La COVID-19 a fait reculer de 12 ans la lutte contre la tuberculose

Faculté de médecine
Alors qu’environ un tiers de la population mondiale est actuellement infecté par une tuberculose latente, la Dre Alice Zwerling adopte une approche d’économie de la santé face à un déficit de financement de plusieurs milliards.

En 1910, alors que le meilleur traitement disponible contre la tuberculose était l’air frais, un environnement propre, une bonne alimentation et du repos, le Sanatorium Royal Ottawa a ouvert ses portes, permettant aux tuberculeux de la région de rester en ville plutôt que d’être envoyés à Muskoka. Depuis, la tuberculose a été pratiquement éliminée d’Ottawa, et l’Institut de recherche en santé mentale de l’Université d’Ottawa se trouve maintenant sur le site de l’ancien sanatorium.

Mais ailleurs dans le monde, et même ailleurs au Canada, la tuberculose continue de se propager insidieusement. L’épidémiologiste et économiste de la santé Alice Zwerling, professeure adjointe à l’École d’épidémiologie et de santé publique de la Faculté de médecine, lutte contre une marée qui a pris de l’ampleur cette année : la COVID a fait fuir les gens des établissements de santé et a provoqué un recul de plus d’une décennie des progrès réalisés dans la lutte contre la tuberculose.

La tuberculose et l’humain, ça remonte à loin. Les scientifiques ont trouvé des bactéries tuberculeuses dans des momies égyptiennes et, au cours des dernières décennies (avant que la pandémie de COVID-19 ne nous frappe de plein fouet), elle était devenue la première cause de mortalité par maladie infectieuse, 1,4 million de décès étant attribués soit à la tuberculose seule, soit à la combinaison dévastatrice de la tuberculose et du VIH. Bien que de grands progrès aient été réalisés dans la prévention et le traitement d’autres maladies affectant l’humain depuis longtemps comme, par exemple, le paludisme, il n’existe ni diagnostic rapide ni traitement de courte durée contre la tuberculose.

Cela s’explique par la latence particulière de la tuberculose. Environ un tiers de la population mondiale porte en elle une infection tuberculeuse latente qui ne se manifestera probablement jamais par des symptômes. Pour les chercheurs, cela signifie qu’il faut essayer de comprendre les quelque deux milliards et demi de personnes qui ont le potentiel de développer la tuberculose au cours des 80 prochaines années environ, même s’ils ne rencontrent plus jamais personne atteint de tuberculose.

Les travaux de la Dre Zwerling ont une portée nationale et internationale. Au Canada, son équipe étudie le rapport coût-efficacité des interventions au Nunavut, où le gouvernement s’efforce de résoudre l’un des problèmes de tuberculose les plus complexes du pays. Ils poursuivent une voie que l’OMS a récemment reconnue comme le meilleur espoir d’élimination de la tuberculose : le traitement préventif.

L’objectif est d’empêcher la tuberculose latente de devenir active, et donc à la fois dangereuse pour l’hôte et contagieuse. Les bénéfices d’une telle approche se feraient sentir pendant des décennies. L’équipe de la Dre Zwerling a étudié un régime de prévention qui ne nécessiterait que 12 visites dans une clinique de santé au lieu des plus de 100 visites quotidiennes nécessaires dans les programmes de prévention standards.

La tuberculose est une maladie souvent associée à la pauvreté, en grande partie parce que la différence entre un cas latent et un cas actif se résume souvent à l’état du système immunitaire. Les populations vulnérables qui présentent des taux élevés de tabagisme, de diabète, de malnutrition ou de VIH sont plus susceptibles de développer une maladie active.

« En règle générale, un individu immunocompétent n’a qu’un risque de 5 à 10 % de développer une tuberculose active au cours de sa vie, mais chez les personnes immunodéprimées, comme celles atteintes du VIH, par exemple, ce risque augmente considérablement pour atteindre un risque annuel de 5 à 10 % », explique la Dre Zwerling. « De plus, il n’existe pas de test de référence ou de test précis pour l’infection tuberculeuse latente. Nous disposons de bien meilleurs diagnostics pour la COVID, par exemple. »

Dans le cadre de son travail sur la santé mondiale, en plus de collaborer avec des groupes de l’OMS à l’élaboration de lignes directrices et d’examens systématiques, l’équipe de la Dre Zwerling participe à une collaboration internationale portant sur le traitement préventif des enfants et des adolescents atteints du VIH dans cinq pays africains où la tuberculose est endémique.

« Bien que le projet plus vaste soit un essai randomisé en grappes, mon équipe à l’Université d’Ottawa dirige l’évaluation économique de ce projet, en essayant de comprendre le coût et le rapport coût-efficacité de la fourniture de ces régimes et du traitement préventif à des populations plus importantes en Afrique », explique la Dre Zwerling.

Les évaluations économiques constituent un élément essentiel, car les programmes de recherche, de traitement et de prévention de la tuberculose sont à court de ressources et les investissements nécessaires sont considérables. Si l’équipe de la Dre Zwerling peut démontrer les avantages d’une réduction de la transmission et de l’incidence, les gouvernements et autres décideurs pourront justifier ces dépenses.

« Nous disposons de ressources tellement limitées dans le domaine de la tuberculose que nous avons l’obligation d’utiliser ces ressources à bon escient », déclare la Dre Zwerling. « Il n’y a tout simplement aucune excuse pour gaspiller ».

 

 

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