Alors que le nombre de cas de COVID-19 diagnostiqués à Ottawa a continué à croître durant le mois d'avril, nous avons fait le point avec Dr Lorne Wiesenfeld, vice-doyen aux Études médicales postdoctorales à la Faculté de médecine et médecin praticien en médecine d’urgence à L’Hôpital d’Ottawa.
À quoi pensiez-vous avant votre quart de travail à l’urgence de L’Hôpital d’Ottawa le weekend dernier (le 4-5 avril)?
Je réfléchissais à la chance que nous avons de vivre à Ottawa. J’observe ce qui se passe dans le monde, où les prestataires de soins de santé en première ligne n’ont pas le luxe d’avoir de l’équipement de protection individuelle. Nous ne sommes pas encore rendus là, mais il n’est pas garanti que nous ne nous retrouverons pas dans cette situation. Je ne peux imaginer le dilemme personnel et moral auquel j’aurais à faire face, si je devais fournir des soins à une personne sans avoir l’équipement de protection nécessaire. Cette infection est si virulente dans sa façon de se propager, que je sais que je tomberais inévitablement malade, et puis en l’espace de quelques jours, je ne serais plus en mesure d’aider personne. Alors, je me sens choyé du fait que, pour l’instant, nous n’avons pas eu à dire : Non, tu dois faire ton travail sans masque ou blouse.
Je pense aux prestataires de soins de santé qui sont tombés malades et à ceux qui sont décédés dans d’autres pays comme les États-Unis, ou en Europe et en Chine, pour n’en nommer que quelques-uns. Et je pense à ma famille. J’ai 51 ans, ce qui m’expose à un risque accru, mais j’ai le devoir de servir. J’ai une obligation éthique de prendre soin de patients au mieux de mes capacités.
Quelle était la situation à l’urgence le weekend dernier?
Les gens évitent l’urgence des hôpitaux en cette période; les patients se tiennent à l’écart. S’ils peuvent se tenir à l’écart, c’est bien. Cependant, nous craignons par exemple qu’une personne qui fait une crise cardiaque choisisse de ne pas consulter, et qu’elle aggrave ainsi son état de santé, ou succombe à la maladie à la maison. Nous ne voulons pas que les gens agissent ainsi. Mais l’achalandage est en baisse. Nous voyons moins de patients.
Selon moi, c’est le calme avant la tempête. Puisque ce virus se propage très facilement, je crois qu’il est en circulation dans notre communauté. L’éloignement social fonctionne, et les cas se multiplient très lentement. Mais ce n’est qu’une question de temps avant que l’achalandage augmente et que nous voyons un plus grand nombre de patients, et ces patients seront plus malades.
Que faites-vous lorsqu’un patient se présente à l’urgence, et pourrait être porteur de la COVID-19?
Lorsqu’une personne se présente à l’urgence avec des symptômes, comme une fièvre et une toux, nous procédons au test de dépistage nécessaire pour savoir s’il s’agit de la COVID-19. Comme nous ne recevons pas les résultats au cours de notre quart de travail, pour nous il s’agit de cas présumés. Certaines personnes sont admises parce qu’on croit qu’il pourrait s’agir de la COVID-19, de la grippe ou d’une pneumonie bactérienne normale, qui est commune en soi.
Lorsque nous voyons des patients porteurs de la COVID ou possiblement infectés à la COVID, nous portons bien sûr un masque et une blouse, lesquels nous ne portons pas habituellement. Nous portons également des gants, il n’y a donc pas de peau exposée ou qu’une très petite surface de peau exposée. Nous sommes plus vigilants. C’est une plus grande source de stress dans l’hôpital puisque nous devons nous assurer que ces patients sont tenus bien à l’écart des autres patients pour éviter la propagation de l’infection.
Que peuvent faire les membres de la communauté pour vous soutenir, vous et vos collègues dans les hôpitaux?
Nous sommes très reconnaissants pour le soutien de la communauté. Marcher vers l’hôpital et apercevoir une enseigne peinte à la main sur laquelle on peut lire: Merci beaucoup à tous les travailleurs de la santé nous aide énormément. Des restaurants et des gens de la communauté nous offrent des repas gratuits. Ces petits gestes font toute une différence et remontent le moral de chacun ici.
Lorsque je marche dans les rues d’Ottawa tous les jours avec nos chiens, je remarque que les gens, pour la plupart, pratiquent l’éloignement social. Ils restent à la maison et portent une attention particulière au choix de leurs activités. J’espère que nous serons en mesure d’aplatir la courbe afin que, peu importe la maladie, celle-ci se propage plus lentement sur une plus longue période, de sorte que nous puissions mieux la gérer.
Un gros merci à toutes les personnes qui pratiquent l’éloignement social. Et j’ai un message pour ceux qui croient que cela n’est pas important : non seulement vous vous exposez et exposez vos proches à un risque, mais vous exposez également ma famille à un risque. Alors, je vous demande de prendre la situation au sérieux.
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