Le sexisme dans le monde de la musique Country

Jade Watson
Pour la plupart des gens, la musique country évoque chapeaux de cowboy, accents typiques du sud des États-Unis et chanteurs blancs – Alan Jackson, George Strait ou Garth Brooks, par exemple.

Jada Watson a décidé de démonter ces clichés.

Dans son projet de recherche intitulé A Data-Driven History of Country Music’s Geo-Cultural Origins, pour lequel le CRSH lui a accordé une subvention Savoir en 2018, la professeure de l’École de musique remet en question l’image de la musique country en examinant toutes les chansons des archives du palmarès Billboard Hot Country Songs. Pour chaque chanson, elle ajoute les données biographiques de toutes les personnes qui y ont participé (artistes, auteurs, réalisateurs, musiciens) en plus de préciser leur race, leur origine ethnique et leur sexe.

«…la musique country n’est pas nécessairement le produit d’une culture blanche du sud des États-Unis – elle peut parvenir de la culture noire des États du sud, ou d’un milieu urbain, ou encore du Canada… »

Ces données l’aideront à poser de nouvelles questions sur la provenance de ces personnes et les communautés musicales auxquelles elles appartiennent. Contrairement à la croyance populaire, le sud des États-Unis n’est pas nécessairement le point d’origine de ces traditions musicales et de ses musiciens. D’après la chercheuse, « …quand on commence à cerner qui a façonné le son de la musique country, on constate que celle-ci n’est pas nécessairement le produit d’une culture blanche du sud des États-Unis – elle peut parvenir de la culture noire des États du sud, ou d’un milieu urbain, ou encore du Canada… ».

L’intérêt marqué de Jada pour les questions de représentation des sexes dans l’industrie peut être tracé à ses premières recherches sur les Dixie Chicks.

Dixie Chicks
Dixie Chicks

Mais Jada ne se contente toutefois pas de ce projet de recherche. Elle a aussi reçu une subvention Développement Savoir du CRSH en 2018 pour un projet qui vise à comprendre de quelle façon des radiodiffuseurs de musique country ont appliqué des politiques sexistes qui ont contribué à pratiquement faire disparaître les femmes de ce genre musical. Elle examine le système de quotas radiophoniques mis en place dans les années 1990 pour faire augmenter les cotes d’écoute des stations en limitant le taux de chansons d’artistes féminines à aussi peu que 15 % de la rotation musicale. « On pense souvent aux années 1990 comme une époque bénie de la musique country féminine, avec des artistes comme Faith Hill, Tricia Yearwood, les Dixie Chicks « la musique country n’est pas nécessairement le produit d’une culture blanche du sud des États-Unis – elle peut parvenir de la culture noire des États du sud, ou d’un milieu urbain, ou encore du Canada… » ou même Shania Twain. C’est faux! En creusant un peu, on constate que vers 1999, les chiffres commencent à baisser de façon assez marquée chez les femmes. C’est parce que ces quotas étaient appliqués pendant cette période. » La professeure prévoit remonter jusqu’aux années 1960 pour retracer les origines de ce type de discrimination.

« Les graphiques sont en train de changer ma façon de travailler, et c’est très motivant ».

Dans le cadre de ces deux projets, Jada met à profit sa formation en sciences de l’information et en musicologie pour concevoir des graphiques de réseaux complexes afin de révéler encore plus d’information que les données du Billboard elles-mêmes. Par exemple, elle pourra visualiser des changements dans les systèmes de classement ou les méthodes des stations de radio au fil du temps. L’intégration de cette dimension des sciences humaines numériques à sa recherche plaît particulièrement à la professeure qui, malgré ses diplômes dans ces disciplines, n’aurait jamais cru arriver à jumeler ces deux mondes; « Les graphiques sont en train de changer ma façon de travailler, et c’est très motivant », dit-elle.

An example of the type of graphs Jada is developing to show gender trends in country music.
Les graphiques développés par la professeure Watson révèlent la représentation des sexes dans la musique country.

Quand on lui demande quel aspect de sa recherche elle préfère, la chercheuse répond : « …ce qu’il y a de plus stimulant, c’est d’en parler avec mes étudiants et mes collègues, car les discussions qui s’ensuivent sont fascinantes... » Jada espère aussi partager ses résultats avec l’industrie de la musique country et des groupes qui militent contre la discrimination sexuelle et raciale dans ce genre musical. Elle compte examiner à l’avenir l’incidence du système de quotas sur les musiciens et les radiodiffuseurs canadiens.