Depuis des décennies, les chercheurs tentent d’élucider un mystère persistant de la biologie structurelle : pourquoi deux formes de protéines, par ailleurs identiques, que l’on retrouve dans toutes les espèces (des plantes aux amphibiens en passant par les êtres humains), ne présentent-elles qu’une légère variation dans l’immense étendue de l’évolution?
C’est une énigme qui prend racine dans le passé le plus lointain. Mais désormais, des chercheurs de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa et de l’Université Yale ont collaboré pour apporter une réponse convaincante à cette énigme. Les nouvelles connaissances ainsi acquises sur ces protéines porteuses de code et la signification de leur minuscule variation pourraient nous aider à en apprendre davantage sur la réparation de l’ADN endommagé et à mieux comprendre les mécanismes à l’origine de certaines maladies, dont les cancers.
Dans le dernier numéro de la revue Science, l’une des revues scientifiques universitaires les plus prestigieuses, le Dr Jean-François Couture, de l’Université d’Ottawa, et ses collaborateurs croient avoir dévoilé l’influence cachée d’une seule variation, un acide aminé variable, entre les histones H3.1 et H3.3. Il s’agit de deux sous-types H3 de protéines conservées au cours de l’évolution, dont la structure est restée pratiquement inchangée au cours de millions d’années d’évolution.
Avant cette étude, les scientifiques ne comprenaient pas le rôle spécifique de cette petite variation biochimique dans le sous-type H3.1, mais savaient seulement qu’elle était en quelque sorte si vitale qu’elle s’est maintenue chez les plantes et les animaux pendant de longues périodes.
« Nos résultats sont passionnants, parce que l’on tente de répondre à cette question depuis de nombreuses années », déclare le Dr Couture, professeur et directeur du Département de biochimie, microbiologie et immunologie de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa et chef du laboratoire de biologie structurale et de biochimie de la chromatine à l’Université.
Comme un fil enroulé étroitement autour d’une bobine, l’ADN s’enroule autour des histones dans une étonnante démonstration d’ingénierie de la nature. Et ces minuscules protéines échafaudent l’ADN dans les limites du noyau d’une cellule eucaryote. Les cellules eucaryotes conservent leur matériel génétique dans des noyaux liés à une membrane.
Selon le Dr Couture, les nouvelles découvertes des chercheurs de l’Université d’Ottawa et de Yale permettent essentiellement de démêler la coévolution du « code histone » et du processus de réparation des dommages à l’ADN. Les défaillances des mécanismes de réparation de l’ADN de l’organisme peuvent entraîner certains types de cancer et d’autres maladies graves.
L’importance cruciale de la réparation des dommages à l’ADN est clairement démontrée par sa conservation au cours de la remarquable évolution des eucaryotes, selon le Dr Couture. Les eucaryotes constituent une gamme extraordinaire d’organismes, unicellulaires ou multicellulaires, qui comprend les êtres humains et qui descendent d’un ancêtre commun ayant vécu il y a environ deux milliards d’années.
Dans leur article publié dans Science, les membres du laboratoire Couture de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa ont révélé des détails sur la raison pour laquelle l’histone H3.1 joue un rôle déterminant dans la réparation des dommages à l’ADN chez les eucaryotes. Ils ont utilisé la cristallographie aux rayons X pour comprendre les fondements moléculaires responsables de la fonction cellulaire des protéines.
En collaboration avec des chercheurs de Yale, le Dr Couture et son équipe ont découvert qu’une protéine de réparation de l’ADN, surnommée « Tonsoku » par les scientifiques, reconnaît spécifiquement l’histone H3.1, reliant ainsi deux des mécanismes les plus conservés au cours de l’évolution qui assurent la survie des eucaryotes sur Terre. En manipulant le génome de l’Arabidopsis thaliana, une petite plante à fleurs appartenant à la famille de la moutarde, l’équipe de recherche a découvert comment la variante H3.1 est spécifiquement requise pendant la réplication de l’ADN pour réparer l’ADN endommagé.
« Le modèle de fonctionnement que nous avons étudié provient des plantes, mais le même mécanisme peut être appliqué aux mammifères, aux humains », explique le Dr Couture.
On sait également que la protéine « Tonsoku-like » est associée à une maladie autosomique récessive appelée dysplasie sponastrine, un trouble ultrarapide marqué par une petite taille et des anomalies faciales et squelettiques. Selon le Dr Couture, leur recherche pourrait nous permettre d’en apprendre beaucoup plus sur cette maladie peu comprise.
Le Dr Couture est coauteur de l’article avec le Dr Yannick Jacob, et Hossein Davarinejad, de l’Université d’Ottawa, est coauteur principal avec Yi-Chun Huang, de l’Université Yale.
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