On croyait autrefois que le virus d’Ebola et les filovirus connexes étaient pour la plupart contenus en Afrique centrale. Cependant, après une épidémie en Afrique de l’Ouest et la découverte du virus d’Ebola Reston aux Philippines, du Cuevavirus en Espagne et de divers filovirus des chauves-souris en Chine, les chercheurs comprennent que cette famille de virus, responsable de fièvres hémorragiques associées à des taux de létalité s’élevant jusqu’à 90 % est répandue dans le monde entier depuis des millions d’années.
Nos mécanismes de défense contre ces virus ne sont qu’embryonnaires, et bien que nous ayons un vaccin contre une espèce du virus d’Ebola et certains anticorps thérapeutiques à l’horizon, ces mécanismes font face à des problèmes de production ou de distribution. Ce que les médecins espèrent est un médicament ordinaire capable de traiter le virus d’Ebola dès qu’il étend ses tentacules. Une étude publiée aujourd’hui dans la revue PLOS Pathogens, identifie une voie que tous les filovirus utilisent pour s’infiltrer dans nos cellules et explique comment ils peuvent être arrêtés dans leur élan par au moins un médicament approuvé par la FDA.
Le virus d’Ebola est pernicieux puisqu’il dupe le corps en prétendant être une cellule mourante.
« Il se cache à la surface de la cellule dans un lipide qui n’est normalement pas exposé. Il n’est exposé que lorsque la cellule subit l’apoptose », explique la Dre Marceline Côté, professeure agrégée au Département de biochimie, microbiologie et immunologie, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en virologie moléculaire et thérapeutique antivirale et chercheuse principale dans le cadre de cette étude. La Dre Côté est spécialiste de renommée mondiale sur la façon dont les virus s’infiltrent en nous, une compréhension qui est essentielle à tout effort visant à les empêcher de s’infiltrer.
Le virus qui persiste est ensuite pris en charge par les cellules du système immunitaire qui le transportent involontairement vers d’autres parties du corps, disséminant ainsi l’infection. Pratiquement tous les organes deviennent des sites actifs de reproduction, et le résultat est une maladie vicieuse et multisystémique. Une fois qu’il est parvenu à s’infiltrer dans la cellule, le virus doit trouver un récepteur spécifique qui lui permet d’accéder à la glycoprotéine, activant ainsi le processus qui lui permettra de se multiplier. Un médicament capable de l’empêcher d’y accéder pourrait vaincre la maladie.
L’équipe de la Dre Côté, notamment Corina Stewart, étudiante au doctorat a procédé à la mise à l’essai d’une batterie de médicaments contre un virus dans des cultures cellulaires. Comme il n’est pas sécuritaire de travailler avec un virus d’Ebola reproducteur dans un laboratoire standard, l’équipe de l’Université d’Ottawa a utilisé un substitut.
« Nous utilisons un virus sûr déguisé en virus d’Ebola. Il s’infiltre exactement de la même façon qu’un virus d’Ebola, mais son noyau est tout à fait sécuritaire », dit la Dre Coté. « Comme on utilise un virus de la leucémie murine ou des rétrovirus fabriqués, il n’y a rien à craindre. »
Une fois que l’équipe a identifié une série de médicaments qui semblait fonctionner, les données ont été partagées avec le Dr Darwyn Kobasa, collaborateur, au Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg, où une cote de biosécurité de niveau 4 permet aux chercheurs de manipuler le virus bona fide. Le Dr Kobasa a confirmé qu’un petit nombre de médicaments chimiothérapeutiques contre le cancer étaient efficaces pour empêcher le virus d’Ebola de s’implanter dans les cellules.
Bien que ces types de médicaments puissent être éprouvants pour l’organisme, une infection au virus d’Ebola est associée à un risque élevé de décès. De plus, comme l’infection ne dure pas longtemps, tout traitement désagréable peut alors être tout aussi bref.
L’identification des médicaments efficaces contre le virus d’Ebola permet aussi à l’équipe d’en savoir plus sur la façon dont le virus s’infiltre. Notamment, cette étude montre que le virus d’Ebola a développé des façons d’être actif dans son invasion d’une cellule. Auparavant, on croyait que l’infiltration du virus était laissée surtout au hasard; de nombreuses particules étant laissées derrière, alors que seulement quelques-unes s’infiltraient dans la cellule. L’étude de la Dre Côté montre que le virus a évolué pour s’infiltrer de façon très efficace, plutôt que de simplement prendre le chemin le plus simple.
« Le virus n’ait pas un passager passif » rapporte la Dre Côté. « Il a les deux mains sur le volant. »