux gens de votre génération, et de votre parcours – né aux Philippines et arrivé à Windsor, en Ontario, à l’âge de cinq ans.
Je crois que la communauté de l’Université se reconnaît en vous : elle s’épanouit grâce à sa diversité, au talent de ses chercheurs et à la voix de la jeunesse dans ses milieux. Pouvez-vous nous parler de cette expérience et d’à quel point elle vous a marqué?
Phil : Bien sûr. C’était profondément marquant. Très peu de gens ont la chance de voir ainsi un échantillon du Canada, de faire du porte-à-porte pour discuter avec ses voisins et avec des gens qu’ils n’auraient jamais rencontrés autrement, et de comprendre les problèmes auxquels ils font face et les inquiétudes qui les habitent. J’en ai été bouleversé : ces rencontres m’ont montré, à bien des égards, ce que ça signifie d’être humain. Chaque fois que je parle de ma course à l’élection ou que j’encourage d’autres gens à se porter candidats, je dis qu’il faut avant tout se poser deux questions : pourquoi se présenter et qu’est-ce que la réussite en cas de défaite?
Je me suis porté candidat pour trois raisons. Premièrement, je voulais insuffler davantage de science en politique. Deuxièmement, je voulais qu’il y ait plus de diversité au Parlement. Troisièmement, je voulais inspirer la jeunesse à s’impliquer, car je constate une apathie non seulement chez les jeunes, mais dans la population en général. Il nous faut plus de diversité chez nos dirigeants. Ça nous prend des personnes de milieux et aux expertises variés : des scientifiques, mais aussi du personnel infirmier, des électriciens, des enseignants, des propriétaires de restaurants, des chefs cuisiniers, bref, des gens de partout.
Sans cette diversité et cette expérience extérieure à la politique, notre système sera de plus en plus polarisé. Je trouve ça effrayant, et dangereux pour notre société. Voilà pourquoi je me suis porté candidat. Je savais que je me présentais pour un parti qui avait très peu de chances de gagner, mais je l’ai fait quand même. Ce qui me mène à ma deuxième question : qu’est-ce que la réussite en cas de défaite?
Bien des candidats se présentent pour gagner, surtout s’ils le font sous la bannière d’un grand parti. Je voulais bien sûr être élu, mais il y a une différence entre se porter candidat en acceptant qu’on puisse perdre et se présenter, être convaincu d’une victoire, puis perdre. Je me suis présenté en sachant que même si je ne gagnais pas, j’aurais réussi, car ma motivation était toute autre : je voulais inspirer les jeunes à faire de la politique. Afin d’être le plus ouvert et transparent possible, j’ai présenté les coulisses de ma campagne sous forme de vlogues, dans l’espoir que d’autres gens de ma génération se sentent interpellés.
Quand j’ai commencé, j’ai fait comme tout le monde, c’est-à-dire lancer une recherche Google pour savoir ce qu’il faut faire pour se porter candidat au Canada. Mais à part quelques documents d’Élections Canada expliquant les formulaires à remplir, rien! Faites le même exercice aux États-Unis : il y a des organismes, des ressources dans divers médias, des formulaires, des réseaux de soutien... Ça n’existe pas au Canada. Pour moi, réussir, c’est de savoir que cette campagne a servi d’outil d’apprentissage pour autrui, peu importe l’affiliation ou l’orientation politiques, car je suis fondamentalement convaincu que plus de gens doivent s’impliquer. C’est comme ça qu’on trouve de meilleures solutions.
Gwen : Merci beaucoup, Phil. La question de la réussite en cas de défaite est très intéressante, car je doute que beaucoup de candidats se la posent tellement ils sont concentrés sur la victoire. Avant de clore l’entrevue, j’avais une dernière question. C’est une question plus décontractée qui va conclure tous nos entretiens cette saison. Pouvez-vous me parler de quelque chose qui éveille votre curiosité en ce moment? Ça peut être n’importe quoi, comme quelque chose que vous ne connaissez pas beaucoup, mais que vous voudriez découvrir davantage.
Phil : Oh, quelle bonne question! C’est dur de répondre, il y a tellement de choses qui piquent ma curiosité et que je voudrais creuser. [rires] Un de mes dadas, en ce moment, c’est l’histoire. On peut apprendre beaucoup de notre histoire. Et il y a tellement de périodes historiques. En les étudiant assez, on se rend compte qu’il y a des tendances récurrentes. Je pense que, comme êtres humains, on a le réflexe de penser qu’on est uniques et que l’époque à laquelle on vit l’est aussi. Mais en fait, on est constamment en train d’apprendre des mêmes erreurs.
Si on prend le temps de revenir sur la grande expérience partagée de l’humanité, ou sur l’histoire de notre pays, comme peuple, on peut faire des apprentissages et anticiper ce qui va venir à partir du passé. L’histoire de notre pays et de notre nation, c’est quelque chose qui éveille ma curiosité et qui vient me chercher. En particulier la question de la réconciliation avec les Premières Nations. Je suis loin d’être un expert, j’ai encore des apprentissages à faire. C’est intéressant, de plusieurs points de vue. Comme immigrant, quand je grandissais, on ne m’a pas vraiment inculqué l’importance du sujet ni quel était mon rôle.
Être Canadien, ce que ça veut dire. Mon rôle dans la réconciliation et notre histoire commune, une fois qu’on devient citoyen du pays. Il faut l’assumer, il faut aller de l’avant dans la réconciliation et être prêt à améliorer les choses, à s’améliorer soi. Beaucoup d’immigrants cherchent leurs repères au Canada et ne comprennent pas ou ne reconnaissent pas vraiment son histoire, son passé sombre. C’est quelque chose que j’essaie d’apprendre, pour pouvoir en discuter et mieux comprendre, parce que c’est selon moi un aspect essentiel de l’identité canadienne. Je me suis personnellement donné la mission d’essayer de le comprendre.
Gwen : Merci, Phil. Pourriez-vous dire à nos auditeurs et auditrices où ils peuvent vous trouver en ligne?
Phil: Vous pouvez faire une recherche sur Google, il y aura plusieurs résultats. Vous pouvez me trouver sur LinkedIn et sur phildeluna.com. P-H-I-L-D-E-L-E-L-U-N-A.com. Écrivez-moi. N’hésitez pas. Je suis toujours prêt à discuter, sur n’importe quel sujet. J’adore faire ça; je ne serais pas arrivé où j’en suis aujourd’hui sans les conseils et l’encadrement que j’ai reçus de nombreuses personnes dans ma vie. Je suis conscient que je ne suis pas le seul responsable de mon succès. J’ai une profonde envie personnelle d’assister les nouvelles générations parce que, encore une fois, ce n’est qu’en s’entraidant qu’on peut s’améliorer, comme société.
Gwen : Merci énormément d’avoir accordé cet entretien à uOCourant. Ça a été un réel plaisir de passer du temps avec vous. Merci d’avoir partagé votre parcours avec la grande famille de l’Université d’Ottawa.
Phil : Merci beaucoup de m’avoir reçu.