Par Michelle Read
Chaque jour, les humains sont exposés à des milliers de substances chimiques. Plus préoccupant encore, la grande majorité de ces substances n’ont pas fait l’objet d’analyses approfondies pour définir les effets de ces dernières sur le corps humain.
À ce jour, plus de 85 millions de produits chimiques ont été synthétisés, 140 000 à l’échelle commerciale, et plus encore dans les produits naturels. Cependant, seulement 10 000 à 20 000 de ces produits ont fait l’objet de tests pour leur toxicité chez les humains. Compte tenu du nombre croissant de ces produits, nous nous devons de combler cette lacune.
Heureusement, un groupe d’experts en évaluation des risques, dirigé par Daniel Krewski, professeur à la Faculté de médecine, rapporte que la science a fait des « progrès substantiels » au cours de la dernière décennie quant à l’identification de méthodes plus efficaces et plus fiables pour déterminer la toxicité des produits, et notamment certaines qui ne dépendent pas d’essais sur les animaux.
En fait, les organismes gouvernementaux américains et internationaux commencent à incorporer les nouvelles méthodologies dans leur pratique réglementaire; la US Environmental Protection Agency a annoncé qu’elle « cesserait de mener ou de financer des études de toxicité sur les mammifères » d’ici 2035.
Le groupe international d’experts en évaluation des risques a fait état de ses progrès lors d’un bilan complet intitulé Toxicity testing in the twenty-first century: progress in the past decade and future perspectives (Tests de toxicité au XXIe siècle : progrès réalisés au cours de la dernière décennie et perspectives d'avenir), publié dans le numéro de décembre 2019 de la revue Archives of Toxicology.
Ce bilan sert de suivi au rapport de 2007 du US National Research Council intitulé Toxicity Testing in the 21st Century: A Vision and a Strategy (Tests de toxicité au XXIe siècle : vision et stratégie). Ce rapport historique présentait une nouvelle vision audacieuse des tests de toxicité et définissait des stratégies d’essais plus efficaces pour un grand nombre de substances chimiques présentes dans l’environnement.
Ce nouveau modèle repose sur des essais in vitro à haut débit effectués sur des cellules humaines, ainsi que sur des modèles informatiques. Il définit également de « nouvelles approches et méthodologies » susceptibles d’accélérer considérablement la fréquence des tests de toxicité et d’augmenter le nombre d’outils scientifiques disponibles pour cette fin.
Par exemple, les animaux sont généralement utilisés dans le cadre des tests de toxicité, une méthode jugée dispendieuse et laborieuse par les auteurs. De plus, cette méthode ne se traduit pas toujours par des informations fiables quant à la toxicité chez les humains, d’où la suggestion de solutions de rechange.
Dans leur bilan de décembre 2019, les auteurs soulignent l’importance de mieux comprendre les voies de toxicité dans le corps humain, soit la « cartographie de l’effet toxique sur les humains ».
« La cartographie de l’effet toxique sur les humains nécessitera des efforts scientifiques considérables », soulignent les auteurs, mais cela est essentiel pour bien comprendre et prédire les produits chimiques susceptibles de présenter un danger toxique.
Depuis 2007, d’autres facteurs ont contribué à rendre les tests de toxicité plus efficaces et moins coûteux, rapporte le groupe. Des percées majeures en technologie, l’augmentation du nombre de données issues de sources ouvertes et d’outils bio-informatiques ont permis une évaluation plus rapide de la toxicité chimique.
Si nous souhaitons améliorer l'évaluation de l’innocuité des produits chimiques environnementaux et industriels, « nous devons adopter de nouvelles façons d’aborder la science de l’évaluation des risques », rapportent les auteurs.
Ceux qui ont participé à la rédaction de ce bilan le plus récent sont des scientifiques canadiens, américains et européens issus des milieux universitaire et réglementaire. Nous avons espoir qu’en concrétisant la vision de 2007, nous réduirons considérablement les risques potentiels pour la santé dans l’environnement humain.
« Nous prévoyons que ce nouveau modèle d’évaluation des risques toxicologiques se traduira par une plus grande certitude de l’innocuité d’un grand nombre d’agents auxquels nous sommes exposés », conclut le Dr Krewski.