Mieux comprendre la COVID

Faculté de médecine
Dans le cadre de la séance de discussion de Santé Canada, des scientifiques informent les décideurs des plus récents développements en matière de risques, de réinfection et de vaccination.

Par Jessica Sinclair
Rédactrice scientifique

Qu’est-ce que la réinfection? À quand un vaccin? En quoi l’âge entre-t-il en ligne de compte? Comme les réponses à ces questions semblent évoluer constamment, Santé Canada a organisé une séance de discussion le 28 août dernier afin de connaître les plus récents développements au sujet de la recherche d’intervention rapide au pays. Mona Nemer et Marc-André Langlois, professeurs à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa ont partagé la scène virtuelle avec la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, l’honorable Patty Hajdu, ministre de la Santé, et d’autres intervenants clés dans les efforts déployés pour lutter contre la pandémie de COVID-19 au Canada.

Principaux points à retenir de la séance de 90 minutes:

 

De quelle façon les milieux de la science et de la politique coordonnent-ils leurs efforts face à la COVID-19?

« Il n’y a jamais eu de meilleure démonstration de l’importance de la science pour les politiques que dans la gestion de cette pandémie; qu’il s’agisse des mesures de santé publique en matière du port du masque ou du retour ou non à l’école des enfants, » a déclaré la Dre Mona Nemer, professeure au Département de biochimie, microbiologie et immunologie, et conseillère scientifique en chef du Canada. Il est essentiel de comprendre qui est à risque, la durée de l’infection, et de quelle façon le virus est transmis, a-t-elle ajouté, car tous ces facteurs ont d’importantes répercussions sur les politiques.

 

Que signifie concrètement la réinfection?

Selon le Dr Langlois, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en virologie moléculaire et immunité à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, il semble y avoir une certaine confusion dans la couverture médiatique de la réinfection. Le principal aspect à souligner est que la réinfection n’est pas la même chose que de contracter une seconde fois la COVID-19.

« Le virus est enveloppé par une membrane qu’il a subtilisée des cellules infectées, » indique le Dr Langlois. « Cela sert de camouflage et le système immunitaire a de la difficulté à le repérer. »

Après une première infection, le système immunitaire alors « naïf » déploie sa première ligne de défense systématique pendant une semaine environ avant l’émergence des anticorps spécifiques au coronavirus. Ultérieurement, si vous êtes de nouveau exposé au virus, les anticorps s’activent immédiatement, se lient au virus et tentent de l’empêcher de pénétrer dans les cellules des voies respiratoires.

Une réinfection au SARS-CoV2 est possible; c’est-à-dire qu’il est possible que le virus réussisse à pénétrer dans les cellules des voies respiratoires d’une personne qui a déjà été infectée par le virus de la COVID-19. Cependant, ce qui n’est pas prévu est d’être infecté à nouveau par le virus de la COVID-19. Les anticorps présents s’activent à cibler les cellules infectées à supprimer.

 

Qu’en est-il de la possibilité d’un vaccin?

La mise au point d’un vaccin est plus rapide qu’à l’habitude, puisque les processus qui se déroulent généralement en ordre séquentiel sont, dans le cas présent, exécutés en parallèle ou font l’objet de chevauchements importants. Après la compilation de données d’innocuité pendant 28 jours, les essais peuvent souvent passer à la phase suivante tout en poursuivant le processus de vérification de l’innocuité. Selon la Dre Teresa Tam, un récent sondage indique que 60 pour cent des Canadiens accepteraient d’être vaccinés; une proportion en baisse comparativement aux résultats de sondages antérieurs.

« Il semble que ce soit le rythme rapide de la mise au point d’un vaccin qui fait hésiter les Canadiens, » indique la Dre Tam. « Cela leur donne à réfléchir sur l’innocuité, et plusieurs prévoient adopter une approche attentiste. »

En effet, la Dre Tam a elle-même indiqué que la recherche ne s’arrête pas lorsqu’un vaccin est approuvé par un organisme de réglementation pour utilisation à grande échelle. Les données préliminaires indiquent que parmi les vaccins qui sont actuellement mis au point, des niveaux d’anticorps quatre fois plus élevés sont observés chez les individus qui reçoivent un vaccin par rapport à ceux qui ont contracté le virus de la COVID.

 

Quel est le degré de précision des tests de dépistage réalisés dans les centres de dépistage?

Le Dr Mel Krajden, directeur médical du laboratoire de santé publique de la Colombie-Britannique a expliqué que l’élément indispensable au diagnostic de la COVID-19 est le test à base d’acides nucléiques, qui détectent l’ARN du virus et dont le degré de sensibilité et de spécificité au virus est censé être de 90 à 95 % à 99,5 % du temps. Près d’une personne sur 200 obtient un faux résultat positif au dépistage, lequel est souvent lié à des erreurs techniques. Les échantillons prélevés dans la gorge sont moins sensibles que les échantillons prélevés dans les voies nasales-pharyngées. Le gargarisme avec une solution saline et les échantillons de salive sont également de plus en plus utilisés.

« L’un des facteurs les plus importants du dépistage est le délai d’exécution, » déclare le Dr Krajden. « Il est essentiel d’aviser les gens du statut de leur infection avant qu’ils aient à prendre des décisions quant à leurs déplacements et leurs visites. »

 

Pourquoi certaines personnes sont-elles plus vulnérables à la maladie et d’autres sont asymptomatiques?

La Dre Cate Hankins, professeure au Département d’épidémiologie, biostatistique et santé du travail de l’Université McGill, indique qu’il y a bon nombre de facteurs de protection qui sont suggérés pour la maladie. Étant donné que plusieurs rhumes saisonniers en circulation sont des coronavirus, il est très probable qu’une exposition récente à l’un de ces virus peut offrir une certaine immunité partielle contre les protéines de spicule utilisées par le SARS-CoV2 pour pénétrer dans les cellules.

Les enfants ont également certains avantages, notamment une réponse immunitaire généralement robuste.

« La vaccination des enfants pour la poliomyélite notamment, semble être associée à des cas asymptomatiques, » indique la Dre Hankins.

Les célèbres protéines de spicule qui confèrent au virus sa forme particulière se fixent aux poumons et aux cellules des voies respiratoires sur un récepteur appelé ACE2 (récepteur qui permet de réguler la pression artérielle). En présence d’une moins grande quantité de ces récepteurs, une personne peut être moins susceptible de développer une COVID symptomatique.

Pour ce qui est des masques, non seulement ceux-ci contribuent à ralentir la propagation du virus de la COVID, la Dre Hankins ajoute que toute personne qui contracte le virus de la COVID alors qu’elle porte un masque, est plus susceptible de développer une forme asymptomatique de la maladie, ce qui laisse entrevoir que la dose virale est importante. Certaines données appuyant cette affirmation sont issues des expériences naturelles sur les bateaux de croisière où le port du masque a été, ou non, rendu obligatoire.

Lorsqu’il est question des différences entre les sexes, le Canada est atypique dans ces ratios. À l’échelle mondiale, 60 % des décès sont parmi les hommes, cependant, 53 % de nos propres décès sont parmi les femmes. C’est en partie parce que nos établissements de soins de longue durée ont été durement frappés comparativement aux cas dans l’ensemble de la communauté. Cela dit, en moyenne les femmes développent une réponse immunitaire plus robuste aux infections.