Par Michelle Read
L’article suivant a été publié initialement en janvier 2019 et mis à jour le 26 novembre 2019.
Le 21 novembre dernier, lors d’une cérémonie à Rideau Hall, le Dr Korneluk a été nommé Membre de l’Ordre du Canada par Julie Payette, gouverneure générale du Canada.
Comptant près de 40 années d’expérience dans le domaine scientifique, Robert Korneluk, professeur de la Faculté de médecine et chercheur principal à l’Institut de recherche du CHEO, a contribué à l’engouement pour l’immunothérapie en médecine.
En 1995, le Dr Korneluk et son équipe ont découvert une famille de gènes surnommés inhibiteurs de l’apoptose (IAP) qui contrôlent la mort des cellules. Cette découverte révolutionnaire a été le point de départ de percées dans la recherche sur le cancer, le diabète, la neurodégénérescence et plus encore, à travers le monde. Elle est également le fondement de ses travaux de recherche visant à examiner comment améliorer la réponse naturelle du système immunitaire aux cancers — des travaux dit-il qu’il poursuivra jusqu’à ce que cela devienne un traitement éprouvé pour les patients atteints d’un cancer.
Le mois dernier, le Dr Korneluk fut le premier chercheur du CHEO à être nommé membre de l’Ordre du Canada. Entre les visites des collègues qui venaient le féliciter, il a pris le temps de partager ses sentiments après avoir reçu la plus haute distinction honorifique du pays — et ses espoirs pour l’avenir de l’immunothérapie.
Q : Comment vous sentiez-vous au moment d’apprendre que vous aviez été nommé membre de l’Ordre du Canada?
R : J’ai regardé tous ces gens ici et je me suis dit, vraiment? C’est moi? L’Ordre du Canada reconnaît les réalisations exceptionnelles, mais je n’ai rien fait encore! Du moins, pas ce que je souhaiterais voir arriver. Je ne serai satisfait que lorsque les résultats de nos travaux de recherche deviendront une norme de soins pour les patients atteints d’un cancer qui, nous l’espérons, pourront être prouvés dans le cadre d’essais cliniques.
Q : Pourquoi l’immunothérapie est-elle un sujet populaire dans les soins médicaux?
R : L’immunothérapie a véritablement changé le paysage des traitements contre le cancer.
Les cancers se développent continuellement dans votre organisme. Votre système immunitaire cible les cellules cancéreuses en reconnaissant celles-ci comme corps étranger et en les éliminant. Cependant, ces cellules cancéreuses réussissent à se dissimuler grâce à des molécules présentent à leur surface que l’on surnomment points de contrôle immunitaires, qui tentent de faire croire aux cellules immunitaires qu’elles font partie de votre organisme. Il devient alors plus difficile pour le système immunitaire d’éliminer ces cellules.
Certains médicaments peuvent bloquer ces points de contrôle immunitaires, ce qui annule le processus de dissimulation et permet à la cellule immunitaire d’éliminer la cellule tumorale. Ce traitement est appelé immunothérapie puisqu’il a recours à votre propre système immunitaire pour éliminer et cibler les cellules cancéreuses. Ces médicaments immunothérapeutiques fonctionnent bien, et ont moins d’effets secondaires toxiques que la chimiothérapie ou la radiothérapie. Les scientifiques travaillent actuellement à les améliorer.
Q : Est-ce à ce moment que vous entrez en scène – votre équipe élève l’immunothérapie d’un cran?
R : Exactement! Lorsque vous combinez des médicaments immunothérapeutiques à autre chose, on parle alors d’immunothérapie combinée. Dans notre laboratoire, nous travaillons avec une catégorie de médicaments surnommée mimétiques de SMAC qui, lorsque combinés à l’immunothérapie produisent une réponse incroyable chez les souris. Votre organisme renferme un groupe de gènes appelés IAP (inhibiteurs de l’apoptose), dont le travail consiste à favoriser la survie de vos cellules — mais cela peut diminuer l’efficacité de l’immunothérapie. Si nous pouvons désactiver ces gènes et les empêcher de faire leur travail, ce que font les mimétiques de SMAC, la réponse du système immunitaire en sera améliorée. Nous menons actuellement des essais cliniques afin d’évaluer la posologie et l’efficacité du traitement. J’ai bon espoir que notre traitement d’association deviendra une nouvelle norme de soins pour les patients atteints d’un cancer.
Q : Quelles valeurs ont poussé le jeune homme de Sault Ste. Marie à devenir un chercheur en santé?
R : J’ai toujours aimé la biologie — j’étais le jeune qui collectionnait les grenouilles et les serpents — mais je n’ai jamais vraiment eu de plan. Mes parents travaillaient de façon acharnée, issus d’une vie difficile en Ukraine, ils se sont établis au Canada avec très peu. Je crois que mes valeurs viennent simplement du fait d’avoir grandir dans une famille qui me permettait de faire ce que voulais faire, pourvu que cela fût lié aux études. J’appréciais cette latitude, et j’aime encore cette liberté dans le travail que je réalise aujourd’hui.
Q : Quel conseil donneriez-vous aux futures générations de chercheurs qui rêvent de faire de précieuses contributions?
R : J’ai appris très tôt que la pire chose à faire est de prétendre savoir quelque chose alors que vous ne savez pas. Vous devez dire, « Je ne le sais pas, montrez-moi, enseignez-moi. » De plus, il faut éviter de trop analyser une idée. Un trop grand nombre de gens intelligents vont se convaincre de ne pas faire une expérience, craignant que quelque chose ne fonctionne pas. Alors je dis, si vous voulez connaître la réponse, faites l’expérience!