Par Janie Larocque et Rachel Nadeau
Rédactrices invitées spéciales
Janie Larocque et Rachel Nadeau sont des étudiantes de quatrième année à la Faculté de médecine, inscrites au programme de baccalauréat ès sciences spécialisé en médecine moléculaire et translationnelle. Initialement, elles ont écrit cet article pour leur cours de communication scientifique dans le cadre d’une série dressant le profil des chercheurs de la Faculté de médecine.
Le cerveau est l’organe le plus complexe et le moins bien compris du corps humain. Il génère chacune de nos pensées, de nos actions, chacun de nos souvenirs, de nos sentiments, et façonne notre expérience du monde. Cette masse de tissu de trois livres, qui s’apparente à de la gélatine et qui contient un nombre impressionnant de cent milliards de cellules nerveuses ou neurones, est l’endroit où nous créons et emmagasinons nos souvenirs mais, parfois, notre cerveau nous abandonne.
Un exemple particulièrement agaçant de cela est le phénomène bien documenté où l’on arrive dans une pièce sans se souvenir pourquoi nous y sommes. La grande question est « comment faisons-nous pour nous souvenir, et pourquoi oublions-nous si souvent? ». Fait caractéristique de la biologie, la réponse est à la fois complexe et incomplète.
Ces questions motivent le Dr Jean-Claude Béïque, professeur au Département de médecine cellulaire et moléculaire à la Faculté de médecine, qui cherche à mieux comprendre la capacité du cerveau à apprendre. Pour atteindre ce but, son équipe de recherche se concentre sur les synapses, les lieux de connexion entre les neurones dans le cerveau. Ces minuscules structures sont extrêmement dynamiques; elles peuvent donc changer et s’adapter à de nouvelles informations. La capacité de changement de ces synapses dans le réseau de neurones est surnommée plasticité synaptique, et est considérée comme la base de l’apprentissage et de la mémoire.
La plasticité synaptique dicte l’efficacité avec laquelle deux neurones communiquent entre eux à une synapse. La force de communication entre deux neurones est comparable au volume d’une conversation—certains neurones chuchotent entre eux, alors que d’autres crient. L’intensité du volume de la synapse, ou la force synaptique, est dynamique et peut changer à court et à long terme.
Il existe plusieurs formes de plasticité synaptique, chacune ayant la capacité de provoquer des changements dans la force synaptique; la plasticité hebbienne et la plasticité homéostatique en sont quelques exemples. La plasticité hebbienne a trait aux changements dans la force synaptique qui se produit en moins d’une seconde : une augmentation ou une diminution rapide du volume servant à l’apprentissage ou à la mémoire. La plasticité homéostatique peut durer de quelques minutes à plusieurs jours et permet de définir l’importance de la connexion sur la conversation continue avant d’ajuster le volume pour maintenir la conversation à « normal ».
Puisque l’on estime que la plasticité synaptique contribue à l’apprentissage et à la mémoire, elle est depuis devenue l’un des sujets de la neuroscience qui fait le plus l’objet de recherches approfondies. La plasticité hebbienne est généralement considérée comme le principal modèle de la façon dont le cerveau emmagasine l’information, mais elle entraîne également une instabilité de l’activité neuronale qui nécessite des ajustements par d’autres processus. On croit que la plasticité homéostatique joue ce rôle. Cependant, « la façon dont ces mécanismes de plasticité interagissent et s’influencent l’un l’autre demeure vague », souligne Dr Béïque.
L’année dernière, Dr Béïque et ses collègues ont publié un article qui a permis d’apporter un éclairage sur ce sujet. En modifiant les dynamiques des synapses chez les rats, ils ont découvert que la réponse homéostatique aux processus hebbiens peut faire la mise au point finale du volume aux synapses et réguler la communication entre les neurones. Bien qu’il y ait un grand saut à faire des rats aux humains, ces résultats sont très prometteurs. À tout le moins, ils démontrent en quoi la plasticité synaptique affecte le cerveau.
Mais ce n’est pas tout. Ces découvertes représentent un excellent point de départ pour identifier les « règles » qui définissent comment les neurones communiquent entre eux au niveau des synapses. Dr Béïque et son équipe souhaitent également mieux comprendre comment les caractéristiques de ces neurones sont modifiées par la perte de mémoire (p.ex., maladie d’Alzheimer) et les troubles de l’humeur.
Comme tout scientifique qui s’intéresse au cerveau le mentionnerait, il a encore beaucoup à faire avant que la « compréhension du cerveau » ne soit plus une des grandes questions scientifiques qui se posent au monde. Toutefois, il y a eu des progrès.
« Aujourd’hui, nous réalisons des choses dans mon laboratoire que jamais je n’aurais pensé pouvoir réaliser il y a 10 ans », a déclaré Dr Béïque.
Dans le cas présent, le cerveau détient toutes les réponses.
Le cours de communication scientifique a été élaboré et enseigné par Dre Kristin Baetz, directrice de l’Institut de la biologie des systèmes d’Ottawa et professeure au Département de biochimie, microbiologie et immunologie, afin de permettre aux étudiants de transmettre des sciences complexes à un public profane - une compétence essentielle lors de présentations, de demandes de subventions, de résumés d'articles de recherche et de communications générales dans le domaine des sciences biomédicales.
MedPoint publiera des profils tirés de cette série tout au long de l’année 2019.