Angel Larkman étudie en droit à l’Université d’Ottawa. De concert avec la rédaction du Huffington Post Canada, elle s’empresse de faire publier son témoignage dans l’article (en anglais) It Took The Government 36 Years To Tell Me What I Already Knew: I Am A Status Indian, la veille de la fermeture du journal.
Mme Larkman, inscrite en deuxième année en common law, a voulu transmettre son vécu pour aider d’autres personnes vivant une situation similaire. En 1952, sa grand-mère a « volontairement » renoncé à son statut d’Indienne, privant ainsi sa descendance de ce statut. Or, Angel Larkman sait de source sûre que la plupart ignorent les changements législatifs en cours, et leur possible admissibilité au statut d’Indien de nos jours.
Témoignage de Mme Larkman : « En décembre 1952, ma grand-mère, Laura Flood, a fait partie des quelque 11 000 Indiens " volontairement émancipés " aux termes du régime législatif raciste de l’époque. Ces personnes ont reçu la citoyenneté canadienne, à condition de renoncer au statut d’Indien pour elles-mêmes et leur descendance. Lorsque le projet de loi C-31 et les modifications apportées à la Loi sur les Indiens ont mis fin aux pratiques d’assimilation en 1985, ma grand-mère a demandé le rétablissement de son statut d’Indienne, ce qu’elle a obtenu en 1986, tout comme ma tante, mes oncles et leurs enfants par la suite. »
« Contrairement à ses frères et sœurs, ma mère est née sans être " Indienne aux yeux de la loi ", après l’émancipation de ma grand-mère. Lorsqu’elle a retrouvé son statut, c’était en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens, dans des conditions qui ne permettaient pas de transmettre le statut à la génération suivante – c’est-à-dire mes frères et sœurs et moi. Disons donc que nous avons grandi sans les droits et privilèges qui nous revenaient. En 1992, alors dans la vingtaine, j’ai fait appel de la décision du registraire pour tenter d’obtenir le statut d’Indienne, mais j’ai fini par être déboutée. »
En 2020, Angel Larkman, qui a commencé ses études en common law, reçoit un courriel qui va tout changer.
Elle apprend en effet l’existence d’une affaire étudiée par la Cour supérieure du Québec concernant l’émancipation « volontaire » de Margaret Hele, invalidée par le tribunal parce que la Loi sur les Indiens excluait les femmes indiennes célibataires de plus 21 ans de la mesure législative – seuls les hommes indiens, leur épouse et leurs enfants d’âge mineur y étaient admissibles.Elle découvrira par la suite que l’avocat à l’origine du courriel avait consulté son cas (l’affaire Larkman), rejeté à la demande d’appel en 2015, et s’en était inspiré pour présenter sa cause sous un angle différent.
Ce sont toutes ces années passées à se battre dans le système juridique canadien pour obtenir son statut d’Indienne qui ont mené Angel Larkman aux études en droit. Elle et sa grand-mère ont travaillé sur cet enjeu pendant des décennies. En 2015, la Cour suprême du Canada a refusé leur demande d’appel, mais la future juriste ne s’est pas laissée abattre : elle s’est plutôt dit que si la loi ne reflétait pas la vie réelle, il lui fallait trouver un moyen de la changer.
À la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, Angel Larkman a trouvé une grande alliée en Danielle Lussier, alors conseillère en relations autochtones et auprès des apprenantes et apprenants autochtones à la Section de common law, et aujourd’hui directrice des relations communautaires et autochtones.
La disponibilité de Mme Lussier de même que ses judicieux conseils lui ont été d’une grande aide à tous les égards, en contexte de pandémie.
Pour l’été, Mme Larkman a installé son bureau dans sa réserve, au sein de la Première Nation de Matachewan, en Ontario, où elle s’est même créé un poste de coordonnatrice en éducation juridique publique. Motivée par sa pénible expérience dans le système juridique et reconnaissante des appuis dont elle bénéficie ainsi que des contacts qui l’ont mise au courant de l’affaire Hele, elle travaille inlassablement à colliger et à transmettre de l’information aux membres de sa communauté et des peuples autochtones du Canada pour leur éviter les mêmes écueils.
Il y a cinq ans, Angel Larkman aurait raconté une tout autre histoire à propos de son statut d’Indienne. Aujourd’hui, elle cite sa grand-mère pour décrire la saga : « ça ne sert à rien de ruminer le passé ».
Merci, Angel Larkman, de votre persévérance et votre résilience!
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Lisez l’article d’Angel Larkman (en anglais) It Took The Government 36 Years To Tell Me What I Already Knew: I Am A Status Indian, toujours accessible sur le site Web du Huffington Post.
Autres ressources :
Hele c. le Procureur général du Canada, 2020 QCCS 2406
Loi sur les Indiens (L.R.C. [1985], ch. I-5)
Iniquités résiduelles en matière d’inscription et d’appartenance (rcaanc-cirnac.gc.ca)