Les 35 ans de la Convention relative aux droits de l’enfant | par Professor Mona Paré

Nous sommes de nouveau arrivés à un anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). Cette convention internationale, qui fait partie des traités principaux de l’ONU pour la protection des droits humains, fut adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1989. Je me remémore les anniversaires qui ont marqué les 18 ans de la CDE (sa majorité), puis les décennies 20 et 30. Des colloques sont généralement organisés pour souligner ces étapes importantes et le LRIDE a fait sa part pour la promotion des droits des enfants à des moments qui jalonnent la mise en œuvre de la convention. Lors de ces évènements, on discute de différentes perspectives, des avancées, des signes de recul et des opportunités pour mieux mettre en œuvre les droits des enfants. Les bilans sont toujours mitigés. La Convention est toujours peu connue du public, et encore moins des enfants, et les enfants ne sont pas une priorité des gouvernements, même quand ils sont présents dans les discours. Qui n’a pas entendu dire que les enfants sont notre avenir?

Les 35 ans de la CDE sont-ils un moment charnière pour la Convention? Si les 18 ans marquent la fin de la minorité, on peut dire que les 35 ans marquent définitivement la fin de la jeunesse, qui, chez les humains s’arrête à 25, 30 ou 35 ans selon les programmes. Les instruments juridiques vieillissent aussi. Il suffit de lire la Déclaration sur les droits de l’enfant de 1924 pour comprendre les bonnes intentions derrière ce texte, mais le vocabulaire employé et le manque d’approche fondée sur les droits sautent aux yeux. Depuis déjà les années 2000 on note aussi le vieillissement de la CDE qui ne répond pas aux nouveaux défis que posent des contextes sociaux changeants. Sachant que le texte de la CDE avait été négocié entre 1979 et 1989, on se rend compte que le monde dans lequel vivent les enfants a beaucoup changé. Des questions cruciales aujourd’hui, comme les changements climatiques, l’identité de genre et la crise de santé mentale chez les jeunes liée à la pandémie de COVID-19 ou aux réseaux sociaux, ne sont que quelques exemples de défis qui n’étaient pas d’actualité pendant les années 1980. La CDE ne traite pas de ces questions.

Ce vieillissement insinue-t-il la non-pertinence de la CDE? Ce n’est pas le cas. Malheureusement, la protection des enfants contre la violence, la négligence, l’exploitation et d’autres abus est toujours d’actualité, où qu’on se trouve dans le monde. Les articles sur le droit à la santé ou le droit à un niveau de vie suffisant retiennent aussi l’attention quand on lit des rapports sur le pourcentage d’enfants non vaccinés ou souffrant de malnutrition. De plus, plusieurs articles de la CDE peuvent être appliqués aux situations nouvelles. Par exemple, le droit à l’information, à la liberté d’expression et la liberté d’association sont utiles pour protéger les enfants qui mènent un combat contre les changements climatiques. Les principes généraux de la CDE doivent toujours guider nos réponses aux nouveaux défis: la non-discrimination (art. 2), la nécessité de considérer l’intérêt supérieur de l’enfant de manière prioritaire (art. 3) et d’assurer au maximum sa survie et son développement (art. 6), ainsi que de lui reconnaitre le droit de s’exprimer et de considérer sérieusement son opinion (art. 12). À ces principes on rajoute la capacité évolutive des enfants qui doit guider les responsabilités parentales (art. 5). Les observations générales du Comité des droits de l’enfant offrent un guide précieux pour adapter le contenu de la convention aux nouvelles réalités. Il suffit de mentionner l’Observation générale sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique et celui sur les droits de l’enfant et l’environnement, mettant l’accent sur les changements climatiques.

La reconnaissance de l’importance de la CDE signifie-t-elle que la complaisance est au rendez-vous? Non, et soyons honnêtes. La convention est loin d’être parfaite et ce n’est qu’un instrument pour assurer que les enfants puissent vivre dans la dignité et jouir des droits humains comme les adultes. Sa plus grande contribution est d’avoir fait reconnaitre les enfants comme sujets de droits. Les grands principes y sont pour adapter les droits de la personne aux enfants. Pour ce qui est de la mise en œuvre des droits, nous sommes tous responsables au niveau individuel et collectif, société civile et gouvernements. Pour combler les lacunes de la convention, à nous de faire preuve d’initiative, de créativité et d’audace pour développer des outils d’éducation, de réforme législative, de surveillance, etc., adaptés aux nouvelles situations. Faisons-le sereinement dans le respect des principes de la CDE dont la maturité n’est plus à prouver.

Références

  • Comité des droits de l’enfant, Observation générale no.25 sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique (2021), Doc. NU CRC/C/GC/25
  • Comité des droits de l’enfant, Observation générale no. 26 sur les droits de l’enfant et l’environnement, mettant l’accent en particulier sur les changements climatiques (2023) Doc. NU CRC/C/GC/26
  • Freeman, Michael, “The Future of Children’s Rights”, (2000) 14 Children and Society 277
  • UNICEF, The State of the World’s Children reports, en ligne: https://www.unicef.org/reports/state-of-worlds-children
  • United Nations Department of Economic and Social Affairs, “Definition of Youth”, Fact Sheet, en ligne: https://www.un.org/esa/socdev/documents/youth/fact-sheets/youth-definition.pdf
  • Veerman, Philip, “The Ageing of the UN Convention on the Rights of the Child” (2010) 18:4 The International Journal of Children's Rights 585