Pour un système d’éducation équitable envers les élèves noirs

Par Christine L. Cusack

Communications, Faculté d'éducation

Équité, diversité et inclusion
Mois de l’histoire des Noirs
Éducation
Éducation spécialisée
Jeunes étudiants avec des sacs à dos marchant dans un couloir d'école
La professeure Tya Collins explique à quel point le capacitisme et le racisme conjugués minent le parcours des élèves noirs dans les classes spécialisées.

« Parachutée sans aucune formation » : c’est en ces mots que Tya Collins décrit son premier emploi dans une école spécialisée pour les jeunes ayant des troubles du comportement. « Fais de ton mieux », lui a-t-on dit.  

Avec l’expérience et une formation universitaire ciblée, elle a ajouté quelques cordes à son arc. « J’aimais vraiment travailler auprès de ces élèves », dit-elle, contrairement à certains de ses collègues qui ne partageaient pas son enthousiasme d’enseigner à des jeunes ayant « de gros problèmes et de gros dossiers ».  

« Sans trop savoir pourquoi, je me liais facilement avec ces jeunes, tout naturellement. » 

Des élèves en difficulté d’apprentissage : vraiment?

Tya Collins a vite réalisé qu’il y avait un problème sous-jacent. « Bon nombre de jeunes atterrissaient dans des classes spécialisées à cause de troubles sévères du comportement, dit-elle. Mais je ne comprenais pas pourquoi. Comme je ne voyais pas de problème particulier, j’ai commencé à me poser des questions. Puis je me suis rendu compte que la plupart de ces élèves étaient noirs. De toute évidence, quelque chose clochait. »  

C’est ce constat qui a marqué le début de ses travaux de recherche sur le placement d’élèves noirs dans les classes spécialisées. Elle a découvert que leur parcours scolaire est semé d’obstacles à l’apprentissage et que bien souvent, ces élèves ne considéraient pas avoir de « besoins spéciaux ». « Ces jeunes ne s’identifiaient pas à l’étiquette qu’on leur collait et ignoraient tout des codes qui leur étaient attribués », résume-t-elle.  

Tya Collins a entrepris des études supérieures. Forte d’une vingtaine d’années d’expérience en enseignement et en administration scolaire, elle voulait creuser la question du racisme et de l’expérience des élèves noirs dans les classes spécialisées.  

« Je me suis heurtée à un mur », affirme-t-elle. On lui a déconseillé de parler de race; on l’a plutôt invitée à concentrer sa recherche sur l’immigration et les communautés ethnoculturelles. On lui a fait comprendre, à demi-mot, que le problème du racisme se situait au sud de la frontière, et non au Canada. 

« En tant que novice, je n’avais pas les armes pour protester, donc j’ai gardé les rangs. Mais je n’avais pas renié mon point de vue et, à mesure que j’avançais dans le monde de la recherche, je me constituais un arsenal théorique pour défendre mes idées. C’est ainsi que j’ai adopté DisCrit, un cadre interdisciplinaire au carrefour de l’étude de la condition des personnes handicapées et de la théorie critique de la race. »  

Reconnaître le capacitisme

Pour la professeure Collins, DisCrit démontre que les effets combinés du capacitisme (discrimination contre les personnes ayant un handicap) et du racisme creusent les inégalités et perpétuent les injustices en milieu scolaire.  

« Le capacitisme est profondément enraciné dans le vocabulaire que nous utilisons, dans nos processus et nos politiques et dans ce que nous appelons éducation spécialisée ou inclusive; il est latent dans pratiquement toutes les sphères », soutient-elle.  

Dans les politiques pédagogiques, la formation des enseignantes et enseignants et les écoles, on utilise un jargon axé sur les déficits pour parler des différences, par exemple des « problèmes » de comportement et des « troubles » de l’apprentissage.  

« Les mots qu’on emploie pour désigner les différences sont les produits de normes figées, qui tirent leur origine dans des idéologies capacitistes et racistes, dénonce-t-elle. Il fut une époque où on estimait que les personnes handicapées étaient incapables d’apprendre; avant les années 1960, on préférait les placer en institution, dans des conditions inhumaines. Ce modèle d’éducation fondé sur la ségrégation a aussi mené au système de pensionnats. » 

Tya Collins
Éducation

« J'espère apporter un regard neuf sur ces questions pour s’attaquer aux inégalités persistantes. »

Tya Collins, Ph.D.

— Professeure adjointe, Faculté d'éducation

De DisCrit à l’intersectionnalité et au féminisme noir

La recherche de la professeure Collins a pris un tournant majeur lorsqu’elle a commencé à s’intéresser à l’intersectionnalité et au féminisme noir, et plus particulièrement aux travaux d’intellectuelles renommées comme Kimberlé Crenshaw, bell hooks et Audre Lorde. Elle a trouvé auprès de ces auteures la confirmation de sa pensée sur « la façon très subtile et insidieuse dont le racisme antinoir s’est implanté à l’échelle systémique ». Elle cherche notamment à prouver que les élèves noirs subissent une discrimination très distincte et genrée, fondée à la fois sur le handicap et sur la race, dans l’espoir de stimuler le changement dans la politique et la pratique pédagogiques.  

Aujourd’hui, la professeure Collins intègre également le nouveau cadre d’étude du capacitisme et du féminisme noir dans ses travaux sur le parcours des élèves noirs en éducation spécialisée et inclusive. En effet, ce cadre oriente sa réflexion sur les notions du capacitisme et du handicap en tant que facteurs déterminants du racisme et du sexisme antinoirs, et sur les raisons pour lesquelles l’étiquette de « personne handicapée » colle aux membres des communautés noires. Dans ses cours comme dans sa recherche, elle met l’accent sur l’amélioration de la formation initiale et continue du personnel enseignant et sur l’importance d’axer la politique et la gouvernance en éducation sur les besoins des jeunes.  « J'espère apporter un regard neuf sur ces questions pour s’attaquer aux inégalités persistantes » dit-elle.