par Chonglu Huang
Pendant que beaucoup d’entre nous s’envolent vers des régions plus chaudes pour fuir les rigueurs de l’hiver, le Dr Tom Kovesi et son équipe de l’Institut de recherche du CHEO prennent quant à eux la direction du Grand Nord.
Pour la deuxième année de suite, ils se rendent dans les collectivités accessibles par avion du nord de l’Ontario pour étudier la qualité de l’air en région rurale dans les maisons des Autochtones pendant les mois les plus froids de l’année.
« Pendant la saison froide, les habitations sont hermétiquement fermées. C’est le moment de recueillir des échantillons d’air à l’intérieur pour en évaluer la qualité et y détecter la présence éventuelle de polluants dangereux », explique le chercheur.
Professeur à l’Université d’Ottawa et spécialiste réputé des troubles respiratoires infantiles au CHEO, le Dr Kovesi mène des recherches sur la qualité de l’air dans les maisons des Autochtones du Grand Nord depuis près de deux décennies. Il a effectué ses premiers travaux dans ce domaine en 2003, en menant au Nunavut une étude sur le très grand nombre d’infections au virus respiratoire syncytial (VRS) relevé parmi les nouveau-nés des communautés inuites.
« On s’était mis à voir un nombre considérable d’enfants inuits de 0 à 3 ans souffrir d’infections au VRS, un virus respiratoire hautement contagieux particulièrement courant chez les nourrissons », dit-il. « Sa prévalence à l’île de Baffin, à l’époque, était de 450 cas pour 1 000 nourrissons, ce qui est plus de 40 fois le taux que l’on connaît à Ottawa chez les nouveau-nés. »
L’étude initiale du Dr Kovesi au Nunavut a permis de découvrir que les deux tiers des appareils de ventilation utilisés dans les maisons des communautés inuites ne répondaient pas aux normes canadiennes. En poursuivant ses recherches, il a constaté que l’entassement de familles nombreuses dans des logements exigus aggravait le problème, et que l’installation de ventilateurs-récupérateurs de chaleur (VRC) dans ces maisons réduisait considérablement le nombre d’enfants qui tombaient malades.
Pendant que l’étude était en cours, les autorités responsables ont décidé d’exiger que tous les nouveaux logements au Nunavut soient équipés de VRC.
« Ces études nous en ont appris beaucoup sur la qualité de l’air intérieur au Nunavut, mais il importe de dire que chaque communauté autochtone est unique, aussi bien au Nunavut que dans le reste du Canada », dit le chercheur. « Pour nous assurer de l’exactitude de nos conclusions et pour qu’elles puissent donner lieu à des changements positifs, nous devons tenir compte des particularités de chacune de ces communautés. »
Après avoir consacré des années à leurs recherches au Nunavut, Dr Kovesi et son équipe s’intéressent maintenant à la qualité de l’air dans le nord-ouest de l’Ontario.
L’hiver dernier, ils se sont ainsi rendus dans deux communautés vivant près de Sioux Lookout, soit la Première Nation du lac Seul et la Première Nation de Kasabonika. Cette année, ils en visiteront deux autres : la Première Nation de Sandy Lake et la Première Nation de Kitchenuhmaykoosib Inninuwug (lac Big Trout).
Avant d’entreprendre leurs travaux, le Dr Kovesi et ses équipes ont soin d’obtenir l’autorisation des collectivités dans lesquelles ils travaillent. Ils consultent les chefs de bande et les Aînés, organisent des rencontres publiques et participent à des tribunes téléphoniques à la radio pour répondre aux questions et aux préoccupations de la population.
« Il s’agit de leur territoire, nous ne sommes que leurs invités », commente le chercheur. Ce défenseur passionné de la santé autochtone est très soucieux de respecter la culture et les traditions des communautés qui l’accueillent. « Nous sommes grandement redevables aux représentants des Premières Nations en matière de santé dans ces régions éloignées. Ils nous aident à organiser la cueillette de données ainsi qu’à établir des relations authentiques avec les familles que nous étudions. »
En préparant son prochain voyage dans le Grand Nord, le Dr Kovesi doit tenir compte des exigences physiques qu’implique son travail. Les collectivités visitées ne sont pas accessibles par la route, si bien que le chercheur et son équipe dépendent de conditions météorologiques propices au voyage aérien. Qui plus est, même les meilleurs vêtements d’hiver ne résistent pas toujours aux températures polaires. Une bonne préparation et une bonne dose d’optimisme sont donc essentielles.
« C’est un travail difficile, effectué dans des conditions climatiques rigoureuses, mais j’estime que c’est la recherche la plus importante que je ferai de toute ma carrière », dit le chercheur, dont les travaux ont fait l’objet d’une présentation au Sénat canadien, en septembre dernier, devant un comité des finances réclamant un meilleur financement en matière de logement pour les Premières Nations.
Le Dr Kovesi donne en outre, à l’Université d’Ottawa, un cours intitulé « La santé respiratoire chez les Autochtones ». S’adressant aux étudiants en deuxième année de médecine, ce cours vise à les sensibiliser aux enjeux en santé autochtone au Canada.