Prendre les choses en main

Faculté de médecine
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Le programme Excelerator aide les chercheurs à se préparer à franchir le pas de la recherche translationnelle.

Par Jessica Sinclair
Rédactrice scientifique

En 2014, le Lancet a publié une série de cinq articles sur l’augmentation de la valeur et la réduction des déchets dans la recherche biomédicale. On y  explique en détail comment, trop souvent, des résultats d’abord prometteurs n’aboutissent pas dans la pratique clinique courante et n’entraînent pas de réelles améliorations des soins de santé. Cette série a lancé un vaste débat dans le domaine de la recherche médicale sur la manière de tirer le meilleur parti des talents et des ressources dont nous disposons, et des découvertes que nous faisons.

Le programme Excelerator a été conçu dans le cadre d’une collaboration entre l’Université d’Ottawa et le groupe de recherche translationnelle de l’Hôpital d’Ottawa pour résoudre ce problème et le transformer en une opportunité, en éliminant les obstacles les plus fréquents au passage des résultats de laboratoire au chevet du patient.

« Nous sommes ici pour soutenir un processus translationnel rigoureux et fondé sur des données probantes », déclare le Dr Dean Fergusson, codirigeant du groupe, professeur à l’École d’épidémiologie et de santé publique (EESP) de l’Université d’Ottawa et directeur du Programme d’épidémiologie clinique (PEC) de l’Hôpital d’Ottawa. « Cela suppose de prendre une partie du travail formatif qui est courant dans la recherche clinique et de l’appliquer aux premières phases du processus translationnel et, même avant cela, dans le travail préclinique de confirmation. »

L’une de ces étapes préparatoires est l’examen systématique, qui combine les différentes recherches existantes et synthétise les résultats de nombreuses études différentes. Les rapports de recherche peuvent ne pas concorder, mais une revue systématique bien exécutée peut dégager des tendances en donnant plus de poids aux études plus rigoureuses et en arrivant à des conclusions plus probantes.

La Dre Natasha Kekre, professeure adjointe à la Faculté de médecine et chercheuse associée à L’Hôpital d’Ottawa, a passé en revue, avec le groupe Excelerator, les risques et avantages connus de la thérapie par lymphocytes T à récepteur antigénique chimérique (thérapie CAR-T). Après avoir analysé 60 petites études, ils ont constaté que les formes actuelles de ce traitement n’étaient pas très prometteuses pour les tumeurs solides, mais semblaient beaucoup plus efficaces pour les cancers du sang. Ils ont également fait la lumière sur les types de neurotoxicité et de problèmes d’inflammation qui sont les principales préoccupations autour de ce type de thérapie.

Une compréhension approfondie de ce qui a déjà été découvert au sujet d’un traitement peut aider un chercheur à formuler les bonnes questions et méthodes pour la suite de ses travaux. Mais il n’est pas aussi simple de concevoir et de lancer une étude à partir de là. Notamment, les protocoles qui déterminent quels patients participeront à l’étude peuvent se solder par un échec.

« Dans près de 80 % des essais cliniques, on éprouve des difficultés à trouver des patients à temps. Disons, par exemple, qu’il faut 180 patients sur une période de deux ans pour mener un essai clinique. Deux années peuvent passer, et l’essai n’aura recruté que 50 patients », explique Mohamad Sobh, assistant de recherche et responsable opérationnel du programme Excelerator, basé à l’Université d’Ottawa et à L’Hôpital d’Ottawa.

Pour éviter de se retrouver dans ce genre de situation, un chercheur peut se préparer en réalisant des entrevues auprès de patients partenaires et des facilitateurs afin de déterminer quels sont les obstacles au recrutement et de fixer des objectifs de recrutement réalistes. Ces études sont dirigées par le Dr Justin Presseau, professeur agrégé à l’EESP et scientifique au PEC. Les patients aimeraient-ils que leurs frais de transport soient pris en charge? Ce clinicien voit-il suffisamment de patients atteints de la maladie à l’étude dans sa clinique pour que leur recrutement soit possible?

Une approche qui amène les patients à participer à toutes les étapes de l’étude peut apporter des connaissances que l’intuition seule n’aurait jamais pu fournir. En 2019, le groupe Excelerator a collaboré à une étude par entrevues auprès d’intervenants en compagnie de chercheurs qui espéraient tester les mérites d’une certaine thérapie à base de cellules souches pour traiter les AVC chroniques.

« Ce qui était vraiment intéressant, c’est que les patients ne semblaient pas se soucier de savoir s’il s’agissait d’une étude d'innocuité ou d’efficacité », explique le Dr Manoj Lalu, professeur adjoint au Département d’anesthésiologie et de médecine de la douleur et chercheur associé à L’Hôpital d’Ottawa. « Cela montre à quel point ces patients peuvent être motivés de participer à un essai clinique de phase précoce. Ces informations contribuent également à éclairer la conception de l’essai clinique prévu. »

Le groupe Excelerator peut également aider les chercheurs à mener des études expérimentales. Si, par exemple, on souhaite exclure les patients obèses et ceux de plus de 65 ans, un examen rétrospectif des données de l’hôpital peut révéler combien de patients répondant aux critères sont susceptibles de franchir les portes de l’hôpital pendant la période de recrutement de l’étude. Ce type d’étude a contribué à la conception d’un essai en cours sur la thérapie CAR-T.

Enfin, la Dre Kednapa Thavorn, économiste de la santé, professeure adjointe à l’EESP et chercheuse principale à L’Hôpital d’Ottawa, est en mesure de déterminer les coûts d’une intervention, en les comparant à l’efficacité de l’intervention et aux coûts globaux des soins actuels pour un patient atteint de cette maladie. Un type d’analyse informative qu’elle entreprend fournit un prix plafond (le prix maximum auquel une intervention est jugée rentable) et, ultimement, suggère de procéder ou de ne pas procéder avant que des coûts d’essais cliniques ne soient engagés.

Le groupe Excelerator est maintenant activement à la recherche de recherches qui pourraient être prêtes, ou bientôt prêtes, à appliquer ces premières mesures du processus translationnel. Grâce à l’expertise du groupe, les chercheurs de l’Université d’Ottawa et de L’Hôpital d’Ottawa peuvent s’attaquer de manière précoce à toutes les bonnes questions et lancer leurs projets avec le meilleur protocole clinique possible.

 

Pour obtenir de plus amples renseignements sur le programme, vous pouvez communiquer avec Mohamad Sobh par courriel à [email protected].