La pharmacorésistance est un obstacle chronique au traitement du cancer. Mais comment se fait-il que certaines cellules cancéreuses développent une résistance aux composés employés dans les traitements de chimiothérapie? Voilà ici une question à laquelle les scientifiques cherchent à répondre depuis longtemps.
Maintenant, une nouvelle étude propose une approche sous un angle différent pour s’attaquer à ce problème mondial important. L’étude suggère de cibler les vulnérabilités métaboliques dans l’espoir de surmonter le phénomène mortel associé à la chimiorésistance.
Publié aujourd’hui dans la revue Cell Reports , cette étude collaborative dirigée par le laboratoire de la Dre Julie St-Pierre à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa a choisi une approche inhabituelle pour explorer la pharmacorésistance dans le traitement du cancer du sein. Plutôt que d’utiliser une approche typique qui vise à comparer les cellules qui résistent au traitement à celles qui réagissent bien au traitement, l’équipe a cherché à suivre l’évolution de la chimiorésistance au fil du temps.
« Notre approche à la chimiorésistance est novatrice puisque nous considérons le phénomène comme un événement dynamique plutôt que spontané. »
Le Dr Yannick Audet-Delage
— Auteur principal
Cette approche a été choisie après avoir observé que les concentrations de médicaments dans les tumeurs solides diminuent en fonction de la distance qui les sépare des vaisseaux sanguins. Pendant le traitement initial, les cellules cancéreuses qui sont les plus loin des vaisseaux sanguins sont exposées à de plus faibles doses de médicaments. Elles sont progressivement soumises à des doses aussi élevées que les cellules à proximité des vaisseaux lorsque celles-ci sont enrayées.
Les résultats sont particulièrement fascinants. Le Dr Yannick Audet-Delage, auteur principal, affirme que les résultats de l’équipe suggèrent que l’exposition des cellules cancéreuses à des doses sublétales de chimiothérapie augmente la résistance des populations cellulaires à des doses plus élevées de médicaments, favorisant ainsi le développement d’une résistance au traitement.
« Notre approche à la chimiorésistance est novatrice puisque nous considérons le phénomène comme un événement dynamique plutôt que spontané », rapporte le Dr Audet-Delage. « Ces résultats préconisent l’utilisation de modalités de traitement plus intensives, telles que des traitements chimiothérapeutiques à fortes doses pour contribuer à prévenir le développement d’une résistance thérapeutique chez les patients. »
Ce travail rigoureux a été le principal article du Dr Audet-Delage en tant que stagiaire postdoctoral. Il est lié à un prestigieux prix de transition de carrière que lui a récemment décerné la Société de recherche sur le cancer. Ce programme de subventions hautement concurrentiel, surnommé Bourse pour la relève scientifique vise à soutenir et encourager les postdoctorants les plus prometteurs du Canada à devenir les meilleurs chercheurs de demain dans le domaine de la recherche sur le cancer.
À l’aide d’une approche fondée sur la biologie des systèmes combinée à des analyses de haut niveau, l’équipe de recherche de l’Université d’Ottawa a cherché à mieux comprendre les observations faites lors d’une étude réalisée par le laboratoire de la Dre St-Pierre qui fut publiée dans la revue scientifique eLife en 2021. Dans le nouvel article Cell Reports, l’équipe s’est concentrée sur les mécanismes des protéines porteuses de solutés (SLC), qui assurent le transport d’une gamme de solutés à travers les membranes cellulaires.
« Nous avons acquis des connaissances importantes au sujet des mécanismes moléculaires impliqués dans le développement d’une résistance au traitement. »
La Dre Julie St-Pierre
— Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en métabolisme du cancer
Les chercheurs ont constaté que les cellules résistantes au traitement présentaient une expression plus élevée de deux gènes appelés SLC38A7 et SLC46A1 – et une expression plus haute de ces SLC dans les tumeurs du sein associée à une diminution du taux de survie. Réciproquement, les niveaux réduits de ces transporteurs diminuaient la prolifération des cellules cancéreuses.
Ces observations percutantes au sujet des SLC, qui sont de plus en plus perçues comme des cibles d’interventions thérapeutiques dans un éventail de disciplines, pourraient mener à de nouvelles approches au traitement du cancer.
« En étudiant l’évolution du développement d’une résistance au traitement dans les cellules cancéreuses, nous avons acquis des connaissances importantes au sujet des mécanismes moléculaires impliqués dans le développement d’une résistance au traitement. En plus des principaux mécanismes de résistance connus, nous avons identifié plusieurs programmes cellulaires qui sont sollicités à différents moments du développement de la résistance, révélant de nouvelles possibilités de traitement », explique la Dre St-Pierre, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en métabolisme du cancer et professeure titulaire à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa.
Que réserve l’avenir pour l’équipe de recherche ? Puisque cette étude suggère que le ciblage des vulnérabilités métaboliques dans les tumeurs pourrait améliorer l’efficacité des traitements, l’équipe compte poursuivre sa recherche translationnelle en exploitant les dépendances métaboliques des tumeurs.
« L’objectif global de notre laboratoire est d’identifier des vulnérabilités métaboliques exploitables pour réduire le fardeau tumoral chez les patients », explique la Dre St-Pierre.
L’étude collaborative a été réalisée avec l’expertise du Dr Peter Siegel, expert en métastases cancéreuses à l’Université McGill, et du Dr Arvind Mer, bioinformaticien à l’Université d’Ottawa. L’étude a été subventionnée par l’Institut de recherche Terry Fox et la Fondation du cancer du sein du Québec.
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