L’étude, menée par une équipe de L’Hôpital d’Ottawa, de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, de l’Institut de recherche Bruyère et de l’ICES, montre que les gens qui ont eu recours aux services d’urgence pour des psychoses induites par la drogue (de brefs épisodes d’hallucinations ou de délire déclenchés par la consommation ou le sevrage) présentaient 18,5 % plus de risque d’être atteints de schizophrénie dans les trois années suivantes.
Les personnes se rendant à l’urgence à cause de la consommation de drogue sans être atteintes de psychose (p. ex. pour une intoxication) avaient un risque plus faible (1,4 %) de présenter une schizophrénie dans les trois ans, ce qui est quand même beaucoup plus élevé que dans la population en général, où ce risque est de 0,1 %.
« Nos constats montrent une augmentation importante du risque de diagnostic de schizophrénie après un épisode de psychose induit par la drogue ou après la consommation de la même substance sans psychose – ce risque est alors, respectivement, 163 fois et 10 fois plus élevé que dans la population en général, explique le Dr Daniel Myran, principal auteur de l’étude, scientifique adjoint à l’ICES, médecin de famille, professeur adjoint au Département de médecine familiale de l’Université d’Ottawa et chercheur à l’Institut de recherche Bruyère.
L’équipe de recherche a analysé les dossiers médicaux conservés par l’ICES sur près de 10 millions de personnes de 14 à 65 ans vivant en Ontario, pour la période de janvier 2008 à mars 2022. Ont été retenues dans l’échantillon les personnes n’ayant aucun antécédent de psychose ou de schizophrénie. L’étude visait à comparer les personnes qui se rendaient pour la première fois à l’urgence après avoir consommé des drogues (avec ou sans psychose) à la population en général. L’échantillon comptait 407 737 personnes ayant consulté après avoir consommé des drogues, dont 13 784 (3,4 %) à cause d’une psychose induite par ces substances.
Les scientifiques ont constaté d’importantes différences de risque en fonction du type de substance. Pour les personnes ayant une psychose induite par une substance, c’est le cannabis qui entraînait le risque le plus grand; 26 % d’entre elles présentaient une schizophrénie dans les trois années suivantes, c’est-à-dire 242 fois plus que dans la population en général.La consommation d’amphétamines (surtout de métamphétamines, en cristaux ou autres) est associée au risque maximal sans psychose, 3,7 % des gens présentant une schizophrénie dans les trois ans, soit 28,4 fois plus que dans la population en général.
Pour toutes les visites à l’urgence liées à la consommation de substances, ce sont les jeunes et les hommes (sexe assigné à la naissance) qui étaient associés au risque le plus élevé de schizophrénie, notamment pour la consommation de cannabis. Plus de 40 % des hommes de 14 à 24 ans ayant consulté les services d’urgence pour une psychose induite par le cannabis ont reçu un diagnostic de schizophrénie dans les trois ans suivants, soit deux fois plus que les femmes de la même tranche d’âge.
« Les gens ayant un premier épisode de psychose ont en grande majorité consommé du cannabis, et le fait de continuer à en consommer après le premier événement empire également le pronostic de psychose. Il faut souligner que les personnes qui consomment du cannabis ignorent trop souvent les risques pour leur santé mentale; elles devraient être mieux renseignées », explique Marco Solmi, coauteur de l’étude et directeur médical de « On avance », un programme d’intervention au premier épisode de psychose de L’Hôpital d’Ottawa.
Des études de diverses disciplines montrent que la consommation de drogues peut jouer un rôle important dans l’apparition de la schizophrénie. Si cela s’explique en partie par des facteurs de risque communs, c’est-à-dire des facteurs génétiques ou environnementaux qui pourraient prédisposer les personnes qui risquent le plus de présenter une schizophrénie à faire grand usage de substances, les données montrent que des drogues comme le cannabis peuvent jouer un rôle causal dans l’apparition de la schizophrénie.
« Il importe de prendre en compte le risque élevé associé à la consommation de cannabis, notamment chez les jeunes hommes, dans l’éducation du public et les politiques, étant donné la tendance à l’augmentation de la consommation de cannabis et l’intérêt pour sa légalisation dans le monde », ajoute le Dr Myran.
Comme le souligne Jess Fiedorowicz, chef et directeur du Département de santé mentale de L’Hôpital d’Ottawa et coauteur de l’article, « des études nationales démontrent avec constance une augmentation stable de la consommation de cannabis dans tout le pays. Notre équipe a observé une hausse notable du nombre de personnes présentant des problèmes psychiatriques importants après avoir consommé du cannabis. Nous espérons que cette étude attirera l’attention sur ce problème de santé publique important, mais trop souvent négligé. »
L’étude, intitulée « Transition to schizophrenia spectrum disorder following emergency department visits due to substance use with and without psychosis », a été publiée dans JAMA Psychiatry.Équipe de recherche : D.T. Myran , L.D. Harrison, M. Pugliese, M. Solmi, K.K. Anderson, J.G. Fiedorowicz , C.M. Perlman, C. Webber, Y. Finkelstein, P. Tanuseputro.
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