Une équipe de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa et des collaborateurs internationaux ont démontré la preuve de concept d’une approche thérapeutique inédite dans le traitement de la tuberculose (TB). La TB, un fléau persistant et qui s’est récemment aggravé, constitue la principale cause de décès par infection bactérienne dans le monde. La maladie est provoquée par une bactérie, Mycobacterium tuberculosis, qui infecte les poumons. Elle est extrêmement transmissible lorsque les personnes infectées toussent ou éternuent.
Publiée aujourd’hui dans la revue Cell Chemical Biology, l’étude identifie non seulement une nouvelle cible pour ce « traitement ciblé » de la tuberculose et ses mécanismes, mais présente également un composé chimique nouvellement conçu avec des propriétés similaires à celles d’un médicament qui pourrait être utilisé pour traiter la maladie en combinaison avec des antibiotiques existants.
Le composé synthétisé par les scientifiques est dérivé d’un produit naturel présent dans une plante à fleurs provenant de l’est de l’Amérique du Nord. Il s’est avéré efficace pour stimuler la fonction des macrophages – des cellules spécifiques qui avalent et détruisent les microbes, comme de minuscules Pac-Man du système immunitaire – et réduire la concentration de bactéries de la tuberculose dans les poumons des souris infectées.
« L’équipe a été en mesure de restructurer ce composé, de sorte à pouvoir maintenant disposer d’un composé bien spécifique, puissant et non toxique qui opère et fonctionne à merveille pour inciter nos cellules immunitaires à éliminer le microbe », explique le Dr Jim Sun, professeur adjoint au Département de biochimie, de microbiologie et d’immunologie de l’Université d’Ottawa, auteur correspondant de l’étude et chercheur principal dans un laboratoire de l’Université d’Ottawa axé sur la recherche sur la tuberculose.
Le Dr Sun explique que le composé agit en accélérant le processus d’autophagie, une voie cellulaire critique qui peut détériorer les bactéries étrangères. Normalement, les bactéries de la tuberculose parviennent à survivre à l’intérieur des cellules du corps en désactivant l’autophagie, mais ce nouveau médicament contourne ceci et essentiellement, super-alimente les macrophages pour cibler les envahisseurs.
Jusqu’à présent, la mise au point de médicaments était principalement axée sur les kinases - des enzymes qui jouent un rôle clé dans la communication cellulaire et servent en quelque sorte de « commutateur » pour les systèmes de défense antibactérienne des cellules. Cependant, au cours des dernières années, on a noté une augmentation marquée de l’exploration axée sur les phosphatases, des enzymes qui agissent comme « commutateur d’arrêt » et ont toujours été très difficiles pour la découverte de médicaments.
Cette plus récente recherche fournit des preuves convaincantes que le ciblage des phosphatases est maintenant possible et prometteur. L’équipe a découvert que la PPM1A, une protéine hôte, est utilisée par la bactérie de la tuberculose pour s’y cacher et survivre dans les cellules immunitaires du corps. Cette protéine est une phosphatase. Il est suggéré qu’en inhibant ou en bloquant cet interrupteur, la capacité de nos cellules à tuer les bactéries peut être activée avec succès.
On ne peut sous-estimer l’impact de la tuberculose, une maladie ancienne qui aurait tué plus de personnes que toute autre maladie infectieuse au cours de l’histoire. Près de 1,7 million de personnes meurent chaque année de la tuberculose. On retrouve une écrasante majorité de cas dans des pays où les ressources sont limitées; 95 % des cas mortels se produisent dans ces pays.
Jusqu’à l’arrivée de la COVID-19, la tuberculose était la principale cause de décès liés aux maladies infectieuses. L’année dernière, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que le nombre de décès associés à la tuberculose était à nouveau en hausse; les ressources sanitaires ayant été réaffectées pour lutter contre la pandémie.
Au Canada, le nombre de cas de tuberculose est faible; le taux se chiffrant à 4,9 par tranche de 100 000 personnes. Cependant, en raison d’iniquités persistantes, le taux est à son niveau le plus élevé lorsqu’il est ventilé entre les communautés autochtones du Canada, où les taux d’incidence sont de 100 à 300 fois plus élevés que chez les Canadiens non-autochtones. La découverte de médicaments ciblés contre la tuberculose pourrait entraîner des répercussions majeures sur ces collectivités.
« Avoir un médicament ciblé pour traiter de tels cas serait un énorme progrès », explique le Dr Sun, microbiologiste cellulaire.
Le traitement ciblé pourrait également être un bienfait majeur puisque la tuberculose est un contributeur démesuré à la résistance aux antimicrobiens, une menace importante pour la santé mondiale qui pourrait causer 10 millions de décès par an d’ici 2050, selon un groupe d’experts internationaux. « En exploitant le pouvoir de nos cellules immunitaires pour tuer les bactéries, nous contournons la capacité naturelle des bactéries à développer une résistance aux antibiotiques », explique le Dr Sun.
Les découvertes de l’équipe de recherche pourraient être importantes pour la recherche thérapeutique et l’exploration de la biologie fondamentale, prévoit le Dr Sun.
« Notre travail a des implications majeures non seulement pour la recherche sur la tuberculose et la découverte de traitements ciblés, mais s’étend également aux chercheurs de tous les domaines qui s’intéressent à la régulation de l’autophagie et à la conception d’inhibiteurs de la phosphatase. Cela pourrait couvrir un large éventail de maladies médicalement pertinentes dont d’autres infections bactériennes et virales, le cancer, l’auto-immunité, les maladies neurodégénératives et métaboliques », dit-il.
Son équipe a déposé un brevet provisoire pour les composés découverts dans le cadre de l’étude, avec l’Université d’Ottawa comme institution principale en partenariat avec leurs collègues internationaux en Chine. Ils explorent activement les possibilités de commercialisation de la découverte de médicaments antituberculeux.
« Nous sommes à la recherche de partenaires pour commercialiser cette recherche et pour la développer et l’optimiser davantage », explique le Dr Sun.
Le projet, soutenu par le Centre de recherche sur les systèmes et la pharmacologie personnalisée de l’Université d’Ottawa et le Shanghai Institute of Materia Medica (SIMM), a duré environ cinq ans. Cela a nécessité des collaborations entre le laboratoire du Dr Sun à l’Université d’Ottawa et une équipe de chimistes médicinaux dirigée par le Dr Weibo Yang au SIMM pour concevoir un médicament capable d’inhiber cette protéine.
Le financement a été fourni par les Instituts de recherche en santé du Canada, la National Sanitarium Association, la Lung Health Foundation et le Centre de recherche sur les systèmes et la pharmacologie personnalisée du SIMM-UO.
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