Modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

Par Communications

Faculté de droit, Section de droit civil

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Le 16 mars 2010, le ministre de la Justice, l'honorable Rob Nicholson, a présenté quelques modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA). La professeure Rachel GRONDIN émet son opinion à ce sujet.

OPINION

Professeure Rachel GRONDIN

Faculté de droit, Section de droit civil

Le 26 mars 2010

Des modifications en apparence anodines, mais apportant des changements fondamentaux

Le 16 mars 2010, le ministre de la Justice, l’honorable Rob Nicholson, a présenté quelques modifications à laLoi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA). Ces propositions concernent principalement la détention provisoire des adolescents, leur assujettissement aux peines applicables aux adultes, leur placement en lieu de garde et la levée de l’interdiction de publicité.

Certaines modifications proposées portent sur des articles généraux de la LSJPA. La réécriture du premier paragraphe de l’article trois apporte un changement fondamental à l’interprétation de toutes les dispositions de la loi. Cet article présente les principes  s’appliquant pour l’ensemble de cette législation particulière pour les adolescents. Actuellement, une seule phrase est prévue à l’alinéa 3a) LSJPA dans lequel il est prévu que « le système de justice pénale pour les adolescents vise à prévenir le crime par la suppression des causes sous-jacentes à la criminalité chez les adolescents, à les réadapter et à les réinsérer dans la société et à assurer la prise de mesures leur offrant des perspectives positives en vue de favoriser la protection durable du public ». Dans la version proposée, la protection du public est soulignée dès la phrase introductive de cet article alors que la réhabilitation et la réinsertion sociale sont déplacées dans un sous-alinéa de ce paragraphe perdant ainsi de leur importance. Aussi, le texte proposé laisse tomber l’aspect« durable » de la protection du public, donnant préséance à une protection immédiate sur une protection à long terme qui est mieux assurée par la réhabilitation et la réinsertion sociale.

Cette réécriture de l’article trois sème plus de confusion qu’il n’apporte de clarification dans l’interprétation de la loi. Ainsi, il est prévu plus loin dans la LSJPA que la détermination de la peine doit se faire « conformément aux principes de l’article 3 », tout en ayant comme objectif de favoriser la protection « durable » du public.

Aussi, plusieurs changements proposés résultent des définitions  prévues à l’article deux et s’appliquent pour toute la loi. L’objectif de la version originale de la LSJPA qui était de diminuer le placement sous garde des adolescents semble mis de côté par les modifications proposées. La disposition particulière prévue dans la LSJPA  pour limiter le placement sous garde dans le cas d’une infraction de violence serait modifiée considérablement sans qu’aucun changement ne soit apporté à la rédaction de cette mesure. En 2005, la Cour suprême du Canada avait jugé qu’une infraction de violence existe seulement lorsque des lésions corporelles sont causées ou qu’il y a tentative ou menace d’en causer. Selon la définition proposée par le gouvernement, une infraction de violence comprendrait désormais les infractions créant « une probabilité marquée » de lésions corporelles. Par exemple, cette nouvelle définition permettrait d’imposer un placement sous garde à la personne ayant participé, pour la première fois, à une course de rue avec un copain, un crime ajouté au Code criminel depuis 2006, même si aucune lésion corporelle n’en a résulté.

Aussi, il serait désormais possible d’imposer une peine de placement sous garde lors d’une première poursuite judiciaire pour méfait contre des biens si un adolescent a déjà reçu plusieurs avertissements pour avoir endommager des biens. Plusieurs peines spécifiques possibles permettant une réhabilitation de cet adolescent pourraient alors être ignorées au nom d’une protection de la société. La détention assure sûrement la protection immédiate du public, mais ce n’est pas si sûr que cette protection soit durable. De nombreux experts ont démontré qu’une peine dissuasive ne fonctionne pas avec les jeunes.

À la suite d’une condamnation pour course de rue, le tribunal pourrait aussi lever l’interdiction de publication généralement reconnue pour les adolescents. Il est admis de tous que la publication d’une information relative à la condamnation d’un adolescent freine  nécessairement sa réinsertion dans la société. De plus, cette décision serait prise en tenant compte des principes de la nouvelle version de l’article trois reconnaissant la prédominance de la protection publique sur la réinsertion sociale.

Par sa ratification de la Convention internationale sur les droits de l’enfant, l’État canadien a reconnu la nécessité de faire assumer aux enfants « un rôle constructif au sein de celle-ci ». En ajoutant la dénonciation et la dissuasion aux principes de la détermination de la peine, le Canada s’éloigne de son engagement international à tenir compte de la nécessité de faciliter aux enfants délinquants leur réintégration dans la société.