Obésité 101 : plus complexe qu’on pense

Faculté de médecine
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 main tenant un ruban à mesurer
Sur le plan du poids, les humains ne naissent pas tous égaux.  

Par Kelsey Pitre

Rédactrice invitée spéciale

Jessie Duong est une étudiante de quatrième année à la Faculté de médecine, inscrite au programme de baccalauréat ès sciences spécialisé en médecine moléculaire et translationnelle. Elle a initialement rédigé cet article pour son cours de communication scientifique dans le cadre d'une série dressant le profil des chercheurs en biologie des systèmes. MedPoint publiera des profils de cette série tout au long de 2018.

Tout le monde connaît quelqu’un qui peut se nourrir aux Big Mac sans engraisser d’un poil. On connaît aussi à peu près tous quelqu’un qui, malgré tous ses efforts pour bien manger et faire de l’exercice, se bat constamment avec son poids.  
 

Bien des gens pensent, à tort, que l’obésité est un choix. Or, la recherche a démontré que sur le plan de la perte de poids, les humains ne naissent pas tous égaux. Mary-Ellen Harper, professeure au Département de biochimie, microbiologie et immunologie de l’Université d’Ottawa, étudie la myriade de facteurs mitochondriaux qui contribuent à l’obésité afin de lutter contre les préjugés.

Les mitochondries sont la centrale énergétique de la cellule. Elles transforment la nourriture en ATP (ou adénosine triphosphate), un type d’énergie que le corps peut utiliser. Tout comme une voiture en mouvement brûle du carburant, explique Mary-Ellen Harper, le corps en mouvement brûle l’énergie qui provient des aliments. Et tout comme une voiture qui tourne au ralenti, le muscle au repos continue de brûler de l’énergie, dans une quantité qui varie toutefois d’une personne à l’autre. Pourquoi un muscle qui ne fait rien brûle-t-il quand même de l’énergie? L’activité au ralenti des mitochondries (le « moteur » dans cette analogie) dans le muscle au repos empêche certaines molécules, qu’on appelle les dérivés réactifs de l’oxygène (DRO), de s’accumuler. Les mitochondries sont faites de protéines et de lipides que les DRO peuvent endommager, un peu comme un moteur qui s’encrasse. Les voies de signalisation cellulaire peuvent alors être perturbées, ce qui finit par accélérer le vieillissement de la cellule et augmenter le risque de maladie comme le diabète.
 

Alors que se passe-t-il quand on mange? Premièrement, la nourriture est transformée en différents types de carburant que le corps peut utiliser. Une partie de ce carburant est stockée dans les muscles et le foie sous forme de glycogène, un peu comme si on remplissait un petit frigo. Lorsqu’il n’y a plus de place dans le frigo, on met le reste au congélateur, soit les réserves de graisse du corps. Les graisses sont une excellente réserve de carburant et essentielles à la santé. S’il y en a trop, par contre, elles peuvent avoir des effets néfastes.
 

Certains types de muscles assimilent mieux le glycogène (frigo) et d’autres, les graisses (congélateur). Deux grands types de fibres musculaires sont mis à contribution lorsqu’on s’active : les fibres à contraction lente et à contraction rapide. Ça peut sembler bizarre, mais les fibres musculaires à contraction lente brûlent plus efficacement les graisses. Au contraire, les fibres musculaires à contraction rapide ont soif de glycogène, une source d’énergie facilement accessible. En résumé : une proportion élevée de fibres musculaires à contraction lente permet de brûler plus de graisses. Les recherches au laboratoire de la professeure Harper ont montré que certaines personnes possèdent davantage de fibres musculaires à contraction lente et brûlent davantage de graisses que les autres. Ces chanceux et chanceuses ont un « moteur » légèrement différent des autres, ce qui influe sur l’efficacité avec laquelle leurs muscles brûlent les graisses.

Pour compliquer le tout, les mitochondries ne sont pas les seuls facteurs en cause dans l’obésité. Les hormones influent aussi sur la perte ou le gain de poids. L’hormone thyroïdienne, en particulier, contrôle la quantité d’énergie que consomme le corps au repos. Chez une personne qui fait de l’hyperthyroïdie, le taux sanguin de cette hormone est trop élevé. Même au repos, le corps brûle plus de carburant que la normale — on peut s’empiffrer sans engraisser. Au contraire, chez une personne qui fait de l’hypothyroïdie, le taux sanguin d’hormone thyroïdienne est trop bas. Le corps au repos ne brûle pas beaucoup de carburant, ce qui le prédispose à l’obésité.

Bref, le désir d’abuser des bonnes choses n’est pas la seule chose qu’on combat quand on essaie de maigrir. Mary-Ellen Harper et ses collègues s’intéressent aux effets de différents « rabat-joie » physiologiques sur la perte de poids et aux moyens d’aider le corps à les contourner. Sans dire que vos efforts pour bouger et bien manger ne riment à rien, la prochaine fois que vous monterez sur le pèse-personne, souvenez-vous qu’une multitude de facteurs influent sur le nombre qui s’affiche.

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