Une première au Canada : une thèse de doctorat en droit présentée en partie sous forme d’ouvrage perlé

Par Études supérieures

Communication, Faculté de droit

Programme combiné M.D. et Ph.D.
Une première au Canada : une thèse de doctorat en droit présentée en partie sous forme d’ouvrage perlé
« Quand j’affirme que les lois s’expriment dans les perles depuis la nuit des temps, je déconcerte d’ordinaire les gens », s’amuse Danielle Lussier.

Mme Lussier est issue de la communauté métisse de la rivière Rouge du territoire manitobain visé par le Traité n1, patrie de la nation métisse. En 2002, elle s’est installée dans la région de la capitale nationale, en territoire algonquin non cédé, en vue d’étudier le droit à l’Université d’Ottawa. Elle décroche un doctorat en juin 2021, après avoir présenté sa thèse par écrit et sous forme de perlage.

Son travail porte sur l’utilisation de la technique du perlage comme mode de transmission du savoir juridique et outil de mobilisation. « J’écris, puis je transpose mes propos en perlage », explique-t-elle. « La personne qui regarde et touche un perlage ouvre à la fois son esprit et son cœur à une approche différente du droit. »

« Les ceintures de wampum, tissées de perles de coquilles de palourdes quahog, ont servi lors de la négociation de traités tels que celui de 1613 entre les Haudenosaunee (les Six Nations) et le gouvernement néerlandais », précise Danielle Lussier. « Selon les archives, les colons comprenaient parfaitement le sens des ceintures, mais, au fil du temps, cette symbolique s’est perdue. Voilà ce qu’explore notamment ma recherche. »

Il est intéressant de noter que sa thèse de doctorat en droit est la première dans l’histoire canadienne à inclure un ouvrage perlé.

« La route a été semée d’embûches », résume-t-elle. « Il a fallu en convaincre plusieurs que le perlage est une expression valable de la loi. Le concept est difficile à admettre pour beaucoup de gens. »

Une première au Canada : une thèse de doctorat en droit présentée en partie sous forme d’ouvrage perlé

Un nouveau paradigme des études juridiques : « Law with heart » (le droit avec cœur)

L’hiver dernier, les recherches de Danielle Lussier ont fait l’objet d’un enseignement en classe. Dans un cours intitulé « Beadwork and the Law », proposé comme cour supérieur de style séminaire, elle a présenté un paradigme très différent de l’enseignement du droit.

En instaurant un contexte propice à la conversation sur le droit autochtone, Mme Lussier a illustré en quoi le perlage s’imbrique dans le droit canadien.

« J’enseigne que, au-delà des perles, ce sont des relations qu’on tisse avant tout », résume-t-elle.

Elle définit même son travail par le slogan « Law with heart » (le droit avec cœur) :

« Je préconise un enseignement du droit à priori un peu différent, qui pourrait préparer à une pratique plus en phase avec l’esprit d’humanité », dit-elle. « Je ne fais pas l’unanimité, mais certains aiment mon approche. »

Une première au Canada : une thèse de doctorat en droit présentée en partie sous forme d’ouvrage perlé

Travailler pour les générations futures

En 2008, six ans à peine après son arrivée dans la région, Danielle Lussier cumulait un baccalauréat en droit civil, un autre en common law, ainsi qu’une maîtrise en droit avec spécialisation en études féministes.

Le doctorat s’est fait attendre plus longtemps, cependant. En 2009, sur fond de ralentissement économique, Mme Lussier amorce sa carrière. Elle est partout : Cour fédérale, Cour suprême, Association du Barreau canadien et Bibliothèque du Parlement figurent à son CV.

Entre 2012 et 2015, elle et son mari accueillent trois enfants. Les deux ainés sont toujours au berceau quand elle entame son doctorat, et le troisième se joint à la famille lors de sa première année d’études; elle les emmène tous les trois en classe.

« Au printemps 2020, au cœur de la pandémie, je me trouvais à la croisée des chemins. Soit je m’investissais dans mon doctorat, soit je l’abandonnais. Mais je me suis dit que si j’ai été capable d’emmener mes enfants et d’allaiter en classe, je n’allais certainement pas lâcher maintenant. »

La rédaction a débuté en juin 2020, et neuf mois plus tard, sa thèse voyait le jour.

« Rien ne compte plus à mes yeux que mes enfants et mon enseignement », soutient-elle. « Tracer une route favorable pour mes enfants, mes éventuels petits-enfants et aussi mes apprenantes et apprenants, c’est une réelle vocation pour moi ».

Auteur : Johanne Adam (Gazette - Université d'Ottawa)

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