Transcription du balado Façonnez l'avenir

Nous travaillons à obtenir les transcriptions pour tous les épisodes.

Saison 2 - Épisode 1

Jacques Beauvais

Bienvenue à la deuxième saison du balado Façonnez l’avenir. Je suis votre hôte, Jacques Beauvais, doyen de la Faculté de génie de l'Université d'Ottawa. Joignez-vous à nous alors que nous discutons avec différents leaders d'opinion à propos d’enjeux actuels de l'industrie du génie. Explorons l'avenir des technologies et de l'innovation et comment, grâce à la créativité et à la collaboration, nous pouvons façonner l'avenir.

[00:23] Narratrice

Ils disent que l'avenir arrive bientôt, mais ce n'est pas vrai. L'avenir est déjà là. Et il est implacable. Il ne va pas attendre que vous le rattrapiez. Comment vivrons-nous dans cet avenir ? Comment allons-nous lui donner un sens ? Pour définir notre parcours, nous avons besoin d'une nouvelle perspective. Une perspective qui suscite notre curiosité, qui active notre imagination. Une perspective qui défie les conventions. Pour nous approprier l'avenir, nous devons faire plus que le voir, nous devons le façonner.

[01:13] Jacques Beauvais

Comme pour de nombreuses facultés de génie au pays, l'équité, la diversité et l'inclusion sont vraiment importantes pour nous. Nous croyons en l'importance de l'équité, de la diversité et de l'inclusion au sein de notre Faculté, dans la façon dont nous formons les jeunes, mais nous nous préoccupons aussi de leur arrivée sur le marché du travail par la suite, de ce qui se passe dans l'industrie, dans les organisations; ce sont des enjeux vraiment importants qui commencent à atteindre un point critique où nous devons être très actifs afin de trouver des solutions afin d’aider à ce sujet.

Dans le balado « Façonnez l'avenir », nous avons l'intention d'examiner la direction que nous allons prendre au cours des prochaines années, quelles sont les leçons apprises par nos diplômés et nos amis dans l'industrie. Nous avons parlé avec certains de nos étudiants et de nos diplômés très récents de leurs points de vue sur ce qui va se passer dans l'industrie technologique, de leurs espoirs et de leurs aspirations, et nous avons donc pensé qu'il serait vraiment intéressant d'avoir une conversation avec Thusha Agampodi, gestionnaire de l’ingénierie chez Magnet Forensics, pour discuter avec des personnes très perspicaces et intéressantes. Donc, Thusha est ici avec moi maintenant. Salut Thusha.

[02:29] Thusha Agampodi

Salut Jacques.

[02:30] Jacques Beauvais

Thusha, vous avez été impliquée très récemment dans l'organisation de l'événement Better Together; pourquoi avez-vous fait cela et qu'en avez-vous retiré?

[02:40] Thusha Agampodi

J'ai assisté à de nombreux événements pour les femmes qui travaillent dans le milieu des technologies à Ottawa. Et l'une des choses que j'ai remarquées, c'est que nous entendions de grandes femmes leaders, mais souvent le public était composé uniquement de femmes; ceci est formidable, je pense qu'il y a des moments où les femmes ont besoin d'espaces sûrs pour discuter de leurs idées et se sentir entendues. Toutefois, je ressentais le besoin d’inclure aussi des hommes dans cette conversation et tous les genres, alors voilà l’idée derrière l'événement Better Together. C'est donc dans cet esprit que nous avons organisé l'événement Better Together, où nous avons invité des dirigeants de tous les genres à se réunir et à parler de l'égalité des genres.

Notre accent était sur la création d'environnements de travail inclusifs parce que l'une des choses que je fais est d’aller faire des visites dans des écoles secondaires pour parler aux étudiants de l’intérêt des STIM - en particulier les jeunes femmes - mais il était important pour moi qu'au moment où ils arrivent sur le marché du travail que nous ayons créé des environnements où elles se sentent incluses. C'est donc la raison pour laquelle nous avons organisé l'événement Better Together et nous avons eu une excellente conversation à cette occasion avec de nombreux dirigeants d'Ottawa.

[03:54] Jacques Beauvais

Lorsque vous allez dans les écoles secondaires, quel accueil vous est réservé lorsque vous parlez de ces questions ? Les ressentent-elles déjà ou rencontrez-vous des jeunes qui sont préoccupés ? Avez-vous l'impression qu'ils n'en sont pas arrivés à un point où ils sont préoccupés par ces questions ?

[04:14] Thusha Agampodi

Je pense que cela dépend de l’année d’études. Certaines des visites que j'ai faites étaient dans des classes de 3e secondaire et ça se voit déjà. L'une des premières surprises que j'ai eues en entrant dans ces classes d’écoles secondaires a été le fait que les salles étaient à 50/50 en ce qui concerne la diversité des genres. Je n'ai pas l'habitude d'entrer dans une salle et de voir que la moitié de la salle est occupée par des femmes. Quand nous discutions de génie, ça se voyait dans leurs yeux quand nous parlions de l'impact que nous pouvons avoir avec le génie.

Je leur parle de l'impact de mon travail et je pense que peut-être ils ne sont pas conscients du type d'impact que l'on peut avoir dans ces domaines. Je peux dire, d'après les questions que je reçois d'eux par la suite, qu'ils n'ont pas réalisé que l'on peut avoir un impact sur la société avec ces domaines. Ils posent aussi des questions sur le travail quotidien, vous savez... « Êtes-vous assise dans un bureau toute la journée à faire de la programmation? »

Les filles dans les classes me posent des questions sur le degré de collaboration et de travail d'équipe, etc. Je pense vraiment que le fait d'avoir plus de modèles dans les écoles secondaires fait une grande différence pour accroître la sensibilisation de l'impact qu'ils pourraient avoir et aussi des différents types de postes qui sont disponibles.

[05:53] Jacques Beauvais

Et vous pouvez leur donner de bons exemples, car d'après les discussions que nous avons eues auparavant, je sais qu'au bureau d'Ottawa de Magnet Forensics vous avez au moins pu faire progresser l'équilibre de la diversité des genres dans votre groupe, n'est-ce pas ?

[06:08] Thusha Agampodi

Oui, j'ai travaillé très dur pour y parvenir. Je pense que cela demande beaucoup d'efforts. Et ce travail n'est jamais vraiment terminé. Il faut constamment s'y attarder. Vous savez, si j'engage des femmes, il faut s'assurer qu'elles continuent à se sentir entendues et incluses. Je pense que le fait d'avoir une femme leader a fait beaucoup de chemin et cela fait également une différence pour attirer plus de femmes dans l'équipe.

[06:42] Jacques Beauvais

Vous avez raison parce que c'est aussi l'une des préoccupations que j’ai ici à la Faculté de génie de l'Université d'Ottawa. Il ne s'agit pas seulement de les attirer, nous devons travailler fort pour nous assurer que nous offrons un environnement accueillant et respectueux, de leur donner une voix afin qu'elles puissent sentir qu'elles peuvent avoir un impact et de les préparer pour le marché du travail.

[07:04] Thusha Agampodi

Si vous vous attaquez à un élément, le reste suivra. Si vous commencez à construire un environnement inclusif pour un groupe, vous commencez en fait à penser à construire un environnement inclusif pour tout le monde. Donc, j'espère que cela se produira; de toute façon, j'ai vu cela se produire dans mon équipe.

[07:28] Jacques Beauvais

L'industrie de la haute technologie, d’une certaine manière, parce que c'est une bande de scientifiques et d'ingénieurs qui travaillent sur la technologie… Pendant plusieurs années, selon leur point de vue, ils croyaient que les technologies étaient neutres sur le plan du genre. Et cela n'a jamais été le cas.

La croissance exponentielle du nombre d'applications dans lesquelles nous utilisons des outils d'IA a soulevé beaucoup de préoccupations de manière très publique. Je pense que cela a fait prendre conscience que ces biais sont vraiment importants, qu'ils font une différence - une différence négative dans la vie de beaucoup de gens.

[08:05] Thusha Agampodi

Je suis un peu inquiète - je sais qu'on parle beaucoup d'utiliser l'IA pour le recrutement. C’est parce qu'il y a déjà beaucoup de parti pris en ce qui concerne les CV et les entrevues. Et on parle d'utiliser l'intelligence artificielle pour atténuer certains de ces biais. Cependant, je suis heureuse d'entendre qu’il y a des conversations portant sur les biais qui existent dans l'IA parce que je suis un peu nerveuse à l'idée que nous allons remplacer les biais que nous avons dans le processus manuel par une IA qui aurait également des biais.

[08:39] Jacques Beauvais

Oui, et jusqu'à un certain point, parce que nous formons l'IA. Nous sommes en train de codifier, de solidifier, voire d'ancrer les biais que nous avons. Une fois que nous avons formé le système, en utilisant - littéralement - nos biais, il est encore plus difficile de les extraire. Il sera donc très intéressant de parler avec Parinaz Sobhani, qui est l'une de nos doctorantes en ingénierie de 2017.

Elle est actuellement directrice de l'apprentissage automatique dans l'équipe d'impact de Georgian Partners à Toronto. Elle travaille à la fois sur le front de l'intelligence artificielle et sur le front des investissements dans le domaine du capital-risque. Elle pourra certainement nous donner un point de vue intéressant sur l'intelligence artificielle d’aujourd'hui et sur les biais que nous trouvons dans ce type de développement d'outils, dans ce type d'industrie et dans ces entreprises en démarrage à croissance rapide.

[09:32] Jacques Beauvais

Bienvenue Parinaz.

[09:35] Parinaz Sobhani

Merci, merci de m'accueillir.

[09:37] Jacques Beauvais

Je vais commencer par vous poser une question sur votre parcours, Parinaz. Nous avons vu sur Twitter, vous avez mentionné que l'une des raisons pour lesquelles vous avez décidé de rejoindre l'industrie était que vous vouliez vraiment avoir un impact réel plutôt que de poursuivre des citations. Je suis curieux de voir comment votre expérience a évolué ces dernières années.

[09:57] Parinaz Sobhani

Je travaille sur des problèmes du monde réel. Des problèmes qui sont importants pour notre société, le secteur des affaires et l'industrie des technologies du Canada. En fait, je me sens utile. Pourquoi ? C’est parce que je travaille surtout avec des entreprises en démarrage.

Travailler pour ou avec une entreprise en démarrage est très différent de travailler pour une grande entreprise. Les grandes corporations comme Google, Microsoft, Facebook ont toutes des équipes géantes d'apprentissage machine et d'IA. Il se peut donc que vous ne soyez pas aussi consciencieux ou que vous ayez autant d’impact parce qu'il y a tellement de personnes intelligentes qui travaillent dans ces entreprises.

Il y a quelques années, quand vous parliez de biais, nous nous disions « Pourquoi ? Nous travaillons sur des solutions mathématiques, des optimisations, des techniques. D'où viennent les biais? »

Et vous savez, l'ingrédient principal de tout apprentissage machine, ou de système d'IA, ce sont les données. D'où proviennent ces données? Ces données proviennent normalement des humains. Des comportements humains, des données historiques humaines, où vous demandez réellement et explicitement aux humains d'annoter ou d'étiqueter vos données.

Comme vous le savez, en tant qu'humains, nous avons tous nos préjugés. Et bien sûr, lorsque les ingrédients de vos systèmes sont biaisés, le système - même si vous utilisez des optimisations mathématiques - finit par hériter de tous nos préjugés et de nos problèmes.

Pour les problèmes liés aux données, construire le premier système n'est pas un problème facile. Pourquoi? C’est parce que l'identification même de toutes ces sortes de biais n'est pas facile. Même si vous en faites des comportements humains, il est si difficile d'attribuer le comportement à un préjugé potentiel ou à d’autres choses. C'est pourquoi, lorsque nous construisons un premier système, nous devons tout d'abord identifier le type de préjugé que nous avons. Je peux vous donner quelques exemples.

[12:11] Thusha Agampodi

Ce serait formidable.

[12:12] Parinaz Sobhani

Je peux vous donner un exemple de quelques biais.

Le préjugé provient parfois du manque de données sur un segment particulier de la population. Par exemple, vous construisez les parties d'un système, mais vous n'avez peut-être pas assez de données, de données historiques sur les personnes de couleur. C'est l'un des problèmes. Donc, historiquement, nous n'avons pas collecté assez de données sur les personnes de couleur pour une raison quelconque. Alors, vous construisez ce système, et ce système va faire plus d'erreurs pour ce micro segment de la population.

Pourquoi? C’est parce que le système est aveugle à ce micro segment de la population. En tant que développeurs, nous n'avons rien fait de mal, mais nous n'avons pas accès à suffisamment de données et nous n'y avons pas pensé. Il pourrait y avoir des solutions potentielles et nous pouvons aller chercher ces données, mais nous étions complètement inconscients de ne pas avoir l'ensemble représentatif de données. C'est une source possible de biais.

L'autre source de biais est une partie de la représentation. Par exemple, nous sommes en train de construire un logiciel de recrutement. Lorsque nous construisons le système de recrutement, ce qui compte vraiment, ce sont les compétences du candidat. Les informations démographiques ne devraient donc pas avoir d'importance. Il ne devrait pas être important de savoir d'où vous venez, quel est votre genre, quelle est votre ethnicité, quelle est votre religion... et on ne devrait pas utiliser ces informations.

Alors vous représentez un candidat. Vous pourriez dire : « Facile, facile. Je vais sortir toutes les données sur votre genre, votre ethnicité, comme toute information directe. Je ne vais pas utiliser ces informations. » Mais c'est beaucoup plus complexe parce qu'il y a tellement d'autres attributs qu'ils ont codés indirectement dans le segment démographique.

Je peux vous donner un exemple. Je vais vous demander quels sont les médias sociaux que vous utilisez. Vous pourriez penser qu'ils ne révèlent aucune information sur mon genre ou mon origine ethnique, mais ils peuvent vous dire que si vous répondez que je suis une utilisatrice de Pinterest, alors avec 98 % de probabilité vous êtes une femme blanche. Ce n'est donc pas aussi facile que de dire que vous allez supprimer tous ces problèmes d'informations démographiques directement représentatifs.

Il y a donc un grand problème, c'est une autre source de biais dans la représentation. Vous pouvez donc vous imaginer qu'il y a tellement de types de biais différents dans les données, et puis en fait, identifier que le système est biaisé ou non est - j'appelle ça un bogue. C'est comme un bogue dans n'importe quel système de logiciel. C'est plus semblable au bogue de sécurité ou de confidentialité.

Vous pouvez vous imaginer devoir identifier et détecter des bogues de sécurité et de confidentialité sont parmi les types de bogues les plus difficiles que vous pouvez avoir dans les systèmes de logiciels. Il faut donc vraiment une assurance qualité. Il faut des pratiques standardisées et ces technologies sont pratiquement nouvelles. Nous n'avons pas encore ce genre de pratiques. La plupart du temps, parce que nous n'avons pas de diversité en travaillant sur ces problèmes, souvent les gens n'y pensent même pas.

[15:52] Jacques Beauvais

Mais j'ai deux questions qui découlent de ce que vous avez dit. L’une d’entre elles est que-- vous avez mentionné que les équipes de développement n'étaient pas nécessairement si diverses. Ce que je veux vous demander est-- cela a beaucoup été diffusé aux nouvelles en lien avec l'IA, mais la notion de partialité et de manque de diversité, potentiellement dans les équipes, est-elle vraiment un nouveau problème ? Ou est-ce que la technologie de l'IA a apporté une lumière très brillante sur la question ? Ou est-ce vraiment un nouveau problème ?

[16:27] Parinaz Sobhani

En tant qu'humains, nous le savons, tous les processus existants qui sont en fait dirigés par des humains sont également biaisés. Ainsi, si je fais une demande de prêt hypothécaire ou de prêt et que je dois parler à un agent, il est possible que cet agent soit raciste ou sexiste et que je n'obtienne pas le prêt. N'est-ce pas ? Pas à cause de mes compétences ou de ma demande, mais à cause de la possibilité que l'agent soit raciste ou sexiste. Mais pourquoi est-ce encore plus important pour le système d'IA ?

Imaginez que - si vous êtes un agent et que vous êtes sexiste ou raciste, avec combien de personnes allez-vous traiter quotidiennement ? Au maximum dix, peut-être vingt personnes. N'est-ce pas ? Imaginez qu'une des banques construit un système d'IA et qu'elle le mette aux enchères et qu'il soit raciste ou sexiste. Alors combien de personnes peuvent être touchées par un tel système ? Il y en aura des milliers par jour.

L'ampleur et l'impact d'un tel système raciste ou sexiste sont donc beaucoup plus importants et plus significatifs que si nous avions un individu raciste ou sexiste dans notre système. C'est pourquoi nous devrions avoir une meilleure gouvernance, nous devrions avoir une meilleure assurance qualité pour un tel système parce que l'ampleur et l'impact du système sont beaucoup plus importants.

[18:03] Jacques Beauvais

Il ne s'agit donc pas seulement de souligner le problème. En fait, il y a aussi la question de son ampleur.

[18:09] Thusha Agampodi

Puisque nous parlons de diversité, je pense qu'il est important d'entendre quelqu'un qui a plusieurs années d'expérience dans l'industrie.

[18:18] Jacques Beauvais

Ce serait vraiment intéressant. Je pense à une personne avec laquelle nous avons eu beaucoup de conversations récemment à l'Université, soit Julia Elvidge. Elle est une leader du secteur des technologies qui travaille avec des entreprises en phase de démarrage. Elle a été : conseillère, mentore, investisseuse et membre de conseils d'administration. Et elle pourrait probablement apporter des idées très importantes à notre discussion.

Julia, juste pour nous donner un peu de contexte dans la discussion ; vous êtes à Ottawa depuis quelques années maintenant, vous avez vu la ville évoluer en différentes phases et vous avez vu qu'Ottawa est aujourd'hui reconnue comme l'un des pôles technologiques du Canada.

Vous étiez aussi chez Chipworks, vous faisiez partie d’une entreprise qui interagissait avec beaucoup d'autres entreprises. Pourriez-vous nous parler un peu de la façon dont vous avez vu Kanata-Nord et Ottawa évoluer au fil des ans et comment cela a-t-il également évolué en ce qui a trait aux gens au sein des entreprises et aussi de ce que vous avez vu évoluer au cours de ces années ?

[19:19] Julia Elvidge

En fait, j'ai terminé mes études en génie électrique et je me suis d’abord retrouvée à Toronto dans une entreprise qui s’appelle LSR Logic. Elle s'occupait de la conception de circuits intégrés et c'était une belle occasion d'affaires. J'ai eu beaucoup de plaisir. J'adore les micropuces et c'était tellement nouveau que nous avons dû montrer à l'industrie comment fabriquer des puces.

À un moment donné, j'ai eu l'occasion de déménager à Ottawa et de diriger le centre de conception ici. Et c'était une idée si excitante. Ottawa était l'endroit où il fallait être, il y avait les Nortel, les Newbridge, les Tundra, les Mitel, qui travaillaient tous avec LSR Logic à l'époque. Ils ont participé à la création de leurs propres puces spécifiques à des applications. Et donc j'étais prête à dire oui.

C'est exactement cette semaine-là que j'ai appris que j'étais enceinte. Je ne savais pas quoi faire, je n’étais pas certaine si je devais en parler ou non. Je leur ai fait savoir, puis ils ont dit : « Super, on va faire en sorte que ça fonctionne. »

Pendant les premiers mois, je me déplaçais chaque semaine entre Toronto et Ottawa - jusqu'à ce que je sois enceinte de huit mois. Ç’a été une expérience formidable, car j'ai en quelque sorte emménagé à Ottawa et j'ai réalisé à quel point c’était la bonne décision de m'y installer. Il y avait tellement de possibilités. Il y avait tellement de croissance, tellement d'excitation.

Maintenant, c'était une ville de semi-conducteurs électroniques. Et c'était aussi une ville où je pouvais avoir une vie au-delà du travail. C'était une ville où je savais que je pouvais rentrer à la maison et être avec mes enfants en dedans de 15 minutes; pas une heure et demie. C'est ce que je vivais à Toronto.

Il y avait beaucoup d'apprentissages et de mouvements entre les entreprises. Nous avons traversé des périodes de hausse du nombre d'emplois, où Nortel offrait d'énormes primes pour attirer de nouveaux employés. Nous, chez Chipworks, nous essayions de trouver des moyens de faire du recrutement.

Je me souviens que nous avions conduit un camion de croustilles au milieu de Kanata et que nous avions distribué des sacs de croustilles qui, au bas du sac, ils pouvaient lire sur un papier : « Venez travailler pour nous ! », une fois qu'ils avaient fini leurs croustilles. C’est ce qui les enveloppait.

[21:55] Thusha Agampodi

C'était très malin.

[21:56] Julia Elvidge

Mais c'était aussi fou que ça. Il n'y avait tout simplement pas assez de personnes talentueuses pour toutes les entreprises. Plus tard, Chipworks est donc devenue une entreprise qui se battait pour ce talent. Nous étions l'une des entreprises qui amenait beaucoup de talents de l’international dans la région. On en voyait beaucoup, des gens qui venaient de tous les coins du monde et qui devenaient vraiment une partie de l'économie d’ici.

Ottawa a maintenant changé. C'est un peu différent. Ce n'est pas aussi « électronique », ce qui se produit ici n'est pas autant à forte intensité de capital en matière d'innovation. Mais j'aime les entreprises en démarrage, j'aime voir cette croissance. Le prochain Shopify suscite beaucoup d'enthousiasme, comme la croissance que nous constatons aujourd'hui ici à Ottawa.

[22:58] Jacques Beauvais

Pensez-vous que l'écosystème, si je peux l'appeler ainsi, ou les types d'entreprises - vous avez parlé des grands acteurs du début. Selon moi, parce que je suis parti trente ans et que je suis revenu, c'est que c’est beaucoup plus diversifié. C'est mon impression, mais je ne suis pas sûr.

[23:17] Julia Elvidge

Non, je suis tout à fait d'accord. Je veux dire que c'était très dominé... Désolée, j'étais diplômée de l'Université de Waterloo, donc...

[23:24] Jacques Beauvais

Ce n'est pas grave.

[23:26] Julia Elvidge

Tout le monde allait chez Nortel, et maintenant, ce n'est plus le cas; vous voyez, il y a tellement de choix. Tant de petites et de moyennes entreprises qui font des choses vraiment intéressantes. Et c'est formidable du point de vue des employés de pouvoir essayer différentes entreprises. Il y a encore quelques grands noms. Nous avons toujours nos Ciena, nos Ericsson.

[23:54] Thusha Agampodi

Je pense que je l'ai remarqué aussi, et je sais, comme notre siège social est à Waterloo, et ils l'ont remarqué là aussi, alors que les grandes entreprises comme BlackBerry ont commencé à réduire leurs effectifs. Puis ce qui s'est passé, c'est que l'environnement autour de tous les dirigeants, de tous les leaders des technologies, qui ont quitté ces grandes entreprises, ont créé leurs propres entreprises… Il y a donc beaucoup d'entreprises en démarrage dans les environs et je le remarque aussi à Ottawa.

De même quand Nortel a fermé et puis BlackBerry a réduit ses effectifs à Ottawa aussi. Vous pouvez certainement voir que toutes ces personnes talentueuses, qui étaient dans ces entreprises, se sont lancées dans de nouvelles activités, ce qui est formidable pour le pôle technologique d'ici.

[24:35] Jacques Beauvais

Julia, pour y revenir, la diversité est-elle aujourd'hui un problème dans les entreprises technologiques du Canada ?

[24:41] Julia Elvidge

Du point de vue des employés venant de l’international… Je vois des gens du monde entier travailler dans les équipes technologiques de Kanata et je ne vois pas de domination blanche en ce moment au niveau de ces équipes techniques. Mais vous savez, c'est encore un problème au niveau de la direction; et cela doit changer.

Je pense vraiment que notre question du genre est très grave, qu'elle n'a pas changé depuis des décennies et qu'il faut vraiment s'y attarder maintenant. Il n'y a tout simplement pas assez de femmes dans le secteur des technologies, la proportion de 27 % de femmes par rapport aux hommes dans ce secteur est trop faible. Et ce taux est pour les STIM, ce n'est pas pour l'ingénierie. Pour l'ingénierie, ce serait encore plus bas que cela.

J'ai étudié en génie électrique il y a de nombreuses années, nous n'avons pas besoin d'entrer dans les détails, vous savez. J'étais une de six femmes d'une classe de 110 diplômés. Vous savez, le génie électrique en soi n'a pas vraiment changé tant que cela. Peut-être que c'est dix femmes sur 110. Peut-être que c'est 15, ce n'est toujours pas assez.

Il y a certainement un changement qui se produit. Je pense que ça n'arrive pas assez vite. Le problème, c'est même juste de les faire entrer en génie. Il ne s'agit pas de leur faire obtenir leur diplôme, je pense que le plus gros problème est de les y faire entrer.

J'ai certainement essayé d'intéresser les filles du niveau secondaire et primaire à la robotique, aux puces à semi-conducteurs, à la nanotechnologie, à l'IA... C'est une partie du travail qui a été fait ici à l'Université d'Ottawa. C'est à Carleton, c'est partout. Il existe un certain nombre de différents programmes - Technovation, Virtual Ventures, il y a des programmes d'été ici auxquels j'ai participé aussi.

Ils sont tous géniaux et ils font tous une différence, mais à un moment donné, je veux parler du temps que j'ai passé ici avec huit filles cet été. C’est parce que je leur ai posé une question et j'ai été très étonnée de leur réponse.

Pourquoi n'y a-t-il pas plus de femmes en génie ? C'était un cours spécial pour le génie logiciel. Il y avait huit filles qui étudiaient entre la 3e et la 5e secondaire. Et la plus timide s'est tout de suite levée et a dit : « C’est parce que les gens pensent qu'elles sont incapables. » Mot pour mot.

La deuxième, un peu plus âgée, a dit : « C’est parce que les hommes ne veulent pas les engager. » Et la troisième, probablement en secondaire 5, a dit : « C’est parce qu'ils ont peur qu’elles vont tomber enceintes et ne pas rester en poste. »

Oh, mon Dieu, vous êtes bien trop jeunes pour avoir ces impressions. En fait, j'étais horrifiée. J'avais le cœur brisé et j'étais horrifiée en même temps. C’est parce que je pensais vraiment que c'est ce que nous savions il y a 20 ans, je me serais attendue à cette réponse d’élèves de secondaire 3 à 5 il y a 20 ans.

Mais pourquoi maintenant ? Je suis vraiment étonnée d’entendre cela aujourd’hui. Je leur avais demandé plus tôt combien d'entre elles étaient là volontairement et je pense que seulement trois sur huit étaient là volontairement. Leurs parents les avaient inscrites à ce programme. Les enfants ne font pas des choses à moins de vouloir au moins essayer, alors elles étaient au moins un peu intéressées.

Mais ça m'a surpris qu'elles aient encore ces perceptions de barrières parce que je dirais le contraire. Je dirais qu'il y a des hommes, en ce moment même, qui veulent vraiment engager des femmes, mais ils ne trouvent pas assez de femmes à engager. Et c'est quelque chose qui, je pense, aidera à l'avenir. Mais cela revient à votre question. Je pense que c'est le grand problème de la diversité au Canada en ce moment, avec les entreprises technologiques, c'est-à-dire le genre.

[29:14] Thusha Agampodi​​​​​​​

Je suis d'accord, je pense que c'est ce qui nous a d’abord poussés à entamer cette conversation lorsque j'ai collaboré avec l'Université d'Ottawa à la conférence Better Together, qui était vraiment axée sur la diversité des genres. Je me soucie de la diversité dans son ensemble, mais je suis tout à fait d'accord avec Julia pour dire que l'intégration de davantage de femmes dans le secteur des technologies est une question importante et je lis beaucoup de choses sur les raisons et les moyens de s'attaquer à ce problème. Je n'ai pas de réponses, mais je peux parler un peu des choses que j'ai remarquées.

Il est certain qu'il n'y a pas assez de femmes qui intègrent le milieu et j'ai lu des études qui demandent aux femmes qui vont en génie : lorsque vous demandez aux étudiants qui vont en génie, pourquoi choisissez-vous d'y aller ? Et je pense que les réponses des hommes venaient de tous les horizons.

Mais les réponses des femmes étaient plus spécifiques; elles parlaient de quelqu'un dans leur vie qui les avait influencées, que ce soit une tante, un oncle ou un parent. Et je peux comprendre cela, vous savez. J'ai fait des études en génie parce que mon père travaillait dans une université d'ingénierie. Et beaucoup de femmes à qui j'ai parlé ont des histoires semblables.

Je pense que, d’une part, les exemples font une énorme différence. C'est pourquoi nous parlons à Parinaz et à Julia, je pense que plus nous pouvons donner d'exemples, le mieux c'est. Et puis, bien sûr, une fois que vous y entrez, comment construisons-nous un environnement inclusif ?

C’est parce que, comme l'a dit Julia, même si vous obtenez la diversité au niveau le plus bas, le niveau d'entrée, à mesure que vous montez en grade, vous voyez que c'est surtout des hommes. Vous voyez que dans les 500 plus grandes entreprises seulement 4 ou 5 % sont des femmes. Il n’y a pas de doutes que les évaluations de performance sont biaisées.

[31:05] Jacques Beauvais​​​​​​​

J'espère que vous avez apprécié notre conversation jusqu'à présent et nous allons la continuer dans un prochain épisode. Et j'espère vraiment que vous pourrez vous joindre à nous.

Saison 2 - Épisode 2

N/A

Saison 2 - Épisode 3

N/A

Saison 2 - Épisode 4

N/A

Saison 2 - Épisode 5

N/A 

Saison 2 - Épisode 6

N/A 

Saison 2 - Épisode 7

N/A 

Saison 2 - Épisode 8

N/A 

Saison 2 - Épisode 9

N/A 

Saison 2 - Épisode 10

N/A 

Saison 2 - Épisode 11

N/A 

Saison 2 - Épisode 12

N/A