Par Michelle Read
Rédactrice
Après avoir remporté l’émission télévisée The Amazing Race Canada en 2019, le Dr James Makokis se bat pour un titre national dans un domaine où la concurrence est intense.
Aujourd’hui, il vise un titre qui pourrait lui donner beaucoup plus de droits que celui de se vanter. En faisant campagne pour la présidence de l’Association médicale canadienne (AMC), le Dr Makokis, diplômé de la Faculté de médecine, cherche à faire basculer la conversation en médecine et à faire entendre une diversité de voix.
« Si je suis élu, je serais le premier président autochtone et bispirituel des 154 ans d’histoire de l’AMC », dit-il. « Je suis très enthousiaste face au potentiel de changement au niveau des systèmes nationaux ».
Faire basculer la conversation
Le 26 février, l’AMC proclamera les résultats de l’élection de son prochain président, qui seront ratifiés lors de son assemblée générale annuelle en août.
« Plusieurs femmes médecins autochtones m’ont encouragé à me présenter », explique le Dr Makokis, médecin de famille originaire de la nation crie de Saddle Lake, en Alberta. « Nous aimerions faire connaître le travail que nous faisons pour combattre le racisme envers les Autochtones dans le système de santé, de même qu’améliorer la santé des autochtones et faire avancer concrètement la conversation sur la réconciliation et les alliances. Il est essentiel de travailler avec des alliés non autochtones pour aborder des questions importantes. »
Le Dr Makokis explique que ses motifs concernent également l’augmentation de la visibilité de groupes diversifiés dans le système médical, en particulier en matière de leadership médical.
« Il est important qu’il y ait une représentation appropriée de tous les groupes dans la médecine », dit-il. « Par exemple, la médecine est aujourd’hui institutionnalisée, mais la façon dont les Autochtones la pratiquent est très humaniste – un changement que j’aimerais que l’on apporte dans la médecine. »
Sa candidature a été soutenue par d’éminents leaders des communautés autochtones, médicales et politiques (voir encadré). De plus, les téléspectateurs canadiens de la compétition télévisée à succès pourraient même être son plus grand soutien. Le Dr Makokis et son mari, qui se présentent sous le nom de Team Ahkameyimok (en cri, qui se traduirait par « Ne renoncez pas ») ont été élus favoris par le public.
« C’est dans les séries familiales de ce genre que le changement et la transformation peuvent se produire », dit-il. « Les gens du public nous ont dit que nous les avons aidés à discuter avec leurs enfants de termes comme bispiritualité et FADA (femmes autochtones disparues et assassinées). En rendant publics ces sujets jusqu’alors passés sous silence, nous pouvons transformer les relations avec les Autochtones de ce pays et commencer à faire avancer la conversation dans le domaine de la médecine. »
« Le président de l’AMC est un porte-parole, et il est important que les gens puissent s’identifier à lui, poursuit le Dr Makokis, surtout en Alberta où le climat politique est devenu conflictuel envers les médecins – nous devons construire des ponts. »
Sauver des vies grâce à la pratique médicale
Le Dr Makokis travaille à la reconstruction du système médical cri en intégrant les médicaments, les connaissances, la langue et les enseignements cris dans sa propre pratique. En tant que médecin de famille, il fait progresser la santé des Autochtones sur trois fronts.
Sa première clinique, située dans le sud d’Edmonton, fournit des soins de santé aux transsexuels et des traitements médicaux hormonaux substitutifs à des populations diversifiées sur le plan du genre.
« Un de mes collègues se souvient le Dr Makokis, qui est lui-même médecin trans, m’a dit un jour : “Si vous pratiquez la médecine trans, vous sauverez des vies ». Malheureusement, plus de 50 % des personnes trans, bispirituelles, se sont suicidées ou ont tenté de le faire. »
Depuis les cinq dernières années, le Dr Makokis est le premier et le seul médecin de famille de la nation crie de Kehewin, à trois heures au nord-est d’Edmonton. « La communauté a été mal desservie pendant si longtemps », dit le Dr Makokis.
La nation a récemment reçu son premier lot de vaccins contre la COVID-19. La méfiance face au vaccin étant une triste réalité en raison d’antécédents d’abus envers les Autochtones dans le système médical, le Dr Makokis dit qu’il était important que les aînées de la Nation témoignent de l’innocuité du vaccin.
« J’ai administré la première dose à ma tante lors d’une cérémonie traditionnelle crie », dit-il. Dans notre nation, les grands-mères ont la responsabilité de porter l’« opikihawasowin » – ce qui signifie faire grandir la prochaine génération de petits esprits à venir. Faire valoir aux jeunes l’importance de se faire vacciner fait partie intégrante de ce processus et démontre leur leadership et leur amour pour le peuple. »
Le Dr Makokis travaille également à distance comme directeur médical du Shkaabe Makwa, au Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto. Il s’agit du premier programme hospitalier autochtone du pays, dont les soins intègrent la médecine, la culture, la spiritualité et les enseignements autochtones.
« Nous voulons travailler à l’expansion de ce type de services pour les gens, car ils changent leur vie », dit-il.
Le Dr Makokis bénéficie de l’appui de la Faculté de médecine dans sa course à la présidence de l’AMC.
Ahkameyimoh, Dr Makokis!
Crédit photo principale : Jodi Gadwa-Cardinal
Mise à jour du 4 mars 2021 : Le 26 février, le Dr Alika Lafontaine a été élu aspirant au poste de président désigné de l’AMC pour 2021-2022.
Visions de leadership
Le Dr Makokis est reconnaissant de la vision du Programme autochtone de la Faculté de médecine, qui consiste à former des leaders qui transformeront le système médical. En effet, la Faculté a reconnu l’ascension du Dr Makokis l’année dernière, une décennie après sa sortie du programme en 2010. La Faculté lui a décerné le Prix de l’étoile montante dans le cadre de la remise des prix d’excellence des diplômés en 2020.
« Je suis très fier que l’Université d’Ottawa soit mon alma mater, et je lui suis entièrement reconnaissant d’avoir eu cette vision », dit-il. « Sans elle, je ne serais pas médecin et je ne me présenterais pas à ce poste qui offre une occasion stimulante de changement ».
« Je suis enthousiaste à l’idée que les médecins albertains puissent contribuer à écrire l’histoire en élisant le premier médecin autochtone et bispirituel de l’AMC – cela permettrait d’ouvrir la voie à tant d’autres qui ne se voient pas atteindre des postes similaires. »
La candidature du Dr Makokis à la présidence de l’AMC a été appuyée par d’éminents leaders des communautés autochtones, médicales, et politiques.
Parmi les personnes qui ont manifesté leur appui, citons l’ancienne gouverneure générale et chef d’État Michaëlle Jean et la Dre Darlene Kitty, ancienne présidente de l’Association des médecins autochtones du Canada et maintenant directrice du Programme autochtone de la Faculté, où le Dr Makokis a obtenu son diplôme. Parmi les autres leaders, citons Marlene Poitras, chef régionale de l’Assemblée des Premières nations de l’Alberta, Catherine Zahn, directrice générale du Centre de toxicomanie et de santé mentale, et Adalsteinn Brown, doyen de l’École santé publique de l’Université de Toronto.
« C’est vraiment merveilleux d’être soutenu par les communautés autochtones de l’Alberta, car c’est là que se déroule l’élection », déclare le Dr Makokis.