Un texte de Jessica Sinclair
Rédactrice scientifique
Le test de marche de six minutes est une mesure validée et normalisée de la capacité d’exercice fonctionnel d’un patient. Il permet de mesurer la distance que celui-ci peut parcourir en six minutes et est largement utilisé dans tous les domaines, de l’insuffisance cardiaque à la dystrophie musculaire de Duchenne. Mais lorsqu’on demande l’avis de patients et de leurs familles, ils diront que ce test n’est peut-être pas la mesure la plus pertinente pour un garçon atteint d’une maladie neuromusculaire qui passera probablement une grande partie de sa vie en fauteuil roulant. Ils diront plutôt aux chercheurs que le fait de pouvoir utiliser leurs bras plus longtemps (pour écrire, jouer à des jeux vidéo, boire dans une tasse, etc.) est un aspect plus important pour eux.
C’est le genre de révélations qui, selon les Drs Beth Potter et Pranesh Chakraborty, se manifestent lorsque les patients sont des partenaires actifs de la recherche clinique. Financés par une subvention de quatre ans des IRSC, ils se lancent dans un projet de recherche sur les maladies rares appelé INFORM RARE qui leur permettra de créer et d’améliorer les registres de données cliniques longitudinales et de données rapportées par les patients, et d’utiliser ces registres comme base pour des essais cliniques randomisés. Le projet commence par trois essais cliniques axés sur les patients pour les enfants atteints d’amyotrophie spinale, de phénylcétonurie (PCU) et de mucopolysaccharidoses (MPS). L’équipe prévoit d’étendre ses travaux à d’autres maladies rares.
Le Dr Chakraborty est professeur agrégé au Département de pédiatrie de l’Université d’Ottawa, chercheur à l’Institut de recherche du Centre hospitalier pour enfants de l'est de l’Ontario (CHEO) et directeur médical de Dépistage néonatal Ontario. La Dre Potter est professeure agrégée à l’École d’épidémiologie et de santé publique (EESP) de l’Université d’Ottawa et chercheuse affiliée à l’Institut de recherche du CHEO. Les deux chercheurs travaillent ensemble depuis une quinzaine d’années, ayant créé ensemble en 2012, le Réseau canadien de recherche sur les maladies métaboliques héréditaires. Le réseau compte aujourd’hui plus de 50 chercheurs canadiens répartis sur 13 sites, qui suivent un groupe de 800 enfants atteints de maladies métaboliques héréditaires. La nouvelle subvention INFORM RARE élargit ce réseau et s’associe au Registre canadien des maladies neuromusculaires. Parmi les 60 chercheurs qui contribuent à INFORM RARE, plusieurs ont des affectations à l’Université d’Ottawa : les Drs Doug Coyle, Dean Fergusson, Michael Geraghty, Julian Little, Alex Mackenzie, Monica Taljaard, Kednapa Thavorn et Kumanan Wilson.
« Nous ne comprenons pas toujours aussi bien les maladies rares que les maladies courantes, leur histoire naturelle, ce qui complique la tâche consistant à déterminer si une intervention serait réellement utile », déclare la Dre Potter. « Il y a si peu de patients à étudier qu’il est souvent difficile de mener des essais cliniques fiables. »
Ces réponses sur l’efficacité des interventions sont cruciales, car elles permettent de déterminer si les médicaments et les traitements seront remboursés par les autorités sanitaires provinciales; si les traitements de physiothérapie seront intégrés au système de soins, et même; si les nouveau-nés feront l’objet d’un dépistage de la maladie.
« Il existe une importante réserve de médicaments et de thérapies géniques pour certaines de ces maladies », déclare le Dr Chakraborty. « Des politiques de santé seront définies, et lorsque les décideurs auront des questions, ils auront besoin de preuves pour savoir si ces traitements aident les patients et comment ils peuvent être utilisés de manière optimale. »
Au cœur du projet se trouve le programme d’engagement des patients dirigé par la co-chercheuse principale Maureen Smith et la Dre Potter. Ancienne enseignante et défenseure de longue date des droits des patients pour la Canadian Organization for Rare Disorders, Maureen Smith crée un pont entre les familles et les chercheurs pour s’assurer que les patients ont tout ce dont ils ont besoin pour participer pleinement en tant que conseillers au projet. Chaque essai clinique compte actuellement deux patients-conseillers qui apporteront leur point de vue sur des questions telles que l’engagement auprès des communautés de patients élargies, les résultats, les instruments de mesure et la participation aux registres. Les chercheurs prévoient d’intégrer jusqu’à 20 conseillers supplémentaires, puisque leur avis sur les prochaines étapes sera très utile.
Maureen Smith est elle-même atteinte d’une maladie rare, mais son rôle ici n’est pas de partager son expérience; ce rôle est assumé par les patients-conseillers. Néanmoins, cette expérience permet de faciliter la communication. Elle a remarqué, par exemple, que les chercheurs s’empêchent souvent de demander certaines choses par sensibilité, surtout dans une période difficile comme la présente pandémie. Pourtant, de très nombreux patients sont motivés et veulent contribuer autant que possible à la recherche de réponses.
« Je tente d’être transparente et de ne jamais supposer que quelqu’un ne veut pas faire quelque chose. Il faut toujours leur demander d’abord et ne pas faire de suppositions sur les patients », explique-t-elle. « Même s’ils sont débordés, ou qu’ils ont perdu certains de leurs services pendant la COVID, ils ont toujours le sentiment qu’il est important de s’impliquer dans cette recherche. »
Les membres du réseau INFORM RARE sont passionnés par leur travail novateur, et s’engagent pleinement dans des partenariats constructifs avec les patients afin d’assurer la pertinence de cette recherche pour les enfants et leurs familles.
Image: Le Dr Kumanan Wilson et Le Dr Pranesh Chakraborty