Le microfinancement fonctionne aussi pour la recherche en santé.

Faculté de médecine
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La Dre Noni MacDonald, qui est depuis longtemps une voix respectée dans le domaine des maladies infectieuses et des vaccins pédiatriques, a fondé MicroResearch International pour aider les populations locales à devenir des chercheurs en Afrique et en Asie.

Par Jessica Sinclair
Rédactrice scientifique

« Je fais deux choses. Tous ceux qui me connaissent pour mes travaux sur les vaccins croient que c’est tout ce que je fais, et tous ceux qui me connaissent pour mes travaux en santé mondiale auprès de MicroResearch International croient eux aussi que c’est tout ce que je fais. Pourtant, je fais les deux » dit la Dre Noni MacDonald.

Elle porte aussi deux chapeaux à la Faculté de médecine : diplômée magna cum laude de la promotion de 1975, et membre du corps professoral pendant 18 ans, elle a fondé la Division des maladies infectieuses en 1981 et dirigé le Département des maladies infectieuses pédiatriques du CHEO. La Dre MacDonald est l’une de ces personnes pour lesquelles il serait impossible de faire mention de tous les prix, tous les honneurs et toutes les réalisations (même les plus importantes) dans un court profil. Entre autres, elle est officière de l’Ordre du Canada, fut la première femme à occuper le poste de doyenne d’une école de médecine canadienne et a été rédactrice en chef pour le journal de l’Association médicale canadienne (CMAJ).

En tant qu’experte de la vaccination, elle siège auprès de plusieurs organismes nationaux et internationaux pour guider la mise en œuvre des campagnes de vaccination contre la COVID-19 (voir l'encadré en marge).

Depuis qu’elle a cofondé MicroResearch International en 2008, la Dre MacDonald applique des principes éprouvés de microfinance à des initiatives de recherche en santé en Afrique et en Asie. Jusqu’à présent, l’organisme a formé plus de 1 100 membres de collectivités locales sur des méthodes de recherche visant à soutenir la recherche en santé qui intègre la dimension culturelle, et plus de 100 projets sont en cours.

« Certains de ces projets ont mené au changement des pratiques et politiques d’un pays parce que ces personnes comprennent beaucoup mieux que vous et moi la nature des problèmes auxquels ils sont confrontés, » rapporte la Dre MacDonald.

Les équipes issues de régions éloignées qui participent aux ateliers de MicroResearch et reçoivent l’encadrement bénéficient également du réseautage entre les participants. Dans un cas au moins, ces échanges entre participants ont mené à une découverte et une solution plutôt étonnantes dans le domaine de la survie des nouveau-nés. Le partage de connaissances entre des citoyens ougandais participant à deux volets de recherche soutenus par MicroResearch est à l’origine de cette collaboration.

La première équipe de recherche s’est penchée sur les pratiques culturelles traditionnelles entourant la grossesse, l’accouchement et les soins néonataux au sein des tribus Acholi dans le sud-ouest de l’Ouganda. En Ouganda, bien que près de 60 % des bébés naissent dans les villages plutôt que dans les hôpitaux, jusqu’à tout récemment la recherche se limitait principalement aux naissances en milieu hospitalier.  L’équipe a donc voulu combler cette lacune en recherche et comparer les pratiques locales aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Après s’être entretenus avec des accoucheuses, des mères, des grands-mères et des Aînés, les chercheurs ont laissé de côté certaines traditions comme celle d’éviter les cimetières pendant la grossesse et se sont concentrés sur des pratiques plus pertinentes en matière de santé. Bien que l’OMS recommande qu’on laisse sécher le cordon ombilical jusqu’à ce qu’il tombe, les naissances chez les acholi étaient accompagnées de rituels au cours desquels on plaçait des plantes et d’autres matières sur le cordon. L’équipe a publié deux études évaluées par des pairs portant sur ses conclusions.

Pendant ce temps, l’équipe du district de Luwero, situé au cœur du Ouganda, cherchait à établir les causes de décès néonataux chez les bébés nés ailleurs qu’en milieu hospitalier.  Ce fut une tâche considérable puisque les naissances n’étaient pas enregistrées avant que l’enfant atteigne l’âge de six mois, et les tabous dissuadaient les gens de parler de bébés décédés.

« Trois jours après la mort et l’enterrement d’un bébé, c’est tout comme s’il n’avait jamais existé, » rapporte la Dre MacDonald. « Personne n’aurait été à l’aise de nous parler, mais comme les membres de l’équipe MicroResearch sont originaires du district de Luwero district et parlaient la langue, ils sont parvenus à gagner la confiance de la communauté. »

Les habitants des villages ont discrètement organisé des rencontres entre les chercheurs et 72 femmes ayant perdu leur nourrisson dans son premier mois de vie au cours de la dernière année. Les chercheurs ont procédé à une autopsie verbale pour chercher à connaître les circonstances de ces décès et partagé leurs données avec trois pédiatres pour examen indépendant. Il fut établi que près de la moitié des bébés étaient décédés d’une septicémie liée au cordon ombilical.

Les deux équipes de recherche indépendantes ont discuté des résultats de leur recherche respective lors d’une des rencontres de MicroResearch et ont tiré des conclusions. Un ingrédient du mélange d’herbes frotté sur le cordon ombilical des bébés était à l’origine de la septicémie. Ils se sont réunis et ont déterminé qu’il était absolument nécessaire de travailler avec les organisateurs des rituels de naissance, plutôt que contre eux, si on souhaitait sauver des bébés. Puis, les chercheurs sont retournés au district de Luwero pour demander aux mères et aux Aînés s’ils accepteraient qu’un autre ingrédient soit utilisé dans le mélange d’herbes. La réponse a été « oui ».

Avec des preuves scientifiques en main, l’équipe s’est adressée au Ministère de la Santé du Ouganda. Le ministère, en collaboration avec la Fondation Aga Khan, a formé une société pharmaceutique sans but lucratif pour la fabrication d’un gel antiseptique à base de chlorhexidine.

« Ils ont donné au produit le nom d’Umbi-gel et ont commencé à l’inclure dans les trousses que se procurent les mères en préparation à la naissance de leur enfant. Le produit est maintenant exporté vers le Kenya et la Tanzanie », dit la Dre MacDonald. « Ce produit sauve des milliers de bébés. »

Des frais de 2 000 $ ont été déboursés pour chacun des projets.

 
La pandémie a des répercussions sur l’immunisation qui vont au-delà du vaccin contre la COVID

En 2014, la Dre Noni MacDonald a rédigé un rapport pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) portant sur l’hésitation à se faire vacciner, et ce rapport prend un sens encore plus important aujourd’hui alors que des chiffres démoralisants sont publiés quant au nombre de personnes qui n’ont pas l’intention de se faire vacciner contre la COVID. Elle siège actuellement auprès du groupe consultatif stratégique sur la vaccination de l’OMS, composé de 15 membres, et préside le Comité consultatif canadien d’experts sur la confiance dans les vaccins pour la COVID.

En tant que spécialiste des maladies infectieuses pédiatriques, la Dre MacDonald est particulièrement préoccupée par l’effet caché de la pandémie : les conséquences de la pandémie sur la vaccination systématique contre d’autres maladies graves. Dans les pays à faible revenu où le taux de mortalité lié à la rougeole est élevé, le retard dans la vaccination contre la rougeole est très préoccupant. Même au Canada, les programmes de vaccination ont échappé aux enfants en mars, avril et mai, et il n’y a pas encore de preuve pour confirmer que ce retard a été rattrapé.

« Il est très important pour les gens de comprendre que vous n’êtes pas en sécurité jusqu’à ce que votre famille soit en sécurité, votre communauté soit en sécurité, votre région soit en sécurité, votre province soit en sécurité, votre pays soit en sécurité et que tous les pays soient en sécurité. Les gens n’ont pas encore saisi cette réalité », dit la Dre MacDonald.
 

 

La Dre Noni MacDonald