Le Dr Hawre Jalal, chercheur émérite spécialiste du fléau des surdoses en Amérique du Nord, intègre la Faculté de médecine

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Le Dr Jalal, qui est devenu professeur agrégé à l’Université d’Ottawa cette année, se spécialise dans la recherche d’informations essentielles sur l’épidémie de surdoses qui sévit d’un océan à l’autre en Amérique du Nord.
Dr. Hawre Jalal

« « J’aime emprunter des méthodes à diverses disciplines pour répondre à des questions de santé publique. J’aime également travailler avec de grands ensembles de données et effectuer bon nombre de mes... »

Dr Hawre Jalal

Par David McFadden
Rédacteur scientifique

On ne saurait trop insister sur la souffrance causée par l’épidémie de surdoses qui sévit d’un océan à l’autre en Amérique du Nord. Sous l’effet du fléau des opioïdes synthétiques et de la méthamphétamine, les taux de mortalité par surdose continuent de grimper en flèche. Les effets sont destructeurs pour de nombreuses familles et systèmes de santé.

Le Dr Hawre Jalal, médecin de profession et chercheur en services de santé de formation, s’est spécialisé dans l’extraction d’informations essentielles sur ce problème de santé publique urgent.

Plus récent membre du corps professoral de l’École d’épidémiologie et de santé publique de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, le Dr Jalal était jusqu’à tout récemment professeur adjoint à l’Université de Pittsburgh, où il a dirigé la rédaction d’un article de recherche marquant qui a analysé près de quatre décennies de données sur les surdoses aux États-Unis et qui fait l’objet d’une rubrique spéciale dans la revue International Journal of Drug Policy de juin. Avant cela, il était stagiaire postdoctoral à l’Université de Stanford.

Le Dr Jalal nous évoque ses recherches universitaires et ses ambitions concernant son travail auprès de la Faculté de médecine.

Vous avez effectué un travail important et publié de nombreux articles dans des revues à fort impact dans le cadre de votre poste précédent à l’Université de Pittsburgh. Parlez-nous de certains axes de recherche que vous envisagez à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. Outre les considérations d’échelle, relevez-vous des différences notables entre la nature des problèmes de dépendance et de surdose au Canada et aux États-Unis?

J’ai l’intention d’étudier les facteurs qui alimentent l’épidémie de drogues et d’opioïdes en Amérique du Nord. Étant donné qu’il est de plus en plus difficile de contrôler les drogues fabriquées illicitement, je ne crois pas que les facteurs de l’épidémie de drogues moderne au Canada, aux États-Unis ou au Mexique puissent être étudiés en vase clos. Cela est particulièrement vrai depuis le passage de l’approvisionnement du marché illicite des opioïdes d’origine végétale (p. ex., l’héroïne) aux opioïdes synthétiques moins chers et plus puissants (p. ex., le fentanyl) qui sont aujourd’hui responsables de la majorité des décès au Canada et aux États-Unis.

Compte tenu de la proximité géographique du Canada et des États-Unis, il n’est pas surprenant que les taux de décès par surdose soient similaires entre les deux pays. Par exemple, au cours de la première année de la pandémie de COVID-19 (avril 2020 à mars 2021), le taux de décès par surdose d’opioïdes au Canada était de 19 pour 100 000 personnes, tandis qu’aux États-Unis, il n’était que légèrement supérieur, soit de 23 pour 100 000. Ce qui est frappant, c’est que le taux de décès par surdose a presque doublé au Canada par rapport à l’année précédant la pandémie, alors qu’il n’a augmenté que de 37 % aux États-Unis. On ne connaît pas les facteurs à l’origine de cette augmentation plus importante des surdoses au Canada qu’aux États-Unis.

Les effets disproportionnés de l’épidémie sur certaines populations à risque constituent un sujet d’intérêt particulier. Aux États-Unis, le taux de troubles liés à la consommation de substances et de surdoses est plus élevé chez les Autochtones, mais l’impact réel est largement sous-estimé, principalement en raison de la structure du système de santé américain. De même, au Canada, les membres des Premières Nations sont touchés de manière disproportionnée, le risque de mourir d’opioïdes étant presque trois fois plus élevé que chez leurs voisins. Je suis particulièrement intéressé par l’étude de ces disparités.

Quel est pour vous le résultat le plus surprenant de vos travaux de recherche jusqu’à présent?

Je pense que la découverte la plus surprenante est de loin la croissance exponentielle quasi parfaite des surdoses aux États-Unis depuis plus de quatre décennies, indépendamment de toute drogue ou politique particulière qui pourrait avoir une incidence sur les décès par surdose sur une courte période. Il n’existe qu’une poignée de modèles qui suivent des tendances exponentielles similaires, notamment la loi de Moore pour l’augmentation de la vitesse des processeurs informatiques, la croissance bactérienne et la réaction nucléaire. Pour la plupart d’entre eux, nous avons une bonne compréhension des forces motrices en jeu. Cependant, pour l’épidémie de drogues et d’opioïdes, nous ne le savons tout simplement pas, comme on peut le lire dans la rubrique spéciale de la revue International Journal on Drug Policy.

Pouvez-vous nous parler des répercussions que la pandémie de COVID-19 semble avoir sur l’épidémie de surdoses mortelles, en particulier sur les drogues de synthèse?

Au début de la pandémie de COVID-19, les experts étaient très inquiets de l’impact de cette maladie sur les personnes souffrant de troubles liés aux opioïdes et à la consommation de substances pour de nombreuses raisons, notamment l’isolement social, l’accès réduit aux traitements, et l’impact économique de la pandémie. Malheureusement, nombre de ces inquiétudes s’avèrent aujourd’hui justifiées, puisque les décès par surdose ont doublé au Canada et augmenté de 37 % aux États-Unis, au-delà de la croissance exponentielle à long terme. J’ai étudié en profondeur les modèles de la COVID-19 depuis le début de la pandémie. Je prévois d’explorer cette « collision » à mesure que les données sur l’épidémie de drogues commencent à être disponibles. Pour l’instant, il est trop tôt pour juger si l’impact de la COVID-19 sur la consommation de substances est de court terme ou s’il durera longtemps après la pandémie.

Vos recherches ont montré que l’épidémie de surdoses n’est pas un phénomène nouveau, et l’impact de la crise actuelle des opioïdes est largement connu. Pourquoi les politiques en matière de drogues en Amérique du Nord ne parviennent-elles toujours pas à combattre efficacement ce phénomène dévastateur?

Il est important de comprendre que les marchés de la drogue sont très dynamiques et que de nouvelles drogues de synthèse sont constamment développées. Ces drogues de synthèse représentent un défi considérable pour les politiques traditionnelles de contrôle des drogues. Elles sont moins chères, plus faciles à dissimuler et plus faciles à synthétiser que les drogues d’origine végétale.

De plus, la plupart de nos politiques ont été axées sur les interventions médicales, mettant l’accent sur l’amélioration de l’accès aux traitements et la disponibilité des moyens d’inversion des surdoses (p. ex., Naloxone). Bien que ces interventions soient très importantes, leur ampleur pourrait ne pas être suffisante pour freiner la courbe de croissance. Il faut bien sûr tout mettre en œuvre pour améliorer l’accès aux traitements, mais nous devons également comprendre qu’il est peu probable qu’une augmentation marginale modifie la trajectoire de l’épidémie de drogues et de surdoses. La plupart des traitements ciblés et les médicaments d’inversion de surdose ne peuvent fonctionner que contre les opioïdes. Nous n’avons actuellement aucune option réelle pour le traitement ou l’inversion d’autres drogues telles que la méthamphétamine.

De plus, les producteurs de drogues de synthèse illicites parviennent mieux à échapper aux politiques de contrôle, car, contrairement aux drogues d’origine végétale, les drogues de synthèse sont beaucoup plus faciles à produire dans de petits espaces avec seulement une poignée de chimistes que dans de grands champs pour les drogues d’origine végétale. Tous ces facteurs font qu’il est particulièrement difficile de lutter contre l’épidémie de drogues en utilisant les approches traditionnelles.

Souhaitez-vous en dire plus à votre sujet pour que la communauté de l’Université d’Ottawa vous connaisse mieux?

J’ai acquis un large éventail d’expertise dans divers domaines, notamment les évaluations économiques de la santé, les sciences de la décision et la recherche opérationnelle. J’aime emprunter des méthodes à diverses disciplines pour répondre à des questions de santé publique. J’aime également travailler avec de grands ensembles de données et effectuer bon nombre de mes analyses sur des données brutes afin de révéler des modèles inconnus auparavant. J’ai collaboré avec de nombreux organismes canadiens alors que j’étais encore aux États-Unis, et j’ai hâte d’élargir mon réseau à l’Université d’Ottawa. Je crois que l’Université d’Ottawa jouit d’une situation stratégique de choix. Elle peut ainsi influencer les politiques et les décisions sur des questions importantes de santé publique, comme l’épidémie de drogues et la COVID-19.


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