Contrairement à la plupart des épidémiologistes, qui se concentrent souvent sur des conditions ou des méthodologies précises, le professeur Deonandan se voit comme un « épidémiologiste de la santé mondiale » qui adopte un large point de vue. Avant la pandémie, ses travaux s’articulaient autour des trois « e » : éthique, éducation et épidémiologie. Il a exploré les répercussions éthiques des technologies de reproduction, utilisé des sources de données non conventionnelles (comme les dossiers d’assurance et d’hospitalisation) et mis au point des méthodes novatrices d’enseignement des sciences de la santé.
Vulgariser l’information épidémiologique : un impératif
Mais pendant la crise sanitaire, la carrière de Raywat Deonandan a pris un virage radical. Après s’être découvert un talent pour la communication, il a entrepris la rédaction d’un billet de blogue intitulé COVID19: what’s the end game?. « Avant la publication de ce billet, mon blogue attirait environ 200 lectrices et lecteurs par semaine », se souvient-il. « Cet article a été lu par un demi-million de personnes! » C’est là qu’il a pris conscience de l’insuffisance, en pleine crise, d’informations vulgarisées sur l’épidémiologie.
Pendant les deux premières années de la pandémie, le professeur Deonandan a fait plus de 2 000 interventions sur la COVID-19 dans les médias : rédaction d’articles de presse et de billets de blogue expliquant la maladie, plusieurs apparitions à la télévision et participations à des balados, à des entrevues et à des débats dans la presse écrite.
Encore aujourd’hui, il continue d’écrire à ce sujet. L’an dernier, il a d’ailleurs publié, avec d’autres membres de la communauté de recherche, l’ouvrage Pandemics, Public Health, and the Regulation of Borders: Lessons from COVID-19, qui rassemble une série d’essais décrivant les répercussions juridiques et épidémiologiques de la fermeture des frontières durant la pandémie.
Culture scientifique à la dérive
Le professeur Deonandan travaille actuellement à la rédaction d’un nouveau livre sur les meilleures façons de communiquer l’information et de promouvoir le savoir-agir en contexte de pandémie. Il a aussi mis sur pied un cours de cycle supérieur sur la communication d’informations sur la santé publique et les pandémies.
« Une forte vague de révisionnisme visant à diaboliser les autorités sanitaires et les scientifiques sévit depuis quelques années », souligne-t-il. « Des personnes tentent de miser sur la désinformation pour faire de l’argent. » Pour faire face à cette crise, qui menace la culture scientifique et qu’il qualifie de « fléau de notre époque », il faut selon lui réinvestir de toute urgence dans la culture scientifique générale pour les non-spécialistes.
C’est donc pour cette raison que le chercheur s’emploie à vulgariser les principes fondamentaux de l’épidémiologie non seulement pour le grand public, mais également pour les décisionnaires, les gouvernements et les entreprises. Sujet plus pertinent que jamais, « l’épidémiologie touche tout le monde de manière très directe, et l’incapacité à la comprendre constitue un danger ».
Raywat Deonandan se voit donc comme un scientifique et un éducateur, dont le rôle est d’intervenir face à cette montée de la désinformation, « afin de faire émerger le bon sens ». « Je crois que toute la communauté de recherche devrait travailler en ce sens. Le monde a besoin de scientifiques qui savent communiquer. »
À la défense de la relève
Dans son module sur la façon de communiquer en public, il enseigne également aux étudiantes et étudiants des cycles supérieurs à se protéger en tant que personnalité publique. Ayant lui-même été victime de menaces pendant la pandémie, il sait que ce risque a dissuadé quantité d’étudiantes et étudiants de s’exprimer publiquement. « On ne les éduque pas suffisamment à l’aide d’une formation philosophique qui leur permettrait d’affronter les épreuves du monde d’aujourd’hui », avance-t-il.
« Je ne me considère pas seulement comme un épidémiologiste ou un scientifique. Je travaille au service de la population. Et je milite en faveur d’une nouvelle génération de chercheuses et chercheurs qui évolueront dans ce monde. C’est ainsi que nous devons voir notre rôle : notre mission ne se limite pas à l’enseignement et à la recherche. Nous guidons la génération de demain. »