Comment former vos délégués commerciaux en diplomatie scientifique

Par Paul Dufour

Professionnel en résidence et professeur auxiliaire, ISSP, Paulicy works

Paul Dufour
Faculté des sciences sociales
Arts
Communications
Glass globe with puzzle background

En février 2024, le Conseil des académies canadiennes (CAC) a publié le rapport d'un comité d'experts sur les partenariats IISTK du Canada à travers le monde. Naviguer vers un avenir collaboratif est une exploration des preuves entourant les liens mondiaux du Canada avec la recherche, l'innovation et les connaissances, et offre des commentaires sur la façon dont le pays peut mieux se positionner dans l'arène géopolitique actuelle. Il s'agit d'un rapport de grande envergure qui aborde plusieurs lacunes importantes dans l'approche du pays en matière de science, de connaissance et de politique étrangère. L'une des questions abordées dans le rapport est de savoir comment la science dans la diplomatie peut être un outil efficace pour renforcer la collaboration mondiale - une question très discutée qui a donné lieu à plusieurs initiatives clés dans le monde, notamment dans plusieurs villes, telles que Tshwane, Genève et Barcelone, sans omettre un journal en ligne produit par l'Association américaine pour l'avancement de la science.

Au Canada, les efforts visant à explorer une position plus active en matière de diplomatie scientifique au sein du service commercial fédéral ont été sporadiques. Par exemple, le ministère des affaires étrangères du Canada avait l'habitude de déployer des attachés ou des conseillers scientifiques spécialisés. Bien que l'Institut canadien du service extérieur ait organisé quelques cours spéciaux dans ce domaine au fil des années, peu de choses ont été institutionnalisées au sein du gouvernement dans son ensemble.

L'idée d'un conseiller scientifique en chef au sein des ministères des affaires étrangères a parfois été évoquée et, sous l'égide d'un réseau de conseil scientifique et technologique des ministères des affaires étrangères, les conseillers scientifiques des ministères de plus de 30 pays se sont réunis au cours des dix dernières années environ.

En 2005, dans le cadre de ses efforts visant à renforcer la capacité de conseil scientifique de plusieurs ministères et agences canadiens, Arthur Carty, qui était conseiller scientifique national en chef auprès du Premier ministre, a présenté une proposition de conseiller scientifique en chef au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (aujourd'hui Affaires mondiales Canada). La proposition de conseiller scientifique en chef a été élaborée en vue de :

  • Aider le ministère en lui fournissant des conseils judicieux sur les questions scientifiques internationales ;
  • Renforcer les capacités du ministère en matière de sciences et de technologie et de connaissances ;
  • Créer un réseau de connaissances comportant des liens avec des ressources clés afin de permettre aux responsables des affaires étrangères et du commerce d'identifier les points forts, l'expertise et les partenariats internationaux du Canada ;
  • Diriger l'élaboration d'une stratégie internationale en matière de science et de technologie pour le ministère ;
  • Faire partie du Comité des conseillers scientifiques nationaux de cette époque, composé de scientifiques en chef ;
  • Assurer une veille sur les questions et les défis internationaux émergents ; et
  • Créer des liens plus solides entre le département et la communauté scientifique et technique externe afin de présenter au département les questions et les intérêts de cette dernière en matière de science et de technologie internationales.

L'initiative a permis d'élargir le champ d'action du Canada afin qu'il puisse améliorer sa présence mondiale par le biais de liens scientifiques et technologiques. En bref, l'idée visait à faire en sorte que l'approche nationale du Canada en matière de science et de technologie soit mieux alignée sur sa présence internationale dans les domaines de la diplomatie, du commerce et du développement - une stratégie "intermestique". L'idée n'a pas été retenue.

Nous sommes en 2024. Une autre administration libérale a tenté de donner une nouvelle image à ses politiques étrangères, commerciales et de développement. Une politique féministe de développement international est en place, un cadre politique pour l'Arctique et le Nord a été développé, plusieurs examens des partenariats du Canada avec les régions Indo-Pacifiques et Africaines ont été proposés, et une conseillère scientifique en chef, la Dr Mona Nemer, travaille avec des homologues du gouvernement pour aider à développer une capacité de conseil et de diplomatie scientifique dans l'ensemble de l'appareil fédéral, tandis que le rôle du Canada à l'échelle mondiale fait l'objet d'une nouvelle réflexion, animée en partie par le récent rapport du groupe d'experts du CAC sur les partenariats internationaux du Canada dans les domaines de la science, de la technologie, de l'innovation et de la connaissance.

La science et les connaissances solides en tant qu'outils diplomatiques peuvent être des entreprises mondiales et collaboratives vraiment efficaces. Mais il faut pour cela un leadership et un engagement soutenu. Il est peut-être temps pour le Canada d'agir et de réajuster sa boussole en matière de commerce international et de politique étrangère afin d'intégrer davantage la science dans le mélange. Avec plus de 400 accords internationaux en matière de science et de technologie recensés par les ministères et organismes fédéraux, sans parler du nombre considérable d'accords bilatéraux conclus par les universités et les provinces avec d'autres pays, le Canada devrait être mieux placé pour utiliser la science et la technologie, ainsi que ses talents qualifiés, comme outils stratégiques dans le cadre de la diplomatie. L'Université d'Ottawa a d'ailleurs lancé un appel à candidatures pour la création d'une chaire de recherche en diplomatie scientifique.

La science et la recherche peuvent préparer le terrain pour des initiatives diplomatiques et bénéficier d'accords diplomatiques, mais elles ne peuvent pas apporter de solutions à l'une ou l'autre de ces questions. En tant qu'outil de politique étrangère, la science est limitée dans sa capacité à influencer directement les conséquences nationales et mondiales. La communauté diplomatique a ses propres responsabilités. L'art de gouverner et la science sont intimement liés et, pour s'en assurer, la direction et le dialogue doivent s'unir de manière significative, et pas seulement par les voies diplomatiques officielles habituelles. Mais il s'agit de plus en plus d'une question intergénérationnelle qui mobilise les efforts régionaux, les communautés locales, les jeunes, les femmes et les acteurs non étatiques. Ils remplissent l'espace. L'ancien gouverneur général du Canada l'a souligné :

"Pratiquer la diplomatie des connaissances, c'est reconnaître que nous sommes plus forts lorsque nous travaillons et apprenons ensemble. La concurrence est vitale et nécessaire, et la diversité est essentielle au maintien de notre résilience, mais nous devons toujours garder à l'esprit [...] le principe fondamental des Lumières : le savoir est fait pour être partagé".