La vie du chercheur

Faculté de médecine
Leonard Belanger peers into a microscope
Le Dr Léonard Bélanger, un des fondateurs de notre faculté, partage ses réflexions dans cet extrait d'un essai publié dans l'annuaire Aesculapiad de 1953.
Par Dr Léonard Bélanger
Premier directeur du Département d'histologie et d'embryologie
Professeur d'histologie et d'embryologie 1945-1978

Vous m'avez demandé de vous parler de la vie du chercheur. C'est sans doute parce qu'au cours de vos études, vous avez été parfois emus lorsque vos maîtres vous ont raconté les grands faits de notre métier. Vous vous êtes pris à songer à Pasteur, à Pierre et Marie Curie, à Banting. Vous avez peut-être un jour, pensénon pas aux réussites mais à l'enorme Mer des Ténèbres. Peut-être meme, avez-vous eu aussi Ie bref éclat de lumière et songé à des avenues toutes neuves ou vous pourriez vous engager avant tout autre de vos sem­blables. Je veux vous parler avec tout mon coeur de cette existence que j'aime un peu plus à chaque jour. Nous verrons ensemble les bons et les mauvais côtés d'une vie où il n'y a pas place pour Ie camouflage…

L'avantage principal de la carrière expérimen­tale dans l’université, c'est la liberté, liberté de pensée comme liberté d'action. C'est encore là, « dans la paix sereine des laboratoires et des bibliothèques » comme disait Pasteur, que naissent les grandes idées, même si la réussite pratique doit attendre Ie grand armement gouvernemental ou industriel. D'une part, c'est la science, par aiIIeurs, c'est la technologie.

Vous viendrez à la médecine expérimentale comme vous êtes venus à vos études médi­cales, peut-être pour faire du bien à vos semblables, mais surtout, si vous etes honnêtes avec vous-mêmes, pour y chercher Ie bonheur. Je puis vous assurer après quinze ans de cette existence, que vous Ie trouverez. Lisez par ailIeurs les autobiographies des chercheurs. Vous y verrez cette heureuse expectative qui marque la période de préparation, d'expérimentation, d'attente; la déception brutale mais non Ie découragement qui accompagne l’insuccès; l'approche nouvelle, Ie travail, puis un beau jour, c'est l'ivresse, Ie sens extrême de triomphe au moment de Ia découverte, si humble soit-elIe. C'est la grande épopée, celIe de Christophe Colomb, de Charles Lindbergh et de Maurice Herzog au sommet d’Annapurna!

Parfois, devant les injustices, devant Ia misère, la maladie et la mort, Ie doute affreux s'emparera de vos coeurs . . . D'où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous? Entrez alors dans laboratoire, fermez la porte sur Ie monde et ouvrez toute grande la fenêtre sur l’univers. Là dans la solitude de la cime, devant cette immensité ordonnée que vous auront révélée vos livres et vos instruments, par-délà les limites lointaines où matière et énergie se confondent, vous pourrez alors, nobles fils d'Homo sapiens, poussières sublimes d'un instant, « étendre la main et toucher la Face de Dieu. »

Leonard Belanger se penche sur une microscope