Par Michelle Read
Rédactrice
En mars dernier, lorsque Jenny Daccache et ses collègues du programme de médecine de l’Université d’Ottawa ont dû interrompre leur externat et rentrer à la maison en raison de la pandémie de COVID-19, ils ont été nombreux à ressentir le besoin de mettre la main à la pâte pour aider la communauté à traverser la crise.
Aujourd’hui, quatre mois plus tard, Jenny et ses collègues ont aidé des dizaines de familles de la communauté à surmonter les difficultés occasionnées par la pandémie – tissant ainsi des liens et développant des compétences précieuses en cours de route.
Le Carrefour de pédiatrie sociale de Vanier, affilié au Centre de services communautaires de Vanier, offre des services sociaux et sanitaires intégrés aux enfants, aux jeunes et aux familles de la communauté qui vivent dans des conditions socioéconomiques vulnérables. Lorsque le virus a frappé, la Dre Sue Bennett, professeure en pédiatrie à l’Université d’Ottawa, pédiatre au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario et codirectrice médicale au Carrefour, a fait appel à Jenny.
Les membres de l’équipe, dont Vicki Roy, travailleuse sociale au Carrefour, se sont affairés à communiquer avec les familles de la communauté pour évaluer leurs besoins et les rassurer que les services offerts par le Carrefour n’étaient pas interrompus malgré la fermeture physique des lieux.
« Nous nous sommes rapidement rendu compte que les appels téléphoniques ne nous permettaient pas réellement de prendre le pouls de la situation que vivaient les enfants et les familles. Il nous fallait faire des visites en personne », affirme Jenny. « De plus, presque toutes les familles avaient un besoin urgent de nourriture ».
Le confinement ne fait qu’accentuer l’isolement des familles
Les familles desservies par le Carrefour étaient déjà isolées socialement, explique la Dre Bennett, mais la COVID a amené la distanciation sociale, les fermetures d’écoles entraînant la perte d’amitiés et de soutien (notamment le programme des petits déjeuners), des attentes en matière d’apprentissage et de soins des enfants à temps plein, et des défis économiques liés au chômage.
« Ce sont des facteurs de stress supplémentaires pour les familles déjà mises à dure épreuve », mentionne la Dre Bennett.
Le mandat de Jenny était de trouver une façon de desservir les familles en utilisant les ressources limitées du Carrefour. C’est alors que l’initiative MoreThanJustSoup, dirigée par des étudiants, a vu le jour et Jenny a appelé ses collègues pour qu’ils lui prêtent main-forte. Ainsi, quatorze étudiants de la Faculté de médecine* se sont joints à elle et à la Dre Bennett pour offrir nourriture et soutien à près 50 familles inscrites au programme.
Les services étaient offerts en anglais, en français et en arabe, et les étudiants rendaient visite chaque semaine aux familles qui leur avaient été attribuées et leur apportaient de la nourriture, des jouets et des ressources en matière d’éducation, de santé et de compétences parentales. Les visites permettaient aussi aux étudiants de déterminer les besoins et de coordonner les ressources d’apprentissage et de soins en collaboration avec des professionnels de la santé, des travailleurs sociaux, des écoles de la région, des banques alimentaires et d’autres intervenants dans la communauté.
« Nous avons gagné leur confiance et tissé des liens sincères », affirme Jenny. « Avec le temps, ils se sont sentis suffisamment à l’aise pour partager plus d’information et nous avons été en mesure de prodiguer de meilleurs soins aux enfants et aux parents ».
Bien que certaines familles se soient senties à l’aise pour discuter de leurs besoins et de partager leurs préoccupations sur le plan social, émotionnel et de la santé au téléphone, la plupart des familles ont préféré discuter en personne à leur porte en prenant soin de respecter les règles de distanciation physique. La Dre Bennett a supervisé le jumelage étudiant-famille, et les étudiants ont fait état de leurs rencontres après chaque visite à domicile.
Mobilisation de partenaires locaux
Métro, Gourmet Express (l’une des entreprises à vocation sociale du Carrefour), la banque alimentaire, les restaurants de la région, et le Programme des petits déjeuners d’Ottawa ont tous fait don de denrées pour les familles du Carrefour. De plus, la Dre Alison Krentel, professeure adjointe à l’École d’épidémiologie et de santé publique, et la Dre Vivien Runnels de la Faculté des sciences sociales ont organisé l’initiative Bundle of Hope pour recueillir des fonds et préparer des trousses d’activités et de jouets adaptés au niveau de développement, d’articles ménagers essentiels et de cartes-cadeaux d’épicerie à l’intention des familles.
Jenny mentionne que les étudiants ont également fait don de leur propre argent pour acheter des cadeaux et des collations pour les enfants. « Ils se sont tous attachés à leurs familles », ajoute-t-elle.
Poursuivre les soins
Avec le déconfinement de la province, les étudiants en médecine ont repris leur externat dans les hôpitaux, et le projet se poursuivra au cours de l’été avec un deuxième groupe d’étudiants pré-clinique. La Dre Bennett examine actuellement la façon dont les étudiants pourraient soutenir les familles par le biais de placements futurs en services communautaires au Carrefour.
« Les restrictions amenées par la COVID ont créé un besoin urgent de services de santé et sociaux et se sont soldées par une merveilleuse collaboration entre les étudiants et les membres du corps professoral », mentionne la Dre Bennett. « Les étudiants ont été témoin de l’impact des déterminants sociaux sur la santé et le bien-être des enfants, des jeunes et des familles, et ont pu reconnaître l’importance de la responsabilité sociale et de la justice sociale dans leur travail à titre de professionnels de la santé. J’ai été très impressionnée par les soins qu’ils ont prodigués avec compassion et empathie ».
« Nous sommes tous d’accord pour dire que nous avons été sensibilisés à la médecine sociale et avons acquis des habiletés en communication, qui ne sont pas aussi aisément acquises en milieu clinique », convient Jenny. Elle insiste sur la valeur ajoutée du travail au sein d’une équipe multidisciplinaire qui comprend une travailleuse sociale, une direction d’école et des enseignants, une banque alimentaire locale et des centres communautaires locaux pour prodiguer des soins aux patients.
« Ce fut un honneur pour nous de pouvoir participer à ce projet », affirme-t-elle. « Nous rendions visite aux familles chaque semaine et nous nous sommes réellement engagés dans leurs soins ».
« Lorsque l’externat a repris, il a été tout aussi difficile pour eux que pour nous de se quitter ».
*Sept étudiants de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa formaient l’équipe fondatrice de l’initiative MoreThanJustSoup, aux côtés de la Dre Sue Bennett : Jennifer Daccache, Julia Leblanc, Charlene Habibi, Michel Khoury, Claudia Meloche, Rana Kandel et Maude Le Bouthillier Shaughnessy.
Huit autres étudiants en médecine se sont joints à l’équipe : Linda Mardiros, Saaada Hussein, Marco Ragusa, Jordan Merkas, Jeanne Seguin, Dima Hage et Alyssa Gaerke de l'uOttawa, et Melinda Caputo Janhager de l'Université de Toronto.
Les dons sont toujours bienvenus à 'Bundle of Hope'.
Photo principale, de gauche à droite : Jennifer Daccache, Dre Susan Bennett, Julia LeBlanc, Vicki Roy (travailleuse sociale), Rana Kandel, Charlene Habibi, Esther Nyagi (directrice du Carrefour), Michel Khoury, Claudia Meloche.