L’automutilation peut s’avérer socialement contagieuse chez les adolescents

Faculté de médecine
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Le Dr Ian Colman, épidémiologiste, estime que les adolescents sont plus susceptibles de s’automutiler lorsqu’ils connaissent une personne qui a posé ce geste.

Par Jessica Sinclair
Rédactrice scientifique

Une étude menée par le Dr Ian Colman, épidémiologiste à l’Université d’Ottawa suggère que l’automutilation non suicidaire (des comportements tels que s’automutiler sans intention suicidaire) peut être contagieuse chez les adolescents. Dans le cadre d’une étude ayant recours à des données recueillies en 2014 auprès de plus de 1 400 adolescents ontariens âgés de 14 à 17 ans, le Dr Colman et son équipe ont analysé les réponses à la question, « Est-ce que l’un de vos amis s’est déjà auto-infligé des blessures sans intention suicidaire? »

Lorsque la réponse à cette question était ‘Oui’, le répondant était deux à trois fois plus susceptible de répondre ‘Oui’ à la question cherchant à savoir s’il avait songé ou non, ou avait posé, le même geste. Des études antérieures sur l’incitation au suicide suggèrent que si l’exposition provient d’un ami intime ou d’un camarade de classe que l’adolescent ne connaît pas, l’effet est similaire. Les résultats sont d’un intérêt particulier, car en plus d’être un signe de détresse aiguë, l’automutilation non suicidaire est un indicateur d’un comportement suicidaire éventuel. Elle est également beaucoup plus répandue.

« L’automutilation non suicidaire est beaucoup plus fréquente que les tentatives de suicide (deux fois plus fréquente dans le cadre de la présente étude) et davantage plus fréquente que le décès par suicide, » indique le Dr Colman.

L’étude du Dr Colman s’appuie sur des recherches antérieures ayant montré que les adolescents qui sont exposés au suicide de leurs pairs sont deux fois plus susceptibles d’avoir un comportement suicidaire ou d’avoir des idées suicidaires que ceux qui n’y sont pas exposés. Ce genre de communication d’idéation et de comportement est une forme d’incitation, et les épidémiologistes peuvent suivre sa propagation tout comme les maladies transmissibles.

Sachant que le suicide est plus probable chez une personne qui a été exposée au suicide d’une autre personne, des mesures sociétales ont été mises en place afin de protéger les populations vulnérables contre l’exposition. Lorsque les médias respectent des directives volontaires visant à s’abstenir d’inclure le mot ‘suicide’ dans un titre, d’expliquer le mode de suicide utilisé par une personne, ou de définir une cause unique liée au suicide d’une personne (p.ex., intimidation), les communautés peuvent freiner les hausses soudaines de suicide qui accompagnent la couverture du suicide d’une personne.

Peut-être un peu moins évidentes sont les mesures qui peuvent ralentir ou protéger contre les comportements socialement contagieux chez les adolescents, qui sont susceptibles de communiquer librement entre eux, sans se reporter aux directives. Les conseils d’experts à cet égard demeurent les mêmes : discuter avec vos adolescents.

« Il existe une ferme conviction selon laquelle un parent qui discute de suicide avec son enfant peut contribuer à augmenter le risque de suicide ou d’automutilation. Pourtant, très peu d’éléments de preuve existent pour appuyer cette affirmation, » ajoute le Dr Colman.

Des conversations avec un adulte de confiance à l’écoute, sans menace de jugement, peuvent être utiles tout au long de l’adolescence, y compris pour une personne qui songe à s’automutiler.