L’un des principaux domaines de recherche du laboratoire du Dr Derrick Gibbing se rapporte aux processus cellulaires et moléculaires à l’origine de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie qui mène graduellement à la paralysie puisque le cerveau n’arrive plus à communiquer avec les muscles du corps. Il n’existe encore aucun remède pour cette maladie, mais les résultats de la recherche réalisée dans le laboratoire Gibbings nous en rapprochent.
Actuellement, plus de 15 gènes sont associés à la SLA. Les mutations génétiques sont responsables de la maladie dont le taux de survie actuel est de deux à cinq ans après le diagnostic.
Les scientifiques savent que ces mutations génétiques sont responsables de la maladie, sans savoir exactement comment; ceci demeure ambigu et doit être découvert afin de développer un traitement.
Dans un article récemment publié dans Nature Communications, le Dr Gibbings et Maneka Chitiprolu, étudiante au doctorat, première auteure du manuscrit, ont partagé les découvertes qui relient plusieurs gènes liés à la SLA pour la première fois sur une nouvelle voie qui pourrait fournir des informations fondamentales sur les causes de la maladie.
« Ce qui est particulier est le fait que peu importe laquelle de ces mutations génétiques est impliquée dans la maladie, une grande proportion des patients atteints de la SLA présentent des groupes de protéines spécifiques appellées inclusions dans les neurones du cerveau et de la moelle épinière lesquelles semblent toxiques » rapporte le Dr Derrick Gibbings, professeur agrégé au département de médecine cellulaire et moléculaire de la Faculté de médecine. « Cette neurotoxicité tue éventuellement les neurones qui agissent à titre de transmetteurs entre le cerveau et les diverses parties du corps, comme les muscles, provoquant ainsi leur affaiblissement, puis éventuellement la paralysie. »
Au cours des dernières années, nous avons appris que ces inclusions toxiques chez les patients atteints de la SLA ressemblent à plusieurs égards à des groupes de protéines et d'ARN que les cellules produisent lorsqu'elles sont stressées, et que l'on appelle des granules de stress.
Plus particulièrement, la recherche précise qu’une série de gènes reliée à la SLA agissent normalement ensemble dans l’élimination contrôlée des granules de stress grâce à un processus d’autophagie (auto-consommation). Leur recherche démontre que la mutation ou la perte d’un de ces gènes empêche l’élimination de ces granules de stress, menant ainsi à la neurotoxicité qui caractérise la SLA.
« L’autophagie est un processus physiologique normal du corps,» rapporte Chitoprolu. « Ce processus identifie les substrats toxiques potentiels à même les cellules et les cible pour une dégradation sélective. Cependant, dans le cas de la SLA, le gène récepteur p62 responsable de l’autophagie est souvent muté et rendu inopérant. Nous avons découvert qu’en l’absence du p62, les cellules sont incapables de se remettre des stress environnementaux - inflammation, virus, surchauffe – qui sont à l’origine des granules de stress. »
La recherche de Chitiprolu permet de démontrer que le récepteur p62 interagit avec l’un des gènes particulièrement prédominants impliqués dans la SLA, soit le C90RF72. Le récepteur p62 interagit avec le C90RF72 au niveau de la protéine et son interaction est essentielle à l’élimination des granules de stress.
« Chez plusieurs patients atteints de la SLA, le gène C90RF72 est muté et nous croyons que cette mutation atténue la maladie compte tenu de la perte de son mécanisme fonctionnel – c’est-à-dire sa capacité à interagir avec le p62 et à se débarrasser des granules de stress, » explique Chitiprolu.
Parmi les près de 15 gènes associés à la SLA, les données sur les patients révèlent que la mutation de n’importe quel de ces gènes peut mener à la maladie. Cette liste n’est pas complète puisque les chercheurs ont identifié jusqu'à 50 gènes pouvant causer la SLA, et la liste continue de s'allonger avec d'importantes initiatives internationales.
« Ces observations, publiées dans Nature Communications, révèlent une nouvelle voie qui explique comment ces mutations peuvent mener à la SLA, » rapporte le Dr Gibbings. « En identifiant un mécanisme précis critique pour la SLA, il pourrait être possible d’activer le processus permettant d’éliminer les granules de stress afin de traiter cette maladie. Ceci ne sera pas une tâche facile puisqu’il est généralement plus difficile d’activer un processus au moyen d’un médicament, plutôt que de l’inhiber. »
En plus des fonds importants tels que les subventions des IRSC, la Société SLA du Canada a financé en partie la recherche de Maneka Chitiprolu sur la SLA, grâce au programme de dons pour la recherche sur la SLA au Canada. Un groupe d’examinateurs pairs experts a proposé la candidature de Chitiprolu pour la bourse de stagiaire de SLA Canada.
« Depuis 2005, SLA Canada, offre des bourses de stagiaire pluriannuelles aux étudiants les plus doués qui participent à des projets de recherche sur la SLA dans des laboratoires à travers le Canada, » rapporte Dr David Taylor, vice-président, recherche de la Société SLA du Canada.
« Ces fonds visent non seulement à encourager les meilleurs scientifiques en devenir à poursuivre une carrière axée sur la compréhension et le traitement de la SLA, mais aussi à financer le travail de chercheurs canadiens qui mène à des découvertes comme celles rapportées par le Dr Gibbings et Maneka Chitiprolu, qui auront un impact sur les efforts mondiaux face à cette maladie. »
- 90 % de tous les cas de SLA sont de type « sporadique », c’est-à-dire que leur cause est aléatoire et inconnue. 10 % des cas ont un lien génétique.
- Il n’existe actuellement aucun remède contre la SLA. Les patients meurent de la maladie deux à cinq ans après le diagnostic.
- Près de 3 000 Canadiens et près de 30 000 Nord-Américains sont actuellement atteints de la SLA.
- L’âge des patients varie entre 40 et 65 ans.