Faites connaissance de Will Tao, J.D. 2014, défenseur de la justice sociale établi à Vancouver

Faculté de droit – Section de common law
Communauté diplômée

Par Common Law

Communication, Faculté de droit

Faites connaissance de Will Tao, J.D. 2014, défenseur de la justice sociale établi à Vancouver

Will Tao (J.D. 2014) s’est récemment vu décerner un des prix CLawbies pour son blogue, le Vancouver Immigration Blog, et ce, pour une deuxième fois. En 2015, son blogue a été désigné meilleur nouveau blogue de droit canadien et en 2019, il a reçu le prix dans la catégorie du meilleur blogue et commentaire de droit canadien. Nous avons profité de l’occasion pour lui poser quelques questions sur son blogue, son parcours d’étudiant et sa passion pour le droit des étrangers au Canada.

 Qu’est-ce qui vous a poussé à créer votre blogue ?

La création du Vancouver Immigration Blog remonte à mon année de stage, entre 2014 et 2015. Un de mes collègues qui s’avérait aussi être un mentor, Steven Meurrens, ayant été admis au Barreau depuis environ cinq ans à l’époque, tenait son propre blogue intitulé Meurrens on Immigration qui portait sur l’immigration et qui connaissait un grand succès. Son blogue a suscité de nombreuses demandes de la part de clients, mais surtout, il lui a donné l’occasion de participer à d’importants débats politiques et juridiques. Il m’a également dit que le fait de bloguer était comme s’il s’écrivait des mémos à lui-même ce qui l’a aidé à apprendre le droit.

Pour toutes ces raisons, j’ai été inspiré à créer mon propre blogue, mais je n’avais certainement pas la moindre idée à l’époque qu’il allait devenir plus qu’un simple blogue sur l’immigration, mais aussi un espace de discussion sur la migration, l’équité raciale et, en fin de compte, un espace de liberté où je pouvais m’exprimer sans les contraintes que je ressentais souvent en tant que jeune avocat qui cherchait à faire entendre sa voix dans le domaine. J’étais également reconnaissant que la formule consistant à combiner mon blogue à la plateforme de Twitter ait permis de discuter de questions telles que le parrainage de conjoint, le tourisme de naissance et les étudiants internationaux. Ces sujets d’intérêts ont réuni de plus en plus de lecteurs, ce qui m’a permis de présenter mes perspectives politiques et mes analyses juridiques à un plus vaste auditoire.

 Pourquoi avez-vous choisi de retourner vivre et travailler dans votre ville natale de Vancouver ?

Mon retour à Vancouver n’a pas été pour moi l’occasion d’échapper au froid d’Ottawa. J’aimais la chaleur des gens qui y vivent (comme l’inconnu qui m’a ramené chez moi lorsque j’avais fait une trop grosse épicerie). Je me souviens encore de mes journées passées à étudier dans un café coréen du quartier chinois (maintenant fermé), à explorer. Je suis revenu parce que j’avais besoin d’être plus proche de ma famille et parce que j’estimais que la ville dans laquelle j’avais grandi comptait des populations de migrants qui avaient besoin d’assistance. Nous avons ici une importante diaspora canadienne d’origine asiatique qui a été au centre de mes études de premier cycle en histoire des migrations. Le retour à mes racines avec en main un diplôme de droit de l’Université d’Ottawa a été à la fois source d’humilité et d’enrichissement. Aujourd’hui, si mes réflexions sur le système débouchent souvent sur de vastes perspectives, je suis de plus en plus conscient du rôle concret que je peux jouer et je m’efforce de toujours garder le service à la collectivité et l’amélioration de l’accès à la justice comme priorités dans ma pratique.

Même depuis que j’ai obtenu mon diplôme, une hausse de populations migrantes a été observée dans plusieurs villes du pays. Bien que j’apprécie ma pratique en ce moment, à ce point-ci, je suis ouvert à l’idée de me déplacer là où le travail et les ambitions professionnelles de mon épouse me mèneront. Je lui ai dit en plaisantant qu’elle finira par étudier pour son J.D. à l’Université d’Ottawa et que je suivrai un programme de LL.M. sous la direction de la professeure Jamie Liew (pour qui j’ai tant de respect) en travaillant avec Ronalee Carey, une autre diplômée de l’Université d’Ottawa, dans son incroyable cabinet pour venir en aide aux intervenants qui sont amenés à se prononcer dans les affaires d’immigration de la CSC. Cela dit, il ne serait pas surprenant que je finisse par revenir à Ottawa pour un certain temps.

    Auriez-vous une anecdote à nous raconter sur votre séjour à l’Université d’Ottawa ?

Deux de mes plus proches collègues rencontrés à la faculté de droit (que je considère toujours comme des frères) se marient cette année (l’un avec quelqu’un qui étudiait avec nous). Puis, je fais toujours mes résolutions du Nouvel An avec une autre collègue de classe (que je considère comme une sœur). Ce mois-ci, un autre de mes amis de l’université m’a fait une surprise en me rendant visite à mon bureau à l’improviste. Chaque jour, je constate le travail incroyable que font nos collègues tout comme les travaux académiques de nos professeurs et le changement initié par ceux-ci.

C’est aussi à l’Université d’Ottawa que, pour la première fois, j’ai vraiment commencé à réfléchir aux questions d’accès à la justice et d’équité. Le fait d’avoir eu des professeures ayant un point de vue féministe très affirmé comme les professeures Joanne St. Lewis, Jena McGill et Angela Cameron m’a ouvert les yeux sur la façon dont mes propres expériences de vie étaient auparavant si étroites et patriarcales.

J’espère que l’Université d’Ottawa continuera de soutenir l’embauche et la sélection de professeurs provenant de minorités raciales afin que leurs perspectives puissent être plus largement partagées par les diplômés et appliquées dans les divers domaines du droit dans lesquels nous travaillons.

Par ailleurs, je suis très reconnaissant des relations que j’ai établies avec mes condisciples étudiantes et étudiants et le corps professoral et j’encourage les futurs étudiants en droit de choisir l’Université d’Ottawa pour les relations qu’ils y établiront.

 Pourquoi avez-vous choisi d’étudier et de travailler dans le domaine du droit ?

En fait, j’ai écrit dans mon album des finissants de 7e année que je voulais devenir avocat. Cette ambition est probablement venue en regardant Law and Order, puis avec le procès d’O.J. Simpson, et finalement de cette idée romancée du travail d’avocat. Je pense que mon ambition de réellement devenir un avocat du milieu communautaire découle de mon expérience professionnelle chez Access Pro Bono pendant mes études de premier cycle où j’ai contribué à la préparation de dossiers avec des avocats et où j’ai pu interagir avec des clients confrontés à des situations difficiles.

Pourtant, mon engagement en faveur de l’accès à la justice s’en est trouvé beaucoup diminué pendant mes études de droit, et si pouvais revenir en arrière, je me dirais de penser de manière plus critique et de remettre davantage en question certains aspects du cursus universitaire. J’étais un peu trop passif en tant qu’étudiant en droit et je voyais surtout cela comme une porte d’accès à l’emploi, ce que je regrette énormément aujourd’hui. 

Aujourd’hui, je trouve que le fait de travailler dans le domaine du droit est incroyablement enrichissant. Il n’y a pas beaucoup de professions que l’on peut exercer où l’on a littéralement la possibilité d’apprendre tout en travaillant, et de toucher un salaire pour ce faire. J’ai entendu récemment cette citation d’un avocat du ministère de la Justice, selon laquelle nous sommes toujours en train d’apprendre. C’est pourquoi on appelle cela la « pratique du droit ». Chaque jour, je me lève et je pratique de nouvelles façons de faire et de penser, tout en servant mes clients du mieux que je peux. Aussi cliché que cela puisse paraître, c’est vraiment le travail de mes rêves.

 Pourquoi le droit de l’immigration ?

Je dois tout d’abord reconnaître que l’Université d’Ottawa a su établir les conditions nécessaires qui m’ont permis de faire un choix de carrière dans ce domaine. Je n’étais certes pas le meilleur des étudiants, mais je dois dire que j’étudiais dans un environnement vraiment inspirant en partie grâce à Laura Setzer que j’ai eu la chance d’avoir comme mentore en première année, grâce aux professeurs de deuxième année Laila Demirdache et Michael Bossin (rencontrés lors des activités de la clinique juridique) ainsi que Lorne Waldman, Jackie Swaisland et Howard Greenberg (ayant donné des cours que j’ai suivis), et grâce aux professeures Jamie Liew et Jennifer Bond qui ont fait des recherches et livrer des plaidoyers extraordinaires tout au long de mes trois années d’études.

Lorsque j’ai commencé à envisager de m’orienter dans le domaine de l’immigration, je me souviens que des praticiens chevronnés m’ont dit qu’il serait impossible d’y faire carrière au cours des cinq premières années de pratique. Alors que j’entame justement ma cinquième année de pratique en mai prochain, je me réjouis de constater que la formation que j’ai reçue à l’Université d’Ottawa m’ait aidé à prouver que cet adage est faux.

Aujourd’hui, je considère le droit de l’immigration comme la plus complète des pratiques. Je suis un exemple parfait de qu’est un « solliciteur » vu mes fonctions (qui relèvent du processus de postulation) éclairées par mon travail relatif aux contentieux (réexamen/révisions judiciaires/appels) et vice-versa. Le droit de l’immigration est de nature très administrative, je crois donc que ma capacité à surmonter les obstacles de la bureaucratie et à communiquer efficacement avec les personnes impliquées dans les processus d’immigration est également un atout. J’ai l’occasion d’interagir quotidiennement avec tant d’êtres humains, beaux et imparfaits soient-ils, d’écouter tant d’histoires différentes et de me pencher sur celles-ci pour constituer adéquatement les dossiers respectifs de mes clients. C’est une façon incroyable de mener sa vie et je m’attends honnêtement à faire ce travail pendant longtemps.

En outre, je me réjouis que le droit de l’immigration me permette de repenser les processus en vigueur. Le droit de l’immigration est imprégné d’une vision colonialiste, eurocentrique du monde, de racisme systémique, de patriarcat et de suprématie blanche. De la construction de ces frontières artificielles à l’étiquetage de certains groupes qualifiés de vulnérables, chaque détail révèle quelque chose à déconstruire et à mieux comprendre. Cela éveille mon désir de toujours changer et améliorer les choses qui m’entourent, ainsi que de reconnaître combien nous sommes tous imparfaitement faussés.

Dans le cadre de mon travail, je me place dans la perspective d’une personne « racialisée », mais aussi dans celle de l’oppresseur — un colon privilégié installé sur des terres autochtones non cédées. Je porte mon attention sur les processus d’immigration en m’efforçant d’aller au-delà de la surface des choses, et après une réflexion en profondeur, je tente d’offrir de nouvelles perspectives ou de parler d’autres enjeux qui ne sont pas abordés, car les personnes qui ne sont pas personnellement touchées par ceux-ci peuvent omettre d’en tenir compte, et cela est un aspect de mon travail que je trouve gratifiant. J’aime creuser les sujets en profondeur et donner des avis nuancés, puis de demeurer informé et d’être au fait de l’actualité. Cela exige beaucoup de temps pour lire et rester à l’affût, mais cela rend ma pratique très dynamique.

Enfin, les fruits de mon travail peuvent servir à la communauté dans laquelle je vis. Je suis en mesure de conseiller les médias en ce qui concerne certains dossiers, de faire du bénévolat en partageant les pratiques exemplaires du domaine avec des groupes communautaires et de participer au dialogue politique. Le droit de l’immigration est avant tout politique et, vu que je ne compte pas m’impliquer sur la scène politique en tant que telle, je dispose de l’espace requis pour y participer à ma manière et, en grande partie, selon mes propres termes.

Chaque jour, pratiquer le droit de l’immigration est une aventure en soi et je commence à confronter l’incertitude et les zones d’ombre là où, par le passé, je les aurais évitées.