Apnée du sommeil : les dangers cachés d’un souffle interrompu

Par Université d'Ottawa

Faculté des sciences de la santé, Camille Cottais

Faculté des sciences de la santé
Recherche et innovation
Pascal Imbeault dans un laboratoire
Vous réveillez-vous à répétition la nuit, ou encore ressentez-vous de la fatigue ou de la somnolence durant la journée? Vous souffrez peut-être d’apnée du sommeil, un trouble respiratoire qui touche entre 5 et 15 % de la population adulte d’âge moyen et 50 % des personnes en situation d’obésité. Dans son laboratoire au nouveau pavillon de la Faculté des sciences de la santé, Pascal Imbeault, professeur titulaire en sciences de l’activité physique et membre de l’Institut du Savoir Montfort, simule une privation intermittente d’oxygène pour mieux comprendre les effets de l’apnée du sommeil sur la gestion des lipides sanguins.

« L’apnée du sommeil, c’est lorsque l’on dort et qu’il y a un affaissement des voies respiratoires qui provoque de la difficulté à respirer », résume le professeur Imbeault. Les personnes qui en souffrent pensent qu’elles dorment, mais leur système nerveux est en alerte à cause du manque d’oxygène dans leur organisme, ce qui affecte considérablement la qualité de leur sommeil. Les personnes en situation d’obésité sont particulièrement vulnérables à l’apnée du sommeil, car l’accumulation de tissus adipeux (graisses) peut comprimer les voies respiratoires.

Le cœur et le cerveau sous pression

« En temps normal, nous respirons environ 12 fois par minute afin d’assurer un bon apport en oxygène ainsi que l’expulsion du CO₂ produit », explique Pascal Imbeault. Cependant, les personnes souffrant d’apnée du sommeil arrêtent de respirer plusieurs fois ou respirent moins souvent au cours du sommeil. « C’est un peu comme si on demandait à quelqu’un de retenir son souffle pendant plusieurs minutes, jusqu’au besoin manifeste de reprendre sa respiration », illustre-t-il. 

Le manque d’oxygène provoque des micro-réveils chez la personne affectée, qui ne se rend pas nécessairement compte de la situation. Il s’agit, selon le chercheur, d’une situation extrêmement stressante pour notre organisme, et particulièrement pour le cerveau, dont l’un des rôles est justement d’assurer un apport constant en oxygène. 

Le cœur est également affecté : pour compenser le manque d’oxygène, il se met à battre plus fort, et le flux sanguin est accru. Normalement, la fréquence cardiaque est censée diminuer lorsque l’on dort, mais pour les personnes vivant avec l’apnée du sommeil, « c’est comme si elles faisaient de la marche pendant toute la nuit; le cœur est extrêmement sollicité pour compenser le manque d’oxygène dans le sang », explique le professeur Imbeault. 

Celui-ci rappelle que l’apnée du sommeil augmente les risques de maladies cardio-vasculaires, les personnes affectées étant deux à trois fois plus enclines à mourir d’une maladie cardiaque. En outre, dans le cadre de leurs recherches des dernières années, Pascal Imbeault et les membres de son équipe ont découvert que l’apnée du sommeil impacte également la gestion des lipides sanguins, c’est-à-dire les graisses circulant dans notre sang.

Un laboratoire unique pour étudier les effets de l’apnée du sommeil

Puisqu’il serait très difficile d’analyser le sang d’une personne faisant de l’apnée du sommeil pendant qu’elle dort, l’équipe de recherche a dû trouver d’autres solutions pour simuler ce trouble. Avant l’ouverture du nouvel édifice de la Faculté des sciences de la santé et de sa chambre hypoxique, on installait sur les personnes participantes un masque coupant en partie leur apport en oxygène pour simuler une baisse d’oxygène dans le sang (hypoxie).

Chambre hypoxique au campus Lees

Cette époque est révolue : il est dorénavant possible d’observer ces personnes dans la chambre hypoxique, où l’on fait passer la proportion d’oxygène dans l’air respiré de 20,93 % à 12 ou 13 %. Les personnes participantes y restent pendant sept heures, au cours desquelles l’équipe de recherche leur donne à manger et prélève des échantillons de sang, afin de démontrer qu’en cas d’hypoxie, la capacité de l’organisme à gérer les lipides sanguins est compromise.  

En d’autres termes, « les lipides demeurent plus longtemps dans notre sang qu’ils le devraient, ce qui peut être un problème, car ultimement, ils vont se coller sur nos parois comme de la saleté sur une vitre, ce qui forme de l’athérosclérose, entraînant donc la prévalence potentielle de maladies cardiaques ». Pascal Imbeault se réjouit que son équipe de recherche ait été l’une des premières à avoir caractérisé ce phénomène chez l’humain, car il n’avait auparavant été démontré que chez le rat.

Configuration de l'hypoxie intermittente sur une participante

Comment se sent-on dans la chambre hypoxique? Les participantes et participants peuvent avoir de la nausée, et même ressentir des effets proches de l’ivresse. « C’est un peu comme si on vous demandait d’aller faire une marche en haute altitude, mais plutôt que de vous permettre de vous adapter progressivement, on transpose très rapidement votre organisme dans un état extrême », précise-t-il. Le cerveau combat ce manque d’oxygène, continue Pascal Imbeault, ce qui impacte « sa capacité de bouger et d’analyser son environnement ».  

En définitive, l’apnée du sommeil ne se contente pas de nous dérober des heures de repos, elle met aussi notre corps à l’épreuve. Grâce aux recherches novatrices du professeur Imbeault, nous comprenons mieux les mécanismes de ce trouble, un pas de plus vers des solutions qui pourraient redonner à des milliers de personnes des nuits paisibles.