Une exploration du droit des corps : la Chaire-miroir transatlantique Ottawa-Liège

Une nouvelle initiative de recherche novatrice traverse l’Atlantique pour explorer la relation complexe entre le droit et le corps humain.

La Chaire-miroir Ottawa-Liège : Le droit des corps réunit la professeure Mariève Lacroix de l’Université d’Ottawa et le professeur Frédéric Bouhon de l’Université de Liège pour étudier des questions relatives à l’autonomie personnelle, aux contraintes juridiques et aux transformations corporelles. Dans un esprit de collaboration, en s’appuyant sur les perspectives du Québec et de la Belgique (et plus globalement, du Canada et de l’Europe), ce projet de recherche examinera comment les lois régissent le droits des corps.

Dans une nouvelle série de courtes vidéos, la professeure Lacroix et le professeur Bouhon discutent des objectifs de la chaire et expliquent pourquoi une collaboration transatlantique du genre devrait approfondir notre compréhension des règles juridiques entourant le contrôle du corps – par soi-même, par autrui et par les autorités étatiques.

Dans le cadre d’une entente entre la Section de droit civil de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et la Faculté de Droit, de Science politique et de Criminologie de l’Université de Liège, ce nouveau partenariat a été lancé officiellement en décembre 2024 lors d’un événement spécial qui rassemblait des chercheuses et chercheurs des deux établissements.  Un séminaire inaugural a servi à explorer un large éventail de sujets liés au corps et au droit; y ont contribué la professeure Céline Castets-Renard, la professeure Lili Dao, la professeure Audrey Ferron Parayre et la doctorante Laura Julien de l’Université d’Ottawa, ainsi que le doyen, Yves-Henri Leleu, et deux chercheuses de l’Université de Liège, Elisa Crosset et Mathilde Franssen.

Le séminaire a été suivi d’une cérémonie d’inauguration avec Maxime Ramon, conseiller pour l’Ambassade et les consulats de la Belgique au Canada. Il a souligné que la Belgique collaborait depuis longtemps avec des partenaires au Canada, et que c’était un plaisir de voir cette relation se poursuivre grâce à la chaire de recherche. « Ce que vous faites ici, c’est innovateur et ça représente l’innovation dans le monde juridique et dans les sciences juridiques. Et ça, il faut le célébrer. »

La doyenne de la Section de droit civil, Marie-Eve Sylvestre, a aussi pris la parole à la cérémonie d’inauguration, mentionnant la nature complémentaire du nouveau partenariat : « La chaire célèbre un partenariat privilégié entre l’Université d’Ottawa et l’Université de Liège – une collaboration qui va continuer à porter ses fruits grâce au travail de tous les partenaires. Du côté belge, la chaire souligne l’excellence et la réputation internationale de la Faculté en droit public et son approche interdisciplinaire. Tandis que de notre côté, la chaire permet de miser sur une force historique en recherche à la Section de droit civil en droit privé et comparé, qui est aussi au cœur de notre plan stratégique. »

Le doyen de la Faculté de Droit, de Science politique et de Criminologie de l’Université de Liège, Yves-Henri Leleu, s’est aussi adressé à l’auditoire pour noter le caractère opportun de la recherche entreprise par les deux titulaires de la chaire : « Grâce à la Chaire-miroir, je pense que vous allez faire une avancée fondamentale et significative au domaine de l’étude du corps, un sujet qui évidemment nous touche tous dans notre existence biologique, comme dans notre conscience. Le corps a toujours été un objet de science, même de sciences humaines et de sciences sociales. Mais de science juridique, ça n’a jamais été aussi important et évident qu’aujourd’hui. »

Mariève Lacroix et Frédéric Bouhon ont clos la cérémonie en énonçant les avantages de la nature transatlantique du partenariat. « Cette chaire va nous offrir une recherche collaborative sur la maîtrise du corps par soi, ou encore par les autres, a dit la professeure Lacroix. Et donc, nous demanderons ce que le droit fait au corps et ce que le corps fait au droit. » Le professeur Bouhon a ajouté : « Jusqu’à présent, il n’y a pas de personne sans corps. Forcément, il n’y a pas de personne sans question sur son corps. Il y a un fond culturel et idéologique commun entre les deux démocraties libérales que sont la Belgique et le Canada, c’est évident. Mais on continue à remarquer qu’on ne répond pas toujours à ces questions de la même façon. »

Cette collaboration entre la professeure Lacroix et le professeur Bouhon promet de réunir leurs perspectives de spécialistes pour jeter un nouvel éclairage sur les liens changeants entre le droit, l’identité et le corps.

Les trois axes de la Chaire-miroir Ottawa-Liège

Le programme de recherche de la Chaire-miroir s’articule autour de trois grands axes : le corps contraint, le corps mutant et le corps relationnel. En ce qui concerne le corps « contraint », l’équipe de recherche s’intéresse à divers types de contraintes auxquelles peut être soumis le corps humain. Un corps malade ou handicapé, par exemple, pourrait ne pas bouger aussi librement que l’on pourrait s’y attendre, tandis qu’un corps incarcéré ou isolé conserve toutes ses fonctions, mais se voit imposer des contraintes externes. Comment les courants de pensée juridique du XXIe siècle perçoivent-ils ces contraintes à l’autonomie individuelle? Comment appuient-ils les corps restreints de l’intérieur, et comment justifient-ils les contraintes externes?

Le corps « mutant » intéresse la professeure Lacroix et le professeur Bouhon par sa manière de se métamorphoser. Le corps grandit au fil d’une vie et passe par des transformations perpétuelles jusqu’à la mort. Mais des interventions externes, qu’elles soient délibérées ou non, peuvent apporter de grands changements à un corps. Certaines transformations, qui demandent d’importantes interventions chirurgicales, sont particulièrement motivées par le désir d’améliorer son apparence ou bien de faire coïncider son genre perçu à son apparence sexuelle. Comment la loi appuie-t-elle ou encadre-t-elle ces transformations? Comment régit-elle les enjeux liés à la mort, la transformation ultime du corps?

Pour le corps « relationnel », l’équipe de recherche se penche sur la manière dont le corps sert de véhicule aux relations. Une personne entretient tout d’abord une relation avec son propre corps, mais ce dernier est également au centre des relations avec les autres. Même indépendamment des contacts avec les autres, le corps est un élément important de l’identité et de la manière dont une personne s’exprime et s’expose au monde. Quels obstacles la loi impose-t-elle au développement de ces relations? Pour quelles raisons explicites ou implicites?

Par le prisme de ces trois axes, la professeure Lacroix et le professeur Bouhon étudieront les diverses réalités juridiques au Canada et en Belgique, où des facteurs sociaux, culturels et réglementaires complexifient les différentes notions de contrôle sur le corps humain. La structure de la Chaire-miroir permet un libre échange d’idées et apporte de nouvelles perspectives à ces enjeux actuels.

la professeure Mariève Lacroix de l’Université d’Ottawa et le professeur Frédéric Bouhon de l’Université de Liège
La professeure Mariève Lacroix de l’Université d’Ottawa et le professeur Frédéric Bouhon de l’Université de Liège