Médecine et maternité

Faculté de médecine
Un groupe de personnes dans une salle d'opération.
Diplômée de la promotion de 1954, la Dre Doris Kavanagh-Gray revient sur un demi-siècle de femmes en médecine et sa modeste contribution à une importante transformation sociétale.

par Michelle Read
Rédactrice attitrée

Lorsque la Doris Kavanagh-Gray a terminé ses études secondaires à Ottawa à la fin des années 40, elle voulait étudier le droit ou la médecine.

Comme sa candidature avait été rejetée par plusieurs universités parce qu’elle n’avait aucune formation postsecondaire, elle s’est tournée vers le père Lorenzo Danis, prêtre catholique de la région et fondateur de la toute nouvelle école de médecine de l’Université d’Ottawa.

« J’ai appelé l’Université d’Ottawa et demandé à rencontrer le père Danis de la Faculté de médecine », se souvient la Dre Kavanagh-Gray, cardiologue à la retraite, qui nous parle de son domicile à Vancouver. « Il admirait ma persévérance et m’a dit : "Très bien, j’accepte votre candidature!" ».

La Dre Kavanagh-Gray était l’une des deux seules femmes de la promotion de 1954 de la Faculté de médecine.

« Nous étions rares », raconte-t-elle, s’empressant d’ajouter, « j’ai le souvenir d’avoir été tout de même très bien accueillie dans cette classe remplie d’hommes. »

Avec le recul, elle est fière de son rôle, bien que modeste, dans la détermination du succès des femmes au sein du paysage actuel de la médecine.

Doris et sa sœur sont nées dans les années 30; la famille n’avait pas de fils. Voyant le traitement préférentiel accordé aux garçons dans d’autres familles, plus particulièrement celles qui n’étaient pas bien nanties, Doris a appris à apprécier le fait d’être l’une des deux seules filles de la famille.

« Mon père m’a accordé beaucoup d’attention, mais je ne sais pas si j’aurais reçu toute cette attention si j’avais eu un frère », se souvient-elle. « Mon père était un homme très intelligent, qui m’a inculqué le désir d’aller au bout de mes rêves plutôt que de suivre les autres; dès mon jeune âge, il m’a fait comprendre que si je souhaitais quelque chose, je devais saisir l’occasion et persévérer. »

Ses parents étaient ravis lorsqu’elle a été acceptée à l’école de médecine. Comme la famille habitait à Ottawa, « ce n’était pas très dispendieux puisque je pouvais vivre à la maison », déclare-t-elle.

Elle et John Gray, un autre étudiant en médecine, se sont mariés pendant leurs études.

M. Richard, doyen de l’époque, m’avait dit que je faisais une terrible erreur et qu’aucun programme de résidence ne m’accepterait.

« Nous nous sommes mariés quand même », dit-elle en riant.

En fait, la Dre Kavanagh-Gray n’a eu aucune difficulté à être acceptée dans un programme de résidence. Après avoir rencontré d’excellents enseignants, le couple s’est installé aux États-Unis pour sa formation, John en chirurgie et Doris en cardiologie.

« Je ne me souviens pas d’avoir eu de femmes parmi mes professeurs, dit-elle, probablement parce qu’elles ne faisaient que commencer à faire carrière en médecine. »

Au cours de la cinquième année de sa formation médicale à l’Université d’Ottawa, elle est tombée enceinte, s’attirant encore une fois les reproches de ses supérieurs.

« Prendre du temps pour sa grossesse et les soins aux enfants était mal vu à l’époque parce que les hommes et les femmes devaient consacrer 24 sur 24 et 7 jours sur 7 à leur formation médicale, déclare-t-elle. Mais il n’en reste pas moins que les femmes avaient besoin de ce temps. »

« Je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles on accepte maintenant qu’il y ait une autre facette de la vie que la médecine. Par conséquent, les hommes ont eux aussi bénéficié du désir des femmes de prendre du temps pour s’absenter du travail et faire face aux défis de la vie. »

Au fil de sa carrière, la Dre Kavanagh-Gray a remarqué un changement dans la perception des femmes médecins par les patients. Au début de sa carrière, lorsqu’elle voyait des patients (particulièrement des hommes), ils s’exclamaient : « Mais vous êtes une femme! » Cette perception s’est dissipée avec le temps.

« Puis, j’ai commencé à entendre les hommes dire, "est-ce que je pourrais voir une femme médecin?", explique la Dre Kavanagh-Gray. Désormais, de nombreux patients recherchent activement à se faire soigner par des femmes. »

« La médecine est une profession vouée au bien-être des autres, ce qui convient parfaitement aux femmes et à leurs attributs, explique-t-elle. Lors de mes études, j’étais l’une de deux femmes dans ma classe, mais les choses sont bien différentes aujourd’hui. »

Il est intéressant de souligner que Cynthia, la fille de la Dre Kavanagh-Gray est gynécologue à Toronto et que sa petite-fille est chirurgienne plasticienne à Calgary.

« Je crois avoir influencé Cynthia à faire carrière en médecine, dit-elle. Comme mon mari et moi exercions la médecine, la conversation aux repas tournait souvent autour du sujet. »

La Dre Kavanagh-Gray encourage les jeunes femmes qui envisagent des études en médecine de rêver grand. Elle se souvient de plusieurs amies qui avaient un très grand potentiel, mais qui ont été retenues par des gens leur disant que ce serait « trop difficile ».

« Ne les écoutez pas si c’est ce dont vous rêvez, insiste-t-elle. Allez au bout de vos rêves! »


Nous vous invitons à lire l’essai de la Dre Doris Kavanagh-Gray intitulé Accident Insurance(pdf, 87,41 Ko) (en anglais), qui fait partie des « Mémoires 1945-1975 » de la Faculté de médecine.

 

Photo principale : En plus de la danse, la Dre Kavanagh-Gray est une passionnée de jardinage. On la voit ici poser fièrement devant son jardin à l’été 2019.

Un photo de Doris Kavanagh-Gray et John Gray
Photo of Doris Kavanagh-Gray, son époux John Gray et leur bébé Cynthia.
Un groupe de personnes dans une salle d'opération.
Un homme et une femme dansant le tango