Pour le Dr Jason Frank, la joie du travail passe par le patient qui se trouve devant soi

Faculté de médecine
Photo de Dr Jason Frank
« L’idée de servir la communauté met de la couleur dans tout ce que je fais », dit l’éducateur clinicien.

Par Michelle Read
Rédactrice

Les rangées de livres du sol au plafond derrière le Dr Jason Frank sont très révélatrices.

« L’éducation est très importante ici », déclare le Dr Frank, père de quatre enfants, s’exprimant par téléconférence depuis son domicile à Ottawa.

Pendant son enfance dans le Nord ontarien, le Dr Frank n’aurait pu imaginer qu’il deviendrait un leader national dans le domaine de l’éducation médicale, exerçant une influence sur des millions de personnes dans le monde. À l’époque, il savait toutefois qu’il aimait les gens et la science, et devait faire une heure de bus chaque jour pour se rendre à l’école.

Ses voyages l’ont mené dans le sud de la province, puis à l’Université d’Ottawa. Il est entré à la Faculté de médecine dans les années 90, à une époque où, selon lui, les enseignants de la Faculté de médecine se posaient de grandes questions sur l’éducation des apprenants.

Le président des étudiants de première année s’est retrouvé à fouiller dans la bibliothèque pour trouver des réponses et des idées sur la façon d’adapter l’apprentissage des stagiaires de sorte à mieux répondre aux besoins de la communauté.

« J’ai été largement influencé par un mouvement en Ontario visant à réorienter la médecine en fonction des besoins de la société », dit-il. « Et vraiment, l’idée de servir la communauté a été le moteur de tout ce que j’ai fait depuis ».

Adapter les compétences des médecins aux besoins du public

Pour payer ses études de maîtrise en éducation, il avait trouvé un travail de recherche complémentaire au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (CRMCC). Mais il a fini par diriger un projet qui allait bientôt influencer des millions d’apprenants et le propulser vers une renommée mondiale.

Ce petit projet était CanMEDS : un cadre transformateur de l’éducation médicale maintenant utilisé partout dans le monde. Plutôt que de mesurer l’apprentissage en fonction du temps passé en stage, comme cela se fait depuis plus de 100 ans, le Dr Frank et ses nombreux coauteurs ont proposé une approche axée sur la démonstration des compétences essentielles des médecins.

« L’éducation médicale devrait produire des professionnels de la santé qui sont là pour servir le public – et leurs compétences doivent donc correspondre aux besoins », explique le Dr Frank, aujourd’hui professeur agrégé et directeur de la recherche et du développement pédagogique au Département de médecine d’urgence de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa.

Changer les choses grâce à un positionnement de niche

Cette année, l’Association pour l’enseignement médical en Europe (AEME) a remis au Dr Frank le prix Ian R. Hart pour l’innovation en éducation médicale, l’un des trois grands prix internationaux dans ce domaine. Ce prix est l’aboutissement de plus de 30 ans de dévouement à l’éducation médicale fondée sur les compétences, qui a commencé avec son travail sur CanMEDS.

« Alors que j’étais un jeune étudiant en médecine cherchant à apporter ma contribution, je me suis entouré de mentors comme Jeff Turnbull, John Seely et Ian Hart, qui ont consacré leur vie à faire en sorte que les médecins répondent aux besoins des populations », explique le Dr Frank. « J’ai absorbé avec enthousiasme leur sagesse ». Changer un grand système comme l’éducation médicale, c’est comme faire tourner le Titanic, dit-il, mais il encourage les gens à trouver la motivation intrinsèque de rendre le monde meilleur, ne serait-ce que d’un pouce.

« Les grands changements sont le fruit de nombreux petits pas, et on éprouve de la satisfaction à observer les petites améliorations », dit-il.

Le Dr Frank, à son tour, inspire une passion aux autres. « Nous avons fait une présentation ensemble au Chili il y a plusieurs années », déclare le Dr Marcio Gomes, professeur agrégé au Département de médecine et lui-même éducateur clinicien. « Il rayonnait de calme et de générosité, ce qui a renforcé ma confiance, et j’ai tout de suite su que je voulais poursuivre mon parcours dans le domaine de la formation médicale à ses côtés ».

Terrain d’essai d’une pandémie

Rien ne met plus à l’épreuve la compétence d’un apprenant en médecine qu’une pandémie, ce que le Dr Frank apprécie en tant que éducateur clinicien et directeur des normes, de la formation et des stratégies d’éducation spécialisée au CRMCC.

« Nous avons décidé que les résidents devaient être exposés au travail en temps de pandémie afin de développer les compétences nécessaires pour exercer leur profession en toute sécurité dans les années à venir et pour être en mesure de servir les Canadiens lorsque la prochaine pandémie frappera », explique le Dr Frank, également urgentologue à L’Hôpital d’Ottawa.

En tant que directeur adjoint de son département clinique, il a joué un rôle clé dans la coordination des enseignants, des cliniciens et des administrateurs pour réorganiser la formation relativement à la COVID-19. « Il s’agissait de trouver des façons innovantes de faire les choses », dit-il.

Le Dr Frank est d’avis que la COVID-19 nous a donné un aperçu de l’avenir de l’éducation médicale.

« Nos étudiants et nos résidents utiliseront l’ÉPI, et seront conscients des maladies infectieuses comme jamais auparavant », dit-il. « Ils seront habitués à l’enseignement virtuel et beaucoup plus ouverts aux autres méthodes d’enseignement de qualité – je pense que ces outils sont ici pour durer ».

Évangile du service

Actif sur Twitter, le Dr Frank se décrit comme « tout ce qui concerne #MedEd » et compte 10 600 abonnés. Il se consacre à la diffusion de l’évangile du service aux autres, non seulement dans ses enseignements, mais aussi dans l’éducation de ses fils. « Ce sont de bons jeunes hommes, et il m’arrive souvent de leur demander ce qu’ils ont fait pour les autres dans leur journée ».

Lorsqu’il se penche sur sa carrière, le Dr Frank dit qu’il aimerait croire qu’il a un peu fait bouger les choses. Hautement récompensé, il reste humble et privilégie la satisfaction à la reconnaissance.

« La médecine est un privilège, et servir les autres est la raison pour laquelle nous sommes ici », observe-t-il. « La joie du travail passe par le patient qui se trouve devant nous ».

 

Photo principale : Le Dr Jason Frank s’exprime lors de la remise des prix et du dîner des diplômés du Département de médecine d’urgence au Westin Ottawa en juin 2019. Crédit photo : Département de médecine d'urgence

Photo de Dr Jason Frank
Le Dr Frank se voit remettre un prix par une femme