À l’Hôpital Montfort, les premiers travailleurs à contracter la COVID-19 n’étaient ni des médecins ni des infirmières, mais bien des employés des services de nettoyage.
« Cela m’a mis la puce à l’oreille, » rapporte la Dre Marie-Hélène Chomienne, professeure adjointe en médecine familiale à l’Université d’Ottawa et médecin en milieu hospitalier à l’Hôpital Montfort.
« Cela m’a fait apprécier à quel point ces travailleurs sont réellement au front. Leur travail passe souvent inaperçu et pourtant ils ont un rôle si important à jouer pour assurer notre sécurité durant cette pandémie et combattre l’infection. Nous devrions examiner de plus près la façon dont ils composent avec le stress qu’ajoute la COVID-19. »
La Dre Chomienne figure parmi les trois chercheurs principaux au sein d’une équipe multidisciplinaire de six personnes, qui a reçu une subvention de 199 028 $ des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) pour étudier le bien-être psychologique du personnel des services de nettoyage des hôpitaux canadiens, aussi appelés employés des services environnementaux, durant la pandémie de COVID-19. Ensemble, les scientifiques de l’Université d’Ottawa et des instituts de recherche associés ont reçu six subventions totalisant plus d’un million de dollars dans le cadre de l’initiative de financement sur la santé mentale et la COVID-19 des IRSC.
Les employés des services environnementaux forment un groupe vulnérable de travailleurs, qui travaillent d’arrache-pied pour des salaires relativement bas et occupent des emplois qui sont souvent sous-estimés, malgré le fait qu’ils sont à risque élevé d’une infection, rapportait la Dre Chomienne. Elle espère que les résultats de l’étude permettront de reconnaître leur rôle à titre de membres essentiels de l’équipe de soins et mèneront à des changements dans les lieux de travail qui seront avantageux tant pour eux que pour les patients. À cette fin, l’équipe de recherche travaille en collaboration avec le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) et l’Hôpital Montfort, ainsi que l’association de l’industrie SoinsSantéCAN et l’organisation de gestion des risques Healthcare Insurance Reciprocal of Canada.
« Il faut que la recherche amène un changement transformateur », rapporte la Dre Chomienne qui est aussi chercheuse à l’Institut du Savoir Montfort et au Centre de recherche C.T. Lamont en soins de santé primaires. « Bien que nous puissions approfondir nos connaissances dans le cadre d’une étude, si l’on n’agit pas pour promouvoir le changement, en tant que clinicienne, j’estime que notre recherche a alors beaucoup moins d’importance. »
Dans le cadre de l’étude, l’équipe enverra des questionnaires en ligne au personnel des services environnementaux des hôpitaux à travers le Canada. Ce sont des questionnaires normalisés qui sont couramment utilisés pour l’administration de tests psychologiques visant à évaluer les sentiments d’anxiété, de dépression, de détresse et d’insomnie. Les tests ont été utilisés dans le cadre d’études similaires, auprès de populations différentes, au début de la pandémie de COVID-19. De plus, les personnes interrogées devront répondre au questionnaire Koh, qui évaluera leur perception du risque à contracter le virus et son impact sur leur travail et leur vie personnelle. Le questionnaire a été développé durant l’épidémie de SRAS de 2002-2003, et administré à cette époque à des milliers de travailleurs de la santé de Singapour et Toronto. La Dre Chomienne s’attend à ce que plus de 3 000 travailleurs participent au sondage.
En plus du sondage en ligne, l’équipe planifie organiser plus d’une douzaine de séances de discussion en personne de quatre à six participants physiquement éloignés, afin de bien comprendre la pression qu’ils ont ressentie, la façon dont ils ont été appuyés par leur employeur et ce qui pourrait être amélioré.
Leanne MacMillan, directrice du service de la recherche, de l’évaluation des emplois et de la santé et sécurité au SCFP, a déclaré que les premiers jours de la pandémie (alors que nous avions très peu d’information au sujet du virus et qu’une pénurie d’ÉPI semblait imminente) avaient été particulièrement stressants pour le personnel des services de nettoyage. Même si les craintes se sont quelque peu dissipées, on appréhende toujours une deuxième vague.
Elle a indiqué qu’elle espère que l’étude de la Dre Chomienne se traduira par des mesures capables de répondre aux causes profondes des craintes des travailleurs, afin d’assurer des approvisionnements adéquats, une dotation en personnel, et la sécurité du revenu.
« On ne peut sous-estimer l’importance des tâches de nettoyage en établissement de soins de courte durée, particulièrement durant une pandémie », rapporte Mme MacMillan. « Les responsables du nettoyage sont des travailleurs spécialisés importants, et ils savent à quel point leur rôle est essentiel à la sécurité des patients, et à la santé et sécurité dans son ensemble. Je suis très heureuse que cette étude permette à ces employés de raconter leur histoire. »
En novembre, la Dre Chomienne a été nommée titulaire de la Chaire de recherche en francophonie internationale et santé de l’immigrant ou du réfugié d’Afrique francophone subsaharienne. La professeure Chomienne examinera l’état des connaissances sur la santé physique et mentale des immigrants et réfugiés qui vivent présentement en pays d’accueil francophone.