Le Mois de la Fierté, un entretien sous forme de questions et réponses avec le Dr Paul MacPherson

Par David McFadden

Rédacteur scientifique, Université d'Ottawa

Fierté
Faculté de médecine
Salle de presse
Santé
MacPherson
The Ottawa Hospital
Titulaire de la Chaire de recherche clinique en santé des hommes gais, le Dr MacPherson discute de l’importance de la Fierté pour la vaste communauté de la Faculté de médecine et partage ses réflexions au sujet de ses travaux de recherche.

Le Dr Paul MacPherson est depuis longtemps un leader éclairé en ce qui concerne les enjeux de santé auxquels font face les hommes gais. Exploitant une pratique de médecine spécialisée en maladies infectieuses et ayant un intérêt particulier pour le VIH et d’autres infections transmissibles sexuellement, il travaille avec des groupes communautaires, des cliniciens, des professionnels de la santé mentale et des chercheurs pour motiver le changement. 

En janvier, il a été nommé titulaire de la Chaire de recherche clinique en santé des hommes gais, un nouveau rôle de formation et de recherche à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa et L’Hôpital d’Ottawa. Dans ce rôle d’avant-garde, épaulé par son équipe, le Dr MacPherson cherchera à identifier et combler les lacunes du système de santé auxquelles sont confrontés les hommes gais.

Pendant des années, il a joué un rôle clé au sein du groupe de mentorat pour les minorités sexuelles et de genre (MSG) à la Faculté de médecine, qui est axé sur le mentorat de groupe et/ou par les pairs et met en relation les étudiants et les membres du corps professoral.

Cette année, dans le cadre du Mois de la Fierté, nous nous sommes entretenus avec le Dr MacPherson sur l’importance de la visibilité de la communauté 2ELGBTQIA+, ses travaux de recherche, et autres sujets.

Q: Juin est le Mois de la Fierté. Que signifie pour vous la Fierté en tant qu’homme gai et en tant que chercheur étudiant l’impact des préjugés et de la mésinformation auxquels se butent trop souvent les personnes 2ELGBTQIA+ dans les systèmes de santé?

R: Au cours de ma vie, je crois que la signification de la Fierté a beaucoup changé.  Les hommes gais, qui ont parfois l’impression d’appartenir à une minorité invisible, éprouvent parfois des sentiments de solitude et d’aliénation. Par conséquent, ils se sentent isolés. Historiquement, la Fierté visait essentiellement à sortir dans les rues, entourés de gens comme nous, ce qui est à la fois réconfortant et symbolique.

Au fil du temps, la Fierté est également devenue un moyen de reconnaître la diversité. Non seulement la diversité sexuelle et de genre, mais la riche diversité au sein de la société et notre diversité individuelle. Par exemple, je me définis comme un formateur, un médecin et un homme gai fièrement originaire des provinces maritimes, et d’ascendance écossaise. Chaque personne a sa diversité unique et se définit à sa façon, et je crois qu’il est important de le reconnaître. Par exemple, la médecine a souvent tendance à traiter les hommes gais en se basant sur leur façon d’avoir des rapports sexuels comme seul déterminant social de la santé. Cela sous-estime le fait que chacun de nous se définit à sa façon. Selon moi, la Fierté est l’occasion de faire valoir notre diversité individuelle.

Q: La Faculté de médecine aspire à améliorer notre apprentissage inclusif et nos milieux de travail. Pouvez-vous nous parler un peu du groupe de mentorat et de ses principaux objectifs?

R: Laissez-moi d’abord vous expliquer comment le groupe a été créé. Il y a huit ans environ, je me suis assis pour prendre un café avec quelques étudiants en médecine appartenant à des minorités sexuelles et de genre. L’une des femmes présentes a mentionné qu’elle souhaitait rencontrer une femme médecin lesbienne pour confirmer qu’elle n’est pas la seule. Je l’ai regardé et j’ai répondu, « Mais il y a des gais et des lesbiennes au sein du corps professoral et en milieu hospitalier! » Honnêtement, j’étais stupéfait par son commentaire puisque j’avais l’impression qu’il était évident pour elle qu’elle était entourée de ces gens. Puis, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’une question de visibilité et que ces étudiants se sentaient isolés et seuls. Il était clair que nous devions offrir un mentorat et aux stagiaires l’occasion de rencontrer des personnes comme eux pour surmonter ce sentiment d’isolement; il était impératif de créer des occasions pour permettre à nos membres de tisser des liens et de se soutenir mutuellement.

Au fil des années, le groupe de mentorat a connu des hauts et des bas. Nous organisons généralement des activités sociales et des réunions sur une base mensuelle pour permettre aux étudiants MSG d’échanger entre eux et avec les MSG du corps professoral.  Le groupe est géré par le Bureau d’équité, de diversité et d’inclusion de la Faculté et nous sommes toujours heureux de répondre aux questions de personnes qui aimeraient en apprendre davantage sur le processus de mentorat et échanger avec d’autres collègues et membres du corps professoral appartenant à la communauté MSG.

Q: En janvier, vous avez été nommé titulaire de la Chaire de recherche clinique en santé des hommes gais. Vous n’en êtes qu’à vos débuts, mais pouvez-vous partager un peu ce que vous avez appris jusqu’à présent au sujet des besoins en santé des hommes gais et la façon de surmonter les défis?

R: Nous tentons d’identifier les besoins les plus pressants, et comment nous pouvons faire une différence. Jusqu’à présent, je constate à quel point tout est entremêlé – et l’impact de la santé mentale. Nous avons également découvert que la dépression est un trouble très fréquent chez les hommes gais.  La prévalence de la dépression est supérieure à 13 %, et celle de l’anxiété correspond à 17 %. Ces chiffres sont beaucoup plus élevés qu’au sein de la population générale où ces pourcentages sont respectivement de 4 et 2 %. Il s’agit donc de taux trois à cinq fois plus élevés chez les hommes gais. Il s’agit de statistiques troublantes et inquiétantes.

De plus, 20 % des hommes gais en Ontario qui ont répondu aux sondages que nous avons réalisés ont signalé avoir été victimes d’agressions sexuelles. Tout aussi préoccupant, 35 % ont signalé avoir été victime de violence physique de la part de leur famille ou de leur partenaire. On en déduit que le fait de ‘s’afficher’ comporte des risques. Et selon moi, il est important de le reconnaître puisqu’aujourd’hui, les gens ont tendance à croire qu’il est très facile de ‘s’afficher.’ Ce n’est certainement plus aussi difficile qu’auparavant, mais il y a clairement encore des risques importants.

Q: Ce rôle est le premier en son genre au Canada. Avez-vous espoir que ce travail révolutionnaire inspirera les établissements de soins de santé à travers le Canada à adopter des initiatives similaires?

R: Absolument, et j’espère que ce sera le cas à l’échelle nationale. Je crois qu’il est primordial de défendre les droits en santé des personnes en situation minoritaire. Je suis un homme gai et je suis heureux de faire pression afin que les hommes gais aient droit à de meilleurs soins de santé plus inclusifs, et j’ai confiance que d’autres se manifesteront pour se porter à la défense d’autres groupes minoritaires. Enfin, j’espère que notre travail sert d’exemple aux autres.

Q: Quels conseils donneriez-vous aux étudiants 2ELGBTQIA+ qui songent à faire carrière en médecine?

R: Mon premier conseil serait le même que pour toute personne qui fait carrière en médecine : j’espère que vous savez ce à quoi vous vous engagez! C’est un emploi très exigeant et vous devez être bien préparé; il est important d’être passionné par votre travail.

Mon conseil pour les membres de minorités sexuelles et de genre qui font carrière en médecine est de faire preuve d’honnêteté et d’ouverture et d’assurer leur visibilité. Cela est important pour nos patients, et pour les futurs stagiaires. En assurant notre visibilité, on rappelle à tous que nous sommes des personnes comme les autres. Nous faisons la lessive, et préparons notre café le matin comme tout le monde.  Alors, faites preuve d’honnêteté et d’ouverture et assurez votre visibilité puisque cela est avantageux pour vous et pour les personnes qui vous entourent.