Un étudiant itinérant

Faculté de médecine
Faculté de médecine
Le Dr Robert Harris a pris deux ans de congé de ses études en médecine à la fin des années 1980 afin de voir le monde et gagner de l'expérience dans plusieurs milieux de soins de santé. Il raconte ses expériences dans cet extrait d'un essai publié dans Souvenirs - Faculté de médecine 1945-1995. 
Par Robert Harris
Rédacteur invité

Le Dr Robert Harris a pris deux ans de congé de ses études en médecine à la fin des années 1980 afin de voir le monde et gagner de l'expérience dans plusieurs milieux de soins de santé. Il raconte ses expériences dans cet extrait d'un essai publié dans Souvenirs - Faculté de médecine 1945-1995.

Tout a commencé après ma troisième année de médecine. Le 4 avril 1987, j’ai quitté le pays pour passer un mois à Oxford, en Angleterre, où j’ai pratiqué la médecine de réadaptation et participé à des soirées officielles au Green College et au Magdalen College. Au cours de l’une de ces soirées, j’ai rencontré un bioingénieur japonais qui m’a invité à manger des sushis chez lui. Pendant le repas, il m’a proposé de faire un stage à Sapporo, au Japon, et était prêt à tout organiser pour moi. Comment pouvais-je refuser? J’ai donc décidé de libérer mon horaire pour me rendre au Japon cette même année.

Puis je me suis rendu à Édimbourg, en Écosse, pour y pratiquer la médecine interne à la vénérable Royal Infirmary, qui a l’apparence d’un musée, où chaque ronde d’unité était une démonstration magistrale de l’art du diagnostic clinique au chevet du patient, et où les anecdotes du consultant amusaient les infirmières, les registraires, les médecins d’établissement, les étudiants et les patients dans les énormes salles de soixante lits. Un mois plus tard, je me suis rendu au City Hospital, le berceau de la médecine gériatrique. Mon intérêt pour les soins gériatriques a pris une nouvelle ampleur. Et j’ai acheté un chapeau Harris Tweed à l’île de Harris et Lewis.

Suivant de sages conseils, j’ai passé les deux mois suivants à parcourir l’Europe sac au dos. En traversant à Corfou, en Grèce, j’ai rencontré Vincent Wong, un enseignant de Hong Kong. Il a insisté pour que je visite sa ville natale. J’ai accepté. Mais une année commençait à paraître plutôt courte.

J’ai ensuite pris l’avion pour Le Caire et le bus pour Israël… J’ai fait six semaines de radiologie à l’hôpital Hadassah de Jérusalem. J’ai fait des voyages au mont Sinaï, sur le plateau du Golan. J’ai eu d’intenses discussions avec d’autres voyageurs inspirés par les événements impressionnants de l’histoire de la terre sainte.

Je suis retourné au Caire pour faire six semaines de chirurgie. J’ai vu des cas de choléra et de tétanos néonatal. Je partageais un appartement avec un missionnaire chrétien évangélique canadien clandestin qui apprenait l’arabe et lisait le Nouveau Testament dans sa langue grecque d’origine (les missionnaires non islamiques étaient interdits en Égypte). 

On m’a ensuite invité à faire un stage en Australie. Comme une année semblait trop courte pour tout visiter, j’ai prolongé mon séjour à l’étranger d’une autre année… La Faculté de médecine m’a alors informé que « tout échec dans ma dernière année ne pouvait être excusé par mon absence prolongée ». Ils ne pouvaient savoir que ces deux années allaient grandement contribuer à mes réussites futures.

Puis, j’ai pris un vol pour Madras, en Inde, le train pour le Christian Medical College de Vellore et j’ai réalisé un projet de recherche de trois mois sur la santé communautaire. Le salon des internes proposait la meilleure nourriture indienne que j’ai jamais goûtée. On y mangeait à volonté, mais avec les mains, bien sûr. J’ai ensuite passé deux semaines dans le sud, puis un mois au Bihar dans un hôpital missionnaire mennonite dirigé par un chirurgien britannique et deux médecins généralistes indiens, avant de voyager pendant deux mois dans le nord de l’Inde, au Népal, au Bangladesh, en Birmanie et en Thaïlande.

J’ai pris l’avion pour Hong Kong et ensuite pour le Japon. J’ai fait de l’autostop de Tokyo à Sapporo où j’ai fait deux mois d’orthopédie. Les sociétés pharmaceutiques offraient à leur personnel de délicieux mets à base d’anguille et de riz, plutôt que de la pizza et des beignes. Je me suis rendu au mont Fuji et à Hiroshima par le plus court trajet possible à bord d’un train à grande vitesse très dispendieux. J’ai rencontré une étudiante chinoise faisant une maîtrise en biologie à Sapporo. Devant rentrer chez elle, elle m’a proposé de me faire visiter la Chine. Comment refuser? Encore un changement d’itinéraire, et cinq semaines de train et de bateau un peu partout en Chine. 

Je suis ensuite allé en Thaïlande, en Malaisie et à Singapour, puis j’ai passé deux mois à pratiquer la pédiatrie à Melbourne, en Australie, où je suis tombé malade. Un professeur m’a emmené chez lui. Les étudiants que j’ai côtoyés sont devenus des soignants dévoués et de grands amis. Je ne les remercierai jamais assez. La nature humaine a de belles qualités. 

Je suis allé deux semaines en Nouvelle-Zélande avant de prendre un long vol jusqu’à Cali, en Colombie, pour rejoindre ma famille. Ce fut un Noël inoubliable. Puis j’ai fait quatre mois de médecine interne et d’urgence à l’hôpital gouvernemental très achalandé. Ce sont les meilleurs enseignants, parce qu’ils incitent à apprendre vite, afin que nous puissions rapidement les aider. Drainage thoracique, traitement de blessures profondes à coups de machettes, paludisme cérébral, tuberculose ganglionnaire, anémie aplasique induite par le chloramphénicol et leur premier malade du sida… Ils sont tous morts pendant que j’étais là-bas.

En mai 1989, je suis finalement retourné à Ottawa pour ma quatrième année de médecine. J’ai obtenu mon diplôme de médecine en 1990. Contrairement à ce que craignait la Faculté, entre ma troisième et ma quatrième année, je suis monté de quarante positions au rang de ma cohorte.

Lorsqu’une collègue est venue me voir à Vellore en 1989, sa première réaction a été de me dire « Rob, tu as l’air normal ». Je suppose qu’à la maison, ils m’imaginaient comme un hippie barbu fumant de l’herbe. Le message que je souhaite partager est le suivant : N’ayez pas peur des détours, car ils pourraient vous mener à une meilleure destination. Allez-y. Dieu vous accompagnera. N’ayez pas de regret.

 

Robert Harris assis dans un rickshaw bicyclette
Robert Harris porte un tux et se tient a cote d'un véhicule avec ses parents
Robert Harris et sa fiancée
Dr. Robert Harris portant la PPE