Les séjours de vacances-travail ne sont pas seulement pour les randonneurs

Faculté de médecine
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Le Dr Karam Ramotar, microbiologiste passe ses vacances annuelles au Guyana, où il s’assure que l’analyse de la qualité de l’eau répond aux normes.

Un texte de Jessica Sinclair
Rédactrice scientifique

Lorsque le Dr Karam Ramotar est entré dans le laboratoire Guyana Water Incorporated pour rencontrer son équipe pour la première fois, le personnel était prêt à l’accueillir, mais le plafond venait de s’effondrer. Comme aucun travail d’analyse de la qualité de l’eau n’était possible, le Dr Ramotar a retroussé ses manches et a fait ce qu’il devait faire pour trouver un nouvel espace de laboratoire, mettre en place des bancs et de l’équipement, et rédiger quelques procédures pertinentes.

Depuis maintenant 25 ans, le Dr Ramotar est professeur agrégé au Département de pathologie et de médecine de laboratoire de l’Université d’Ottawa, et microbiologiste au Campus général de L’Hôpital d’Ottawa, où il est directeur de la Division de microbiologie depuis une dizaine d’années. Mais dans ses temps libres, il retourne dans le pays qu’il a quitté en 1976, pour rendre visite à ses amis et à sa famille, et pour prêter main-forte.

« Voilà quelqu’un qui fait vraiment une différence. Discret, consciencieux et travaillant dans l’ombre, il s’avère que depuis des années le Dr Ramotar passe ses vacances à améliorer les conditions sanitaires et la santé publique au Guyana, à comprendre les fossés et la pollution de l’eau, et des trucs du genre », explique le Dr John Veinot, président du Département de pathologie et de médecine de laboratoire. « Je pense que cela reflète très bien son caractère. Nombreux sont les gens qui cherchent à s’attirer les projecteurs pour le travail qu’ils font, mais pour Karam ce qui importe c’est d’aider simplement les gens sans qu’il soit nécessaire qu’on reconnaisse son travail.»

Retour à un pays d’origine qui a considérablement changé

Situé entre le Brésil, le Venezuela et le Suriname, le Guyana est une ancienne petite colonie britannique, le seul pays anglophone d’Amérique du Sud. Le pays d’origine du Dr Ramotar était un pays campagnard, où régnait une atmosphère détendue et qui se considérait comme une partie intégrante des Caraïbes anglaises. Depuis son départ, cependant, le pays a subi plusieurs transformations, et pas toujours pour le mieux.

L’industrie de la canne à sucre, autrefois un pilier de l’économie, a connu une mort lente avec l’essor du sucre de betterave en provenance d’Europe. L’industrie minière de la bauxite a connu des baisses importantes, et avec seulement une industrie d’exportation de bois et de minéraux en difficulté, les programmes sociaux ont commencé à disparaître et les cas de pauvreté ont augmenté. Ce qui complique les choses, c’est la découverte de pétrole, qui soulève une foule de nouveaux problèmes.

« La criminalité, les maladies et la corruption sont en hausse, et il y a davantage de voleurs éhontés. Mais j’essaie d’oublier tout cela, de m’asseoir sur la terrasse pour boire une bière, de me détendre et de profiter de la vie », dit le Dr Ramotar. « On ne peut tenter l’impossible, il est insensé de croire qu’on peut régler les problèmes de tous, alors j’essaie de faire ce que je peux tout simplement ».

Garantir un approvisionnement en eau potable

Il fait beaucoup pourtant pour améliorer les choses. En 2015, à l’arrivée du nouveau gouvernement au Guyana, on lui a demandé d’intervenir pour améliorer le programme d’analyse de la qualité de l’eau qui ne respectait pas les normes internationales. Contrairement au Canada, où l’eau potable est principalement issue de lacs et de ruisseaux, l’eau au Guyana est distribuée à partir de puits profonds. La principale préoccupation du Dr Ramotar était la mise en œuvre d’un programme rigoureux de gestion de la qualité, en utilisant comme lignes directrices les règlements de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) qui régissent les essais en laboratoire.

En microbiologie, il a institué les normes de l’Organisation mondiale de la santé qui précisent que le taux d’E. coli dans l’eau potable doit être nul, et toute détection de cette bactérie nécessite une chloration ou une filtration accrue. Du point de vue chimique, plus le puits est profond, plus le fer remonte à la surface, laissant l’eau brune et, éventuellement, toute la lessive aussi. La filtration du fer consiste à exposer l’eau à l’air, pour amener le fer à s’oxyder et devenir solide.

Bien avant d’être appelé pour aider à améliorer la qualité de l’eau, le Dr Ramotar a passé cinq ans au Guyana où il travaillait pour la Société canadienne de santé internationale sur le dépistage de la tuberculose, la gonorrhée et la chlamydia, ainsi que pour enseigner dans une université.

« Il y a eu une période de dix ans où je n’ai pas visité le Guyana, mais une fois que j’ai commencé à y retourner, j’ai réalisé que peu importe où la vie nous amène il y a toujours quelque chose qui nous ramène aux sources », dit le Dr Ramotar.

Dépistage de la COVID au Canada

Bien que le projet de dépistage des maladies infectieuses ait pris fin en 2007, son expérience l’a bien préparé pour le travail qu’il a été appelé à faire cette année, lorsque la COVID a frappé. Pour sa part, le Dr Ramotar a été chargé de diriger la mise en œuvre du processus de dépistage de la COVID dans l’Est ontarien, de former les gens à l’usage de nouvelles machines, de coordonner le traitement à partir de CHEO et de L’Hôpital général et de superviser l’analyse 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, des échantillons.

Une fois ce travail terminé, le Dr Ramotar prendra sa retraite. Avec cette liberté retrouvée, il prévoit passer ses hivers au Guyana et ses étés au Canada.

« J’ai passé 43 hivers au Canada. Je crois avoir vécu suffisamment d’hivers au froid. Donc, chaque hiver, je quitterai le froid, et je reviendrai au Canada pour y passer mes étés puisque j’adore la période estivale ici les balades en voiture. Mais bien sûr, avec la COVID qui frappe, nous verrons comment les choses se passeront. »