Cette nouvelle recherche, codirigée par un professeur de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, met en lumière certaines dynamiques mystérieuses qui définissent l’interaction entre le système nerveux et le système musculaire. Les résultats pourraient permettre de mieux comprendre divers troubles neurologiques et ouvrir la voie à la conception de médicaments capables de les cibler.
De concert avec une équipe composée de collaborateurs internationaux, le Dr John Baenziger de l’Université d’Ottawa a employé une technique appelée cryomicroscopie électronique, une technologie révolutionnaire en biologie structurale qui brosse, pour les scientifiques, un portrait sans précédent du fonctionnement interne des molécules dans les cellules. Ces travaux de recherche ont été effectués alors qu’il était en congé sabbatique en France, bénéficiant des puissants microscopes de l'Institut de Biologie Structurale à Grenoble.
La technologie de pointe a permis à l’équipe de chercheurs de définir la structure à résolution atomique du récepteur nicotinique musculaire de l’acytélcholine, ou nAChR. Il s’agit d’une importante famille de protéines qui a fait l’objet de vastes études, en grandie partie puisque la compréhension de son fonctionnement peut permettre de révéler des modes de traitement pour les maladies neurologiques et neurodégénératives. Toutefois, après des décennies, les progrès ont été limités en raison de l’absence d’images à haute résolution des structures qui permettent aux scientifiques de mieux comprendre leurs détails atomiques.
Aujourd’hui dans une étude récemment publiée en ligne dans la revue Neuron, une revue influence dont les articles sont révisés par des pairs dans le domaine de la neuroscience, le Dr Baenziger et ses collègues ont défini, pour la toute première fois, les trois structures du nAChR que l’on retrouve dans les raies électriques. Par caprice de la science, on retrouve le nAChr en abondance dans ces habitants du fond marin du genre Torpedo.
L’une des structures a été définie en absence de neurotransmetteurs liés, une autre en présence d’un neurotransmetteur lié, et une troisième en présence de nicotine liée.
Ces structures nouvellement révélées donnent le premier aperçu à l’échelle atomique des mécanismes par lesquels la liaison des neurotransmetteurs provoque une activation du nAChR musculaire, selon le Dr Baenziger, l’un des deux principaux auteurs et la personne-ressource principale pour l’étude.
« Afin de mieux comprendre le fonctionnement de ces protéines et leur lien avec les produits pharmaceutiques, nous avons besoin de définir leurs structures, puis comprendre comment la liaison des neurotransmetteurs change leurs structures et provoque leur activation » ajoute-t-il.
L’un des réviseurs de l’article a déclaré que la nouvelle recherche a fait « plusieurs contributions uniques et importantes » et qu’il y avait suffisamment de matière pour générer des « douzaines d’études additionnelles établissant la relation entre la structure et la fonction. »
Les nerfs communiquent entre eux et avec les muscles en relâchant des neurotransmetteurs chimiques qui se lient aux récepteurs pour générer une réponse. Cette réponse à travers des récepteurs est essentielle au bon fonctionnement. Toutefois, des mutations génétiques modifient tôt ou tard cette réponse causant une maladie.
Il suggère que les nouvelles découvertes de l’équipe seront d’un intérêt particulier pour les scientifiques qui étudient les maladies comme le syndrome myasthénique congénital et la myasthénie grave, deux affections qui provoquent l’affaiblissement des muscles en raison d’une détérioration de la communication entre le système nerveux et le système musculaire. Il ajoute que la recherche peut éventuellement permettre la création de nouveaux traitements pour ces deux maladies, ainsi que d’autres affections neurologiques.
« Ces structures vont nous permettre de comprendre les processus moléculaires qui sont à la base des deux maladies et qui pourront éventuellement nous aider à mettre au point des traitements, » mentionne le Dr Baenziger, professeur au Département de biochimie, microbiologie et immunologie.
La recherche décrite dans la revue Neuron élargit également les connaissances sur la façon dont certains récepteurs se lient à la nicotine, le composé hautement toxicomanogène du tabac. La nicotine qui se lie aux nAChR se traduit ultimement par les caractéristiques qui créent une dépendance chez les fumeurs et font de cette drogue une cause évitable de maladies et de décès.
Le Dr Baenziger mentionne qu’il espère pouvoir retourner en France plus tard cette année pour mener d’autres recherches novatrices avec ses collaborateurs, notamment le Dr Hugues Nury de L’Institut de Biologie Structurale de l’Université Grenoble Alpes, qui a corédigé l’article. Le congé sabbatique du Dr Baenziger de 2019 à 2020 a été financé en partie par l’Université Grenoble Alpes.
« J’espère que plusieurs autres choses intéressantes seront issues de cette collaboration, » dit-il.
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