La Journée mondiale de l’enfance du 20 novembre est une autre occasion pour le Laboratoire de recherche interdisciplinaire sur les droits de l' enfant (LRIDE) de l’Université d’Ottawa de rappeler que chaque enfant compte et qu’il est essentiel de défendre ses droits à l’année longue. Cette année, LRIDE organise d’ailleurs une conférence consacrée aux droits de l’enfant autochtone, et des services enfance-famille culturellement ancrés dans le contexte sociohistorique et juridique de l’adoption de la loi C-92 au Canada.
Depuis sa création en mars 2007, par trois membres du corps professoral de la Faculté de droit (Droit civil) de l’Université d’Ottawa, le LRIDE se distingue par la diversité des activités de recherche et de mobilisation des connaissances qu’il déploie, en privilégiant une approche globale, sur des questions relatives aux droits de l’enfant et à son bien-être.
« Les droits de l’enfant (DE) sont, tout simplement, les droits de la personne adaptés aux enfants », explique la professeure Mona Paré, la co-fondatrice du LRIDE et la première directrice nommée à la tête du comité directeur du laboratoire. « Théoriquement les droits de la personne s’appliquent aux enfants, mais dans la pratique il est difficile d’aligner les textes et les instruments généraux aux enfants, précise-t-elle. Les enfants ne sont pas des personnes autonomes et ils ont besoin d’un soutien pour exercer leurs droits ».
Pratiques et politiques des DE
Le laboratoire prendra officiellement son envol en 2008 avec un premier colloque consacré à la relation entre les jeunes filles et les gangs des rues. Sa mission de recherche est axée sur la reconnaissance de l’identité individuelle de l’enfant lorsqu’il est question de ces droits. Le LRIDE examine les impacts que les écosystèmes de la famille, du milieu scolaire, des services de santé, de la société, mais également ceux des instances juridiques et de la protection de la jeunesse, peuvent avoir sur ces droits.
Cela s’illustre par exemple par le témoigne de la directrice du LRIDE devant la Commission spéciale sur les droits et la protection de la jeunesse du Québec, mise sur pied dans le cadre de la réforme sur la Loi sur la protection de la jeunesse. Mais également par l’implication dans les efforts déployés par ses membres pour abolir l’article 43 du Code criminel canadien qui autorise le recours aux punitions corporelles (châtiments corporels) des enfants. Aujourd’hui, deux projets de loi dans ce sens sont à l’étude devant le Sénat.
Une expertise multidisciplinaire qui dépasse le droit
Dans le paysage canadien des DE, où d’autres acteurs se focalisent davantage sur l’examen des questions principalement axées autour de la famille, le caractère véritablement interdisciplinaire des recherches universitaires menées par le LRIDE lui confère un rôle unique. Son champ d’étude va en effet au bien au-delà du simple prisme de la discipline du droit, en incluant des thématiques éducatives et de vie privée, d’identité, ou encore, de cyberviolence, de pédiatrie sociale et de délinquance.
« Nous avons développé une très large expertise sur des questions aussi différentes que la psychologie de l’enfant, la discrimination contre les enfants autochtones, la vaccination, l’aide médicale à mourir ou les enfants et le numérique », explique Mona Paré, qui ne cache pas son ambition de renforcer le positionnement du LRIDE comme la référence en matière de droit de l’enfant au Canada.
« Notre expertise couvre les questions de psychologie de l’enfant, de discrimination contre les enfants autochtones, de vaccination, d’aide médicale à mourir et celle des enfants et du numérique. »
Professeure Mona Paré - Faculté de droit (Section de droit civil)
— Directrice du Laboratoire de recherche interdisciplinaire sur les droits de l'enfant( LRIDE)
Une envergure internationale
C’est ce qui vaut au LRIDE, qui fait partie de l’Association canadienne des instituts pour les droits de la personne, de jouer un rôle actif dans l’élaboration des rapports d’examen de la mise en œuvre de la Convention de l’ONU sur les DE au Canada. Ces rapports sont présentés périodiquement au Comité des Nations Unies sur les DDE par la Coalition canadienne pour les droits des enfants (CCDE) dont le LRIDE est également membre.
« Le laboratoire regroupe aujourd’hui une quarantaine de membres issus entre autres des Facultés de droit, sections de droit civil et de Common Law, mais aussi des Facultés des sciences sociales, des sciences de la santé, de médecine et d’éducation », précise-t-elle. Nos membres sont issus de la communauté de recherche, mais sont aussi de la communauté de pratique (juristes, travailleuses et travailleurs sociaux). Nous considérons en effet qu’il est essentiel d’avoir un pied dans la communauté et d’inclure des partenaires communautaires qui nourrissent le dialogue et qui contribuent à façonner nos approches en recherche ».
Aux membres universitaires du LRIDE affiliés à l’Université d’Ottawa, s’ajoutent ceux qui sont rattachés au CHEO, à Toronto Metropolitan University, à celles de Laval, de Montréal, de McGill, de Royal Roads (CB), et de l’UQAM, mais également celles et ceux qui sont affiliés, entre autres, à la Chambre de la jeunesse de la Cour Québec et à la Coalition canadienne pour les droits des enfants (CCDE).
Un champion de la mobilisation des connaissances
La collaboration avec les membres de la communauté de pratique, qu’ils soient reliés au milieu scolaire, à la protection de la jeunesse et à la pédiatrie sociale, est essentielle pour créer un dialogue et une meilleure diffusion des connaissances liées aux DDE. « Nous voulons que les résultats de la recherche ne soient pas cantonnés dans le milieu universitaire, mais que ces connaissances soient propagées dans la communauté et traduites dans un langage qui soit utile aux praticiennes et praticiens », affirme la professeure Paré.
Le blogue et les conférences du midi du LRIDE font partie intégrante de cette stratégie de mobilisation des connaissances. Le LRIDE mène aussi un grand nombre d’activités partenariales avec des centres dont les recherches sont axées sur l’engagement citoyen des jeunes (CIRCEM), le travail social avec la communauté autochtone (Cercle Kinistòtàdimin), la santé des personnes noires (CISN)) les droits de la personne (CREDP) ou encore sur l’impact du numérique (projet eQuality).
Depuis une dizaine d’années, le LRIDE parraine un concours de rédaction sur les droits de l'enfant ouverts aux étudiantes et étudiants d’universités membres de l’Association canadienne des instituts pour les droits de la personne ainsi qu’un cours gradué interdisciplinaire accessible à la communauté étudiante de toutes les facultés. Le cours permet un échange entre la théorie et la pratique des droits de l'enfant sous la perspective de différentes disciplines, incluant le droit, la criminologie, la psychologie, le travail social et l’éducation. Le cours est bâti autour de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et aborde les questions concernant divers aspects de la vie des enfants, ainsi que la méthodologie de la recherche impliquant des enfants.
Dans un effort de maximiser son impact le LRIDE a aussi proposé pour la deuxième année consécutive une formation thématique certifiante d’un jour sur un outil pratique d’évaluation des répercussions sur les droits de l’enfant (ERDE).
Ouverte aux professionnels des administrations, de différents paliers gouvernementaux, ou d’organisations non-gouvernementales, ainsi qu’aux membres de toutes les facultés, cette formation vise à les outiller pour améliorer leur prise de décision afin de minimiser les risques d’impact négatifs sur les enfants et leurs droits; que ce soit en amont de la formulation des politiques publiques ou des programmes, mais aussi à postériori, pour corriger le tir et pouvoir faire des propositions de réformes.
La directrice du laboratoire rappelle que tout ce qui a un lien avec l’enfance peut affecter les droits des enfants. « Nous voulons élargir la portée de nos recherches et la diversité de nos membres, afin de couvrir davantage les questions brûlantes et prioritaires dans la société canadienne, dont celle des enfants autochtones » explique-t-elle. Une mission parfaitement alignée avec les axes prioritaires de la recherche du vice-rectorat à la recherche de l’université liées à la promotion de sociétés justes et aux efforts d’autochtonisation de la recherche.