Logo inoffensif ou promo qui encourage l’obésité?

Faculté de médecine
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La Dre Monique Potvin Kent estime que le parrainage d’équipes d’enfants par des entreprises alimentaires rend l’éthique douteuse.

Par Jessica Sinclair
Rédactrice scientifique

Une jeune fille sort du terrain de soccer en courant, encore essoufflée. Son entraîneur lui remet une bouteille de Gatorade qu’il sort de la glacière de marque placée tout près de la ligne de touche. Alors que plusieurs n’y voient qu’une jeune fille qui s’hydrate, la Dre Monique Potvin Kent, experte en santé publique, voit la promotion pure et simple de la malbouffe.

Professeure agrégée de l’École d’épidémiologie et de santé publique (ÉÉSP), elle est responsable du laboratoire OUTLIVE qui étudie la politique sur les aliments et la nutrition pour la prévention de l’obésité. Son équipe, récipiendaire de l’une des subventions Projet des IRSC, examine les changements à l’alimentation et à l’attitude des enfants lorsque leur équipe sportive est commanditée par une entreprise du secteur de l’alimentation et des boissons.

« La plupart des adultes prétendent qu’ils ne sont pas influencés par le marketing, » affirme la Dre Potvin Kent. « Pourtant, cela est totalement faux, et les enfants y sont d’autant plus sensibles. »

Avant l’âge de six ans, les enfants ne peuvent pas toujours faire la différence entre une émission de télévision ou une pause publicitaire. L’identité des adolescents est influencée par le marketing auquel ils sont assujettis et ils dépensent souvent leur maigre revenu discrétionnaire à l’achat de malbouffe. Lorsque la publicité se présente sous forme de commandite, son pouvoir est subtil, mais quantifiable. C’est à cette tâche de quantification que s’est attaquée la Dre Potvin Kent.

Un élément ingénieux du concept expérimental a recours à une dichotomie existante entre les cadres législatifs du Québec et de l’Ontario. Au Québec, le marketing qui suscite l’intérêt des enfants est légalement proscrit depuis des décennies, alors qu’il est omniprésent en Ontario. Les différences dans ces lois donnent lieu à une méthode d’expérimentation naturelle qui permet la comparaison d’équipes commanditées par des entreprises du secteur de l’alimentation au Québec et en Ontario. Est-ce que les jeunes Québécois seront moins intéressés par la malbouffe, ou est-ce que le goût de friture salé des frites parle de lui-même?

L’équipe du laboratoire OUTLIVE a déjà réalisé des études pilotes pour obtenir une vue d’ensemble des résultats d’une étude complète. Après avoir identifié 67 clubs sportifs pour les cinq sports les plus populaires chez les enfants (hockey, soccer, baseball, natation et basketball), l’équipe a dénombré 312 commanditaires. Parmi ceux-ci, 16 % étaient du secteur de l’alimentation.

L’étude en cours ira encore plus loin, en identifiant dans quelle mesure les clubs sportifs dépendent financièrement de ces commandites. Qu’ils s’agisse de dons en argent, d’uniformes de collations après les pratiques ou de coupons, la nature et la valeur exacte des commandites seront très utiles à la politique. Les efforts visant à bannir la publicité de malbouffe auprès des enfants au Canada ont historiquement exclu les commandites sportives, de crainte que sans celles-ci, les hausses de prix rendent les sports inaccessibles pour les enfants issus de milieux à faible revenu.

« Nous cherchons à établir s’il s’agit-il réellement d’une peur légitime » mentionne la Dre Potvin Kent. « Si on fait sans cesse la promotion d’un produit malsain auprès de vos enfants, est-ce cela en vaut vraiment le coup? »

Les effets du marketing vont au-delà de la reconnaissance de la marque présentée par des tout-petits qui courent avec des logos d’entreprise ornant leurs blousons. Les commandites sportives créent un sentiment d’allégeance particulier envers une entreprise. Une recherche de l’Université de Waterloo démontre que les enfants perçoivent l’entreprise commanditaire comme une force bienveillante dans leurs vies, et ils ressentent l’obligation de faire preuve de réciprocité des années plus tard.

« Monsieur Pauzé, l’un des participants, mentionnait ‘Tim Hortons m’a appuyé lorsque j’étais enfant, alors j’appuie la chaîne à mon tour lorsque je veux un repas.’ C’est exactement ce qu’il a dit, et selon moi,  cela illustre parfaitement ce qui nous préoccupe. »

« C’est sans doute ce qui motive les entreprises à commanditer les sports pour enfants. »

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