Aller plus loin dans notre compréhension de l’inclusion

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Virginie Abat-Roy
Virginie Abat-Roy | Crédit photo: C. L. Cusack
Virginie Abat-Roy (PhD '24), chercheuse en matière d'inclusion, affirme que le capacitisme (la discrimination à l'égard des personnes en situation de handicap) est un obstacle quotidien pour les personnes ayant des chiens d'assistance. « Il est choquant d'entendre les jugements que les gens portent sur les personnes qui vivent avec un handicap », dit-elle.

Pour Abat-Roy, il ne s'agit pas seulement d'éduquer le public, mais aussi de promouvoir la justice sociale. Accompagnée de son compagnon canin Toulouse, elle se fait l'avocate de l'équité, de la diversité, de l'inclusion et de l'accessibilité. Elle cherche à amplifier les voix des personnes marginalisées au Canada et à sensibiliser à propos de l'exclusion des personnes qui sont assistées par des chiens-guides ou d'assistance.

Nous avons eu la occasion de nous entretenir avec Abat-Roy au sujet de ses recherches sur l'inclusion, des expériences vécues par les participants à son étude doctorale et de son travail en tant que professeure d'éducation inclusive. Cet entretien fait partie de notre série Les universitaires en éducation.

Parlez-nous de vous et de votre carrière.

Mon parcours a commencé avec mes études à la Faculté d'éducation. Vers la fin de mon baccalauréat, j’ai décidé de poursuivre mes études à la maîtrise tout en enseignant, et c’est à ce moment que j’ai eu la piqûre pour l’inclusion. Je voulais trouver des réponses à mes questions et continuer d’aiguiser mon regard critique. Au cours des années suivantes, j’ai développé un projet qui me tient à cœur : un programme d’enseignement assisté par l’animal, avec ma belle Toulouse, une chienne d’assistance de la Fondation Mira. Cette mesure d’inclusion bénéficie à l’ensemble des élèves, et non seulement à ceux et celles qui ont un diagnostic.

Ma carrière en enseignement m’a permis de vivre de nombreuses expériences, notamment dans une école à pédagogie Steiner-Waldorf, puis dans un poste d’enseignement-ressource spécialisé et individualisé pour des élèves faisant l’objet d’une suspension ou d’un renvoi ou ayant de grands besoins médicaux. Cette dernière expérience m’a marquée à tout jamais.

Simultanément à l’enseignement, j’ai poursuivi mes études au doctorat, qui m’a permis de développer mon expertise en inclusion, en particulier face aux dynamiques d’inclusion-exclusion, en pédagogies inclusives innovantes et en accessibilité. Après plusieurs années à enseigner dans les écoles et à acquérir de l’expérience en enseignement universitaire à l’Université d’Ottawa et à l’Université de l’Ontario français, je suis choyée d’être désormais professeure à l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick. J’y continue mes recherches sur l’inclusion et je contribue à la formation des personnes enseignantes actuelles et futures.

Pouvez-vous nous donner un bref résumé de votre thèse de doctorat ?

Mon projet doctoral portait sur l’expérience d’accessibilité et d’inclusion des personnes en situation de handicap ayant un chien-guide ou un chien d’assistance. Il s’agissait d’une recherche qualitative utilisant la méthode photovoix. Les personnes participant à la recherche pouvaient prendre des photos ou des vidéos de leurs expériences d’accessibilité, les publier sur un groupe Facebook privé, échanger entre elles sur les publications et finalement discuter plus en profondeur de certains thèmes pendant des entrevues individuelles. Ce fut une recherche très riche, tant sur le plan scientifique que social. Elle m’a permis de mieux comprendre les expériences quotidiennes d’une population très diversifiée, que ce soit une future enseignante avec un chien d’assistance, une personne aveugle avec son chien-guide en recherche d’emploi, une personne à mobilité réduite avec son chien d’assistance qui veut découvrir de nouveaux sentiers accessibles, ou un parent préparant l’entrée à l’école de son enfant autiste avec son chien d’assistance.

Qu'est-ce qui vous a amenée à poursuivre cette voie de recherche ?

La première fois que je suis sortie en public avec Toulouse, une personne s’est arrêtée directement devant moi, m’a regardée de haut en bas, puis m’a dit : « Voyons, t’as pas l’air handicapée, c’est quoi ton problème?! ». J’ai été choquée par cet échange et ébranlée par plusieurs autres expériences par la suite. Ce fut bouleversant de découvrir une partie du quotidien des bénéficiaires de chiens-guides et de chiens d’assistance, qui sont bien peu représentés dans les recherches. J’ai ainsi réalisé l’importance de mener une recherche sur ce sujet avec les personnes concernées pour mettre en lumière les obstacles systémiques encore présents, malgré les objectifs d’inclusion et d’accessibilité des différentes instances gouvernementales.

L’idée de la méthode de recherche, soit le photovoix, est venue d’une discussion avec une personne ayant un chien d’assistance. Elle m’a dit qu’elle se sentait peu représentée dans les sondages ou les recherches jusqu’à présent, que le handicap est souvent perçu comme une statistique et qu’il serait préférable que les gens puissent vivre son quotidien avec elle.
 

Y a-t-il eu des résultats inattendus ?

Quelle bonne question! Le principal constat de ma recherche doctorale touche le domaine de l’inclusion de façon assez large. Le plus grand obstacle à l’accessibilité et à l’inclusion n’est pas l’environnement physique, comme l’affirme le gouvernement du Canada (par exemple, les portes automatiques), mais plutôt les interactions sociales négatives. Comme je l’ai mentionné à la question précédente, il s’agit de gens qui, devant une personne en situation de handicap, posent des questions inappropriées, établissent un contact physique non désiré, refusent l’accès du duo humain-animal malgré la législation en place, ou encore font des commentaires déplacés. Cet obstacle est généralement ancré dans une incompréhension ou une méconnaissance des droits et de la législation protégeant les personnes en situation de handicap, ou encore dans des dynamiques de pouvoir entre les gens. 

À ce sujet, quelque chose me donne beaucoup d’espoir : presque tout le groupe a indiqué que les enfants sont excellents pour respecter le chien-guide ou le chien d’assistance ainsi que la personne en situation de handicap.

Je me permets aussi d’ajouter quelque chose d’autre qui m’a étonnée dans cette recherche : la majorité des membres du groupe m’ont demandé de les identifier, ainsi que leur chien, et de publier des photographies d’eux afin de personnaliser la recherche. C’est très rare dans le domaine et je suis chanceuse d’avoir pu être porteuse de ce projet.

Qui bénéficiera de vos travaux?

J’espère pouvoir redonner à la communauté des bénéficiaires de chiens-guides et de chien d’assistance, qui a contribué de façon si généreuse à cette recherche, ainsi qu’à d’autres personnes touchées de près ou de loin par des enjeux d’inclusion et d’accessibilité. Le plus grand obstacle à l’inclusion et à l’accessibilité concerne les interactions sociales négatives, la « rencontre de l’autre ». Si le grand public était sensibilisé et éduqué, plusieurs obstacles pourraient être réduits ou éliminés en amont. Ces personnes pourraient aussi contribuer à une société inclusive ! La responsabilité de le faire revient aux gouvernements et aux instances décisionnelles, qui ont un réel impact sur le fonctionnement de la société et les valeurs véhiculées.
 

Qu'en est-il de vos projets à venir ?

Je suis privilégiée de pouvoir poursuivre mes recherches en tant que professeure en inclusion scolaire. Mon objectif est de continuer sur cette lancée afin de mener des recherches qui enrichissent les discussions sociales et scientifiques sur l’inclusion. Mon prochain projet vise l’insertion professionnelle des enseignants issus de la diversité dans les milieux minoritaires francophones. Alors que l’inclusion des élèves est au cœur des discussions depuis des années, l’inclusion des enseignants de la diversité reste peu explorée. Pourtant, il est crucial d’avoir un corps enseignant représentatif de la diversité des élèves, ce qui contribue à la prise de décisions éducatives éclairées. Une première phase de la recherche se concentrera sur le Nouveau-Brunswick, suivie d'une seconde phase dans d'autres provinces en milieux minoritaires francophones. 

La communauté de recherche m’a fait part d’idées pour diffuser la recherche et je les explore progressivement. Des activités scientifiques sont déjà en cours, notamment des articles et des conférences, et d’autres projets sont en préparation, dont un livre pour enfants et un site Internet immersif.

Je prévois également de poursuivre mes recherches en collaboration avec la Fondation Mira qui a été partenaire de ma recherche doctorale. Cette cause me tient vraiment à cœur. 

Virginie Abat-Roy est professeure d'éducation inclusive à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Moncton. Ses recherches ont été publiées dans La Conversation et ailleurs. Découvrez ses contributions à la recherche en éducation.

Virginie Abat-Roy avec son chien d'assistance lors de la collation des grades.
Virginie Abat-Roy, accompagnée de son chien d'assistance Toulouse, en présence de la chancelière Claudette Commanda et du président Jacques Frémont, lors de la cérémonie de collation des grades de l'Université d'Ottawa en 2024.