Cancer. Virus. Sel?

Faculté de médecine
Photo de Dr Jean-Simon Diallo sans son laboratoire.
Les virus sont utilisés pour traiter le cancer, bien que jusqu’à maintenant, ils ne se soient pas toujours avérés efficaces. Le Dr Jean-Simon Diallo, chercheur à l’IRHO et professeur adjoint au département de BMI (biochimie, microbiologie et immunologie) a identifié l’ingrédient manquant.

Par Mohamad Chahrour et Baher Migally
Rédacteurs invités

Mohamad Chahrour et Baher Migally sont des étudiants de quatrième année à la Faculté de médecine, inscrits au programme de baccalauréat ès sciences spécialisé en médecine moléculaire et translationnelle. Initialement, ils ont écrit cet article pour leur cours en communication scientifique dans le cadre d’une série dressant le profil de chercheurs de la Faculté de médecine. 

Le cours a été élaboré et enseigné par Dre Kristin Baetz, directrice de l’Institut de la biologie des systèmes d’Ottawa et professeure au Département de biochimie, microbiologie et immunologie, afin de permettre aux étudiants de transmettre des sciences complexes à un public profane - une compétence essentielle lors de présentations, de demandes de subventions, de résumés d'articles de recherche et de communications générales dans le domaine des sciences biomédicales.

MedPoint publiera des profils tirés de cette série tout au long de l’année 2019.

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Vous êtes assis à la table, et fixez votre assiette. Votre conjointe a fait de son mieux pour cuisiner un plat. Vous vous efforcez de ne pas grimacer alors que vous prenez la première bouchée. Ce n’est pas mauvais, mais c’est beaucoup trop fade. Vous saupoudrez une pincée de sel sur le plat et cela parvient à faire toute la différence. « C’est délicieux, chérie! », mentionnez-vous en remerciant Dieu pour le sel, un outil fabuleux.

Récemment, le Dr Jean-Simon Diallo, professeur adjoint au département de biochimie, microbiologie et immunologie et chercheur à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa (IRHO), a fondamentalement inventé le ‘sel’, au sens figuré, d’un type particulier de traitement contre le cancer, ce qui pourrait se traduire par de meilleurs résultats pour les patients.

Contexte :

Le cancer se produit lorsque certaines cellules du corps humain commencent à se diviser à un rythme incontrôlé. Le système immunitaire n’attaque pas ces cellules puisqu’elles sont reconnues comme faisant partie du corps, d’où la nécessité d’un traitement contre le cancer. De nombreux traitements contre le cancer ciblent les cellules qui se divisent rapidement, tout en laissant les cellules normales intactes. La « virothérapie oncolytique » est un terme utilisé pour décrire l’utilisation de virus mis au point à cette fin. Les virus fonctionnent un peu comme des pirates : ils infectent les cellules et prennent le contrôle de leur mécanisme afin de produire une plus grande quantité de virus. Lorsqu’une quantité suffisante de nouveaux virus s’accumule dans la cellule, celle-ci éclate et meurt, libérant ainsi d’autres virus, puis le processus se répète. L’idée est d’utiliser des virus qui infectent uniquement les cellules cancéreuses, et de laisser ceux-ci faire leur travail. Ironiquement, un problème se pose puisque le système immunitaire reconnaît les virus comme corps étranger et les attaque, expliquant pourquoi la virothérapie oncolytique n’est pas toujours efficace.

Revenons au sel du Dr Diallo.

« Ma recherche consiste à définir des façons d’améliorer la capacité des virus à infecter les tumeurs. L’approche que nous privilégions consiste à utiliser de petites molécules qui peuvent être administrées au même moment qu’un virus pour l’aider à pénétrer dans ces tumeurs et à s’y reproduire, » déclare le Dr Diallo. Essentiellement, comme la nourriture fade, les virus en soi laissent à désirer. En ajoutant quelques petites molécules, que le Dr Diallo surnomme « molécules virales sensibilisatrices, » comme c’est le cas pour l’ajout de sel, on obtient de bien meilleurs résultats et les virus parviennent à infecter les cellules cancéreuses de façon beaucoup plus efficace. Il s’agit d’une excellente nouvelle dans le domaine de la virothérapie.

Certes, ce n’est pas aussi simple que l’ajout de sel.

En fait, les molécules virales sensibilisatrices sont difficiles à trouver, et même une fois trouvées, elles posent certains problèmes : parfois la molécule n’est pas bien tolérée par le corps sous forme de médicament, et parfois comme nous ne connaissons pas son fonctionnement, nous ne pouvons donc pas y avoir recours.

Dans ce que Dr Diallo qualifie de moment décisif, dix ans après la découverte initiale des molécules virales sensibilisatrices, un article scientifique a récemment été publié décrivant le mécanisme d’action du diméthyle fumarate. Cette molécule a été définie par le laboratoire du Dr Diallo comme molécule virale sensibilisatrice. Il se trouve que le diméthyle fumarate est également un médicament approuvé pour traiter la sclérose en plaques et le psoriasis (il est donc bien toléré). Puis, tout est ainsi devenu possible : le diméthyle fumarate est une molécule virale sensibilisatrice, son mécanisme d’action est connu, et il s’agit déjà d’un médicament approuvé.

C’est ainsi que le « sel » de la virothérapie oncolytique a vu le jour.

Bien que son laboratoire ait connu beaucoup de succès dans ses essais chez les animaux, la prochaine étape pour le Dr Diallo est de faire en sorte que les molécules virales sensibilisatrices soient utilisées dans les essais cliniques; une tâche qui nécessite énormément de travail et un financement important. Cependant, comme le mentionne le Dr Diallo, « c’est une période emballante pour œuvrer dans le domaine des virus oncolytiques, puisque les investissements dans ce domaine se multiplient à un rythme effréné. Il y a beaucoup d’espoir, et nous souhaitons que l’engouement réussisse à remplir cette promesse. »

Il ne reste plus qu’à souhaiter que le traitement contre le cancer puisse réellement devenir aussi simple que l’ajout de sel à vos aliments!

 

Crédit photo principale : Yanalya, Freepik

Photo de Dr Jean-Simon Diallo sans son laboratoire.

 

Un diagramme expliquant comment les sensibilisants viraux aident à réduire les tumeurs.