Un chercheur mesure l’intervention du Canada face au COVID-19

Faculté de médecine
Le Dr Kumanan Wilson utilisera une bourse des IRSC de 212 397 $ pour mesurer l’intervention du Canada face à l’éclosion du coronavirus et son rôle dans la sécurité sanitaire à l’échelle mondiale.
Par Kate Jaimet
Rédactrice principale

Le Dr Kumanan Wilson, professeur de médecine à l’Université d’Ottawa, a reçu une subvention des IRSC de 212 397 $ pour étudier la préparation et l’intervention du Canada face à l’éclosion du coronavirus. Le Dr Wilson fait partie d’une équipe internationale de cinq chercheurs qui participeront à l’étude au cours des 18 prochains mois.

Quatre autres chercheurs de l’Université d’Ottawa ont reçu une subvention d’intervention rapide de 26,8 millions de dollars du gouvernement du Canada pour lutter contre le COVID-19. Il s’agit des Drs Marc-André Langlois et Ronald Labonté de la Faculté de médecine, du Dr Maxim Berezovski du Département de chimie et sciences biomoléculaire, et du Dr Patrick Fafard de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales. 

Nous nous sommes entretenus avec le Dr Wilson, médecin, scientifique principal au programme d’épidémiologie clinique à L’Hôpital d’Ottawa et conseiller en innovation à l’Institut de recherche Bruyère, au sujet de son projet de recherche.

Le but de votre subvention est « d’étudier la préparation et l’intervention du Canada face à l’éclosion du coronavirus en mettant l’accent sur les obligations du pays en vertu du Règlement sanitaire international (2005). » Pouvez-vous brièvement résumer quelles sont les obligations du Canada?

Le Règlement sanitaire international (RSI) est un recueil de règles qui vise à protéger la planète des urgences de santé publique. Les pays membres de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) se sont entendus pour renforcer la capacité à identifier, évaluer, signaler et répondre à d’éventuelles menaces pour la santé publique mondiale au sein de leurs frontières.

Nous examinerons la documentation pour vérifier où nous en sommes à l’égard de cette capacité. Nous poursuivrons avec l’entrevue de responsables qui s’y connaissent dans ce domaine. Si nous cernons des problèmes potentiels qui doivent être examinés, nous les communiquerons aux autorités canadiennes.  

L’objet du RSI est de « prévenir la propagation internationale de maladies, de s’en protéger, d’exercer un certain contrôle et d’intervenir par des mesures de santé publique proportionnelles et limitées aux risques qu’elles présentent, en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux. » Pouvez-vous expliquer?

Le RSI est à la fois un document sur la santé publique et sur l’économie. Il propose un équilibre entre économie, trafic et commerce internationaux et protection de la santé publique. 

Pourquoi ce règlement a-t-il été rédigé?

Tout cela remonte aux éclosions de choléra du 19esiècle en Europe. Chaque fois qu’une éclosion se produisait, les pays fermaient leurs frontières, et le commerce cessait. Cela avait des répercussions néfastes parce que les pertes économiques étaient parfois bien pires que les dommages provoqués par la maladie. Ainsi, ils ont créé un ensemble de règles permettant de définir à quel moment fermer leurs frontières.

De quelle façon un pays peut-il parvenir à un équilibre entre le besoin de contenir l’éclosion d’une maladie et celui de poursuivre le trafic et le commerce internationaux?

La façon dont tout cela est censé fonctionner, et bien honnêtement nous sommes loin d’une exécution parfaite, est que l’OMS devrait normalement prendre les décisions. Une urgence est identifiée, l’OMS fait une déclaration d’urgence et établit les règles sur la façon dont nous devons y réagir. Et nous ne devrions pas dépasser ces règles.

L’OMS dispose d’un comité d’urgence qui a accès à toutes les données et déclare ce qui suit : voici les mesures qui protègeront efficacement votre pays. Toute mesure additionnelle à celles proposées ne se traduit pas par une meilleure protection pour votre pays, mais plutôt par des répercussions néfastes inutiles sur les échanges commerciaux et les voyages.

En théorie, c’est ce qui devrait se passer. Si l’on regarde ce qui se passe dans le cas du coronavirus, plusieurs pays ont réagi avant même que l’OMS ne déclare l’urgence.

Selon son site Web, l’OMS « continue de déconseiller l’application de restrictions de voyages et d’échanges commerciaux vers les pays touchés par une éclosion de COVID-19, ». Pourtant, 38 pays ont déjà appliqué de telles restrictions. Pourquoi les pays ne respectent-ils pas les recommandations émises par l’OMS dans le cas présent?

Le RSI a été approuvé à une époque où l’on croyait aux accords internationaux. Aujourd’hui, nous vivons dans une ère de populisme. De nombreux pays sont moins susceptibles de céder leur souveraineté à une organisation comme l’OMS. Ils prennent des décisions qui sont, selon eux, dans l’intérêt de leur pays. Mais la réalité est que ces décisions peuvent engendrer une perte collective. Le COVID-19 a déjà coûté 6 billions de dollars à la bourse. Les conséquences économiques sont très palpables.

En plus d’identifier les lacunes potentielles du Canada dans son intervention face au coronavirus, qu’espérez-vous découvrir dans le cadre de votre recherche?

S’il y a une chose que je crois, c’est que le Canada a le potentiel d’aider le monde. 

Ce qui semble avoir mal tourné pour le RSI, et que l’éclosion d’Ebola de 2014 a mis en lumière est le fait que les pays à revenu faible ou moyen se questionnent quant à la nécessité de déployer tant d’efforts pour détecter et signaler ces maladies. Ils mettent en doute la possibilité de recevoir de l’aide et croient plutôt que leurs ressources limitées seront utilisées et qu’ils serviront de système d’avertissement précoce pour que les pays riches sachent quand fermer leurs frontières. Lors de l’éclosion d’Ebola en 2014, ils n’ont pas reçu l’aide qu’ils espéraient recevoir.

Ainsi, l’une des propositions est que les pays riches investissent dans le renforcement des capacités en santé publique dans ces pays. Si ces pays identifient, détectent et réagissent, cela contribuera à la maîtrise de ces maladies. Du même coup, nous empêcherons ces menaces de se propager dans nos pays.  Cela signifie une meilleure santé publique pour les pays plus pauvres, la prévention de la propagation à l’échelle mondiale de la maladie et la protection de l’économie mondiale.

Le Canada est l’un des chefs de file en sécurité sanitaire et plusieurs des plus grandes découvertes en santé publique sont issues de ce pays. Nous sommes bien placés pour aider et jouer un rôle de leader dans le cadre des efforts déployés à l’échelle mondiale.

Depuis que cet article est apparu, Le Dr Wilson et ses collègues ont reçu un financement du Fonds d’urgence COVID-19 de La Fondation de l’Hôpital d’Ottawa afin d'adapter  leur plateforme de suivi de la vaccination, CANImmunize, pour permettre aux Canadiens de signaler les manifestations cliniques inhabituelles qui pourraient découler d’un vaccin éventuel contre la COVID-19 à l’aide de leur appareil mobile. Il sera indispensable de pouvoir signaler ces situations afin de veiller à la sécurité d’un vaccin potentiel favoriser la confiance de la population. L’équipe a déjà mis au point et évalué une application pilote à des fins de validation en partenariat avec le réseau canadien de sécurité des vaccins, pour surveiller les manifestations cliniques inhabituelles associées au vaccin contre la grippe saisonnière. Aux fins d’évaluation, la fonction de déclaration sera d’abord activée pour les employés participants de L’Hôpital d’Ottawa pendant la saison de la grippe saisonnière, en prévision de la mise au point espérée d’un vaccin contre la COVID-19 en 2021. 

Lisez l'article de l’Institut de recherche Bruyère. 

Nous vous invitons à lire l’article How global health rules are being challenged by coronavirus, publié dans l’Ottawa Citizen, et rédigé par Kumanan Wilson, Université d’Ottawa, et Sam Halabi, Georgetown University.

 

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Dr. Kumanan Wilson