De Catherine Gnyra
Rédactrice invitée spéciale
Pour bien des gens, le mot « scientifique » évoque une personne au visage sévère et impénétrable qui travaille en solitaire dans les profondeurs d’un laboratoire.
Bien que ce puisse être vrai pour certains scientifiques, le Dr Jean-François Couture, ou simplement « J.-F. » pour les intimes, fait voler en éclat ce stéréotype par sa personnalité empathique et son enthousiasme contagieux. Avec une passion dans son cœur, le Dr Couture cherche à trouver un traitement pour la leucémie infantile grâce à la biologie structurale, une approche prometteuse dans la lutte contre cette forme virulente de cancer.
Située au carrefour de la biologie, de la chimie et de la physique, la biologie structurale s’intéresse aux structures moléculaires et à leurs interactions. L’équipe de Jean-François Couture utilise les rayons X pour mettre en lumière les interactions entre les protéines et l’ADN. La façon dont une protéine cristallisée diffracte (fait dévier) un faisceau de rayons X en dit long sur la structure moléculaire de cette protéine. « Une protéine est un univers en soi où se déroulent des millions d’interactions », explique le chercheur, les yeux pétillants. Les composants de la protéine, poursuit-il, sont éparpillés dans l’espace, mais quand même liés les uns aux autres, un peu comme les étoiles d’une constellation. Une fois que l’on connaît les détails structuraux d’une protéine, on peut prédire comment elle interagira avec d’autres molécules, comme l’ADN, à l’échelle atomique. On peut ainsi savoir exactement où et comment cette « constellation » s’insère dans la « galaxie ».
Les protéines interagissent avec l’ADN en activant ou en désactivant certains gènes. Une mutation peut entraîner le dérèglement de ce processus et causer l’apparition de la maladie. Les recherches au laboratoire de Jean-François Couture portent principalement sur la protéine MLL (mixed-lineage leukemia ou leucémie de lignée mixte), dont la mutation cause 70 % des cas de leucémies chez l’enfant. La forme mutante de la MLL active des gènes des cellules sanguines qui ne sont normalement actifs qu’au stade du développement fœtal. Le corps se met alors à produire des cellules sanguines cancéreuses, définition même de la leucémie. Le Dr Couture se rend régulièrement aux hôpitaux pour y rencontrer des enfants leucémiques et leurs parents. « J’ai vu des parents dont le bébé de trois mois n’avait plus qu’un mois à vivre tellement la leucémie était virulente », dit-il gravement. Lui-même père de deux jeunes enfants, il poursuit ses recherches sur les interactions entre la MLL, l’ADN et d’autres protéines impliquées dans la leucémie dans l’espoir d’ouvrir la voie à un médicament qui pourrait bloquer les interactions anormales et guérir cette terrible maladie.
Profondément passionné par ses recherches, Jean-François Couture tient tout autant à son équipe avec qui il les mène. Lorsqu’on lui demande quel aspect de son travail lui plaît le plus, il mentionne la joie de voir ses étudiants apprendre et faire leurs propres découvertes. « Il n’y a rien de tel que de voir la fierté dans leur regard », dit-il. Lui-même adore enseigner et dit éprouver un vif plaisir chaque fois qu’il entre dans une salle de classe et qu’il commence à interagir avec les étudiants. « C’est vraiment plaisant, vraiment cool », dit-il.
Le chercheur se distingue aussi par sa capacité de diriger un laboratoire productif — avec tout le travail et le stress que cela comporte — sans sacrifier sa vie de famille. Il se dit redevable envers ses mentors, qui l’ont encouragé dans cette quête d’équilibre. « Les chercheurs sont parfois un peu déconnectés du monde réel », dit-il à la blague, « mais mes superviseurs étaient de vrais gentlemen », c’est-à-dire des gens qui traitaient leurs employés comme des personnes, et non comme des projets.
Toutefois, même un chercheur équilibré qui carbure à la passion rencontrera nécessairement quelques obstacles sur sa route. Des essais cliniques de phase III sont en cours pour évaluer un médicament qui pourrait bloquer les interactions entre la MLL et l’ADN à l’origine de la leucémie. Toutefois, un tel médicament ne pourrait combattre qu’un sous-type bien précis de leucémie chez l’enfant. C’est pourquoi Jean-François Couture continue de chercher une meilleure façon de bloquer ces interactions dans le but d’éradiquer cette forme de cancer une fois pour toutes. Invité à expliquer l’importance de son travail, il conclut : « Tenons-nous là une façon de guérir les gens? Oui, absolument. C’est ce qui compte le plus.»